La France a eu sa part de terreur. Elle est devenue une cible privilégiée des assassins islamistes. Aujourd’hui, commence le procès le plus long, celui de l’unique survivant des attentats du 13 novembre 2015, et des hommes ou femmes qui ont aidé les terroristes à commettre leurs crimes.
NOTRE 13 novembre est un peu le 11 septembre américain. Les deux événements sont pourtant incomparables, en nombre de victimes et parce que la nature de chacun des deux crimes de masse est différente de l’autre. On est tellement habitué au terrorisme islamiste qu’on oublie ce qu’il a de spécifique : il s’attaque à des civils, il leur cause des blessures parfois inguérissables, il les tue ou les rend paralytiques, il est complètement dénué de scrupules, il n’a de respect ni pour l’âge ni pour le genre, la mort est le métier de ces criminels drogués à la religion comme d’autres à la cocaïne. Il transforme les sociétés occidentales en machines de guerre, en corps expéditionnaires, en instruments de représailles. Il n’existe plus de mots pour qualifier ou quantifier les meurtres terroristes, de sorte que juger ceux qui survivent à leurs attaques est inutile en l’absence de peine de mort. C’est le cas de Salah Abdesslam qui, de toute évidence, a tout fait pour ne pas mourir le jour de l’assaut et qui a préféré la prison.
La vérité des victimes.
Comme on l’a vu avec Guantanamo, il est presque impossible de se débarrasser d’un terroriste. S’il sort de prison, il risque de récidiver. Pour être certain de son innocuité, il faudrait l’exécuter. La France n’a pas de Guantanamo et Abdesslam est assez jeune pour recouvrer un jour la liberté. Qu’en ferons-nous ? L’expulserons-nous, mais où ? Cet homme, qui n’a pas dit un mot depuis qu’il a été arrêté, ne pourra jamais se réhabiliter. Son procès n’est pas pour nous une bonne affaire et, si la société française veut que l’on établisse la vérité, ce n’est pas de lui qu’elle viendra, mais des victimes et de leurs avocats. Le seul avantage que nous retirerons de cette expérience judiciaire, c’est que Abdesslam entend, s’il ne parle pas. Pendant huit mois, la plainte collective de ses victimes s’engouffrera dans ses oreilles, dans son esprit borné, dans sa mémoire. Peut-être n’a-t-il ni regret ni remords, mais il lui faudra des nerfs solides pour rester impassible devant tant de souffrances. Peut-être finira-t-il par craquer.
Fous de Dieu.
On ne le dit pas assez, mais il n’y aucun moyen de relativiser la violence terroriste. En Afghanistan, nous commençons déjà, en rationalistes impénitents, à établir une différence entre les talibans d’un côté et l’État islamique de l’autre. En réalité, il n’y en a aucune et si les talibans semblent éviter toute exaction à Kaboul, on ne sait rien de ce qui se passe dans le reste du pays et on n’a, surtout, aucune confiance en eux, sauf celle qui permet de négocier avec eux la sortie d’un nombre supplémentaire d’Afghans et d’étrangers. Ils n’ont pas payé pour les crimes qu’ils ont déjà commis et ils ne tarderont pas à en commettre de nouveau. Les cas de terroristes français qui ont été arrêtés, jugés, libérés et qui ont récidivé sont nombreux. Ils ne tuent pas pour s’enrichir. Ce sont des fous de Dieu.
La leçon d’un jugement.
Quoi qu’il en soit, il faut dissocier le problème géopolitique des crimes de masse. La recherche d’un compromis avec les talibans n’a rien à voir avec un attentat monstrueux de l’État islamique. Certes, Daech sait perdre des hommes au combat sans s’apitoyer sur leur sort. Et s’ils passent en jugement devant un tribunal légitime, il ne volera pas à leur secours. Ce qui compte, c’est que nous ayons de bonnes raisons de juger les terroristes et de riposter à leurs assassinats aveugles par un verdict serein et sévère. Ils ne veulent pas de la démocratie ? Ceux d’entre eux qui ont été pris dans les mailles du filet devront bien s’en accommoder. C’est ainsi que se passent les choses dans notre monde.
RICHARD LISCIA
Votre analyse est tellement juste ! Mais comme vous le soulignez Abdesslam n’a pas voulu mourir . Il a préféré la prison . Je serais partisane du rétablissement de la peine de mort pour les terroristes . Vous le dites assez bien : qu’en ferons-nous quand ils sortiront de prison ?
« C’est le cas de Salah Abdesslam qui, de toute évidence, a tout fait pour ne pas mourir le jour de l’assaut et qui a préféré la prison », je ne sais, j’avais lu que son arme s’était enrayée ?
Mais peu importe, il y a procès, et je pense que c’est une bonne chose qu’il y ait ce procès et que l’on oppose le droit à la barbarie.
Réponse
Cher Michel de Guibert,
Oui, il a dit que son arme s’est enrayée, et il a dit aussi que sa ceinture d’explosifs, qu’il a jetée dans un buisson, ne marchait pas. Il ressemble à l’écolier qui dit que sa plume ne marche pas. Abdesslam n’est pas seulement un assassin, c’est un lâche et un provocateur. Nos ennemis ne sont pas seulement féroces et redoutables, ils méritent notre mépris.
R. L.
On peut remplacer la peine de mort par la prison à vie réelle. Et les faire travailler dans de métiers pénibles. Afin qu’ils remboursent au moins ce qu’ils coûtent et ont coûté à l’état de droit.
Difficile de ne pas être en colère … Mais profitons de cette occasion pour célébrer nos institutions et un système de justice démocratique qui permet même aux pires assassins de se défendre. Restons sereins face à la barbarie, et souvenons-nous avec compassion des victimes.
Mourir pour des idées
L’idée est excellente
Moi j’ai failli mourir de ne l’avoir pas eue
Car tous ceux qui l’avaient
Multitude accablante
En hurlant à la mort me sont tombés dessus
Ils ont su me convaincre
Et ma muse insolente
Abjurant ses erreurs se rallient à leur foi
Avec un soupçon de réserve toutefois
Jugeant qu’il n’y a pas
Péril en la demeure
Allons vers l’autre monde en flânant en chemin
Car à forcer l’allure
Il arrive qu’on meure
Pour des idées n’ayant plus court le lendemain
Or s’il est une chose
Amère, désolante
En rendant l’âme à dieu, c’est bien de constater
Qu’on fait fausse route, qu’on s’est trompé d’idée
Les saint Jean bouche d’or
Qui prêchent le martyre
Le plus souvent d’ailleurs, s’attardent ici bas
Mourir pour des idées
C’est le cas de le dire
C’est leur raison de vivre, ils ne s’en privent pas
Dans presque tous les camps
On en voit qui supplantent
Bientôt Mathusalem dans la longévité
J’en conclus qu’ils doivent se dire
En aparté « mourons pour des idées, d’accord,
Mais de mort lente »
Encore s’il suffisait
De quelques hécatombes
Pour qu’enfin tout changeât, qu’enfin tout sarrangeât
Depuis tant de « grands soirs » que tant de fêtes tombent
Au paradis sur terre, on y serait déjà
Mais l’âge d’or sans cesse
Est remis aux calendes
Les dieux ont toujours soif, n’en ont jamais assez
Et c’est la mort, la mort
Toujours recommencée
Ô vous les boutefeux
Ô vous les bons apôtres
Mourez donc les premiers, nous vous cédons le pas
Mais de grâce, morbleu
Laissez vivre les autres
La vie est à peu près leur seul luxe ici bas
Car enfin, la Camarde
Est assez vigilante
Elle n’a pas besoin qu’on lui tienne la faux
Plus de danse macabre
Autour des échafauds, mourons pour des idées
D’accord mais de mort lente
D’accord mais de mort lente
Georges Brassens