La nouvelle promesse de Macron

Macron hier à Papeete
(Photo AFP)

En visite en Polynésie française, Emmanuel Macron a promis de tenir compte des souffrances des populations locales pendant les essais nucléaires (1966-1996) et d’en indemniser les victimes.

CE PRÉSIDENT si chahuté n’a jamais ralenti le rythme de son activité depuis qu’il a été élu. Il a décidé, en pleine crise sanitaire, d’aller au bout du monde où se trouvent des Polynésiens, Français du Pacifique, qui ont des reproches à nous adresser depuis trente ans, depuis que nous avons mis un terme à nos essais militaires nucléaires. Il leur a tendu la main, comme il sait le faire, et il a même prolongé son voyage vers le Sud du Pacifique puisqu’il s’est rendu aux Îles Marquises. Depuis quatre ans, il est couvert de critiques, de blâmes, parfois de quolibets et d’insultes, mais l’homme du « en même temps » est celui de la synthèse. Chaque fois qu’il le peut, il traite un dossier (celui-ci est enterré depuis plus d’un quart de siècle) tout en continuant à gérer les crises qui n’ont cessé de jalonner son mandat : dans l’avion du retour, aujourd’hui, il a présidé son conseil des ministres hebdomadaire en visioconférence.

193 essais.

Le chef de l’État a reconnu que la France avait une dette envers la Polynésie et il a pris l’engagement de traiter le dossier dans une transparence absolue. En 1966, la France de de Gaulle a mis fin aux 17 essais nucléaires effectués au Sahara. Puis, pendant trente ans, jusqu’en 1996, elle a procédé à 193 essais à Mururoa et Fangataufa. Il ne s’agissait plus du même ordre de grandeur. François Mitterrand, harcelé par les pays soucieux de mettre un terme aux dégâts causés par les essais sur la nature et sur les hommes, a suspendu la campagne d’essais pendant trois ans. Jacques Chirac les a repris aussitôt après avoir été élu, jusqu’au 27 janvier 1996. Les grandes puissances nucléaires ont alors trouvé un accord pour remplacer les essais souterrains par la modélisation. La France, n’ayant pas encore mis au point ce système, poursuivit ses essais, ce qui lui valut un tollé mondial dont Chirac ne put se débarrasser qu’en y mettant fin.

Une calamité.

C’était déjà une immense bataille autour de l’environnement, et c’était aussi la soumission du peuple de Polynésie à une calamité. Macron a reconnu une évidence : il y a des personnes irradiées dans ces îles du Pacifique et elles ont au moins droit à une indemnisation. On notera que la France s’est lavé les mains d’une catastrophe qu’elle a sciemment provoquée ; sommée d’en finir avec la pratique des essais, elle a refusé afin de maintenir son statut de grande puissance nucléaire. Dans cette affaire, Chirac s’est montré très gaullien, mais il n’a pas senti que le vent avait tourné contre les armes atomiques et que développer son stock national devenait une affaire mondiale, où le vice était dénoncé par la vertu. La critique était injuste dans la mesure où les stocks américain et russe étaient déjà infiniment plus grands que le nôtre. Mais la fin de essais a sonné comme le glas international des engins nucléaires et, bien sûr, cette décision ne souffrait aucune exception.

Un peu de justice.

Les nationalistes retiendront que Chirac a réussi à protéger le statut de la France, ce qui n’est pas négligeable quand la guerre froide réapparaît et que la Russie et la Chine expriment des ambitions expansionnistes. Les écologistes et les pacifistes se souviennent, en revanche, de ce que la France a fait aux Polynésiens. Macron, qui tient au statut de notre pays au moins autant que ses prédécesseurs, a voulu introduire un peu de justice dans notre politique nucléaire, alors même qu’il fournit un effort budgétaire pour moderniser nos moyens de dissuasion. On le lui reprochera sans doute car il est coutumier de le critiquer pour un geste inattendu, ce geste que les Polynésiens attendaient avec impatience. La France les a laissés dans l’incertitude (et la souffrance) pendant trente ans, il était normal qu’elle posât sur eux un regard un peu plus charitable.

RICHARD LISCIA

 

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Une réponse à La nouvelle promesse de Macron

  1. Laurent Liscia dit :

    Le statut d’une nation doit-il primer sur son salut moral ? Ces deux objectifs sont rarement conciliables, mais ne sont pas mutuellement exclusifs. Souvenons-nous que la France gaullienne a été libérée du nazisme et du pétainisme, la forme la plus corrompue du maintien de statut (puisqu’elle fut le résultat de la capitulation et de la collaboration enthousiaste). A l’époque, pas de sous-marins nucléaires, pas de force de frappe, pas de Mirages, juste une poignée de résistants dont le courage inouï ne s’est jamais démenti. Le statut de la France aux yeux des vainqueurs tenait à la force morale de ces quelques hommes et femmes. Rendre justice aux Polynésiens c’est aussi dénoncer la logique du statut et rendre son primat au salut moral de la France. Je renverrais ceux qui voient là une faiblesse aux débuts du gaullisme -le vrai gaullisme, celui du courage, pas celui qui s’est perdu dans les sables d’une illusoire grandeur qui ne nous a guère rendu service.

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