Déclin de l’Occident : vraiment ?

Jacques Julliard
(Photo AFP)

Le journaliste et essayiste Jacques Julliard publie dans « le Figaro » une tribune où il annonce le « déclin » de l’Occident. Il a d’excellentes raisons d’exposer cette thèse. Mais il nous permettra de croire que l’histoire ne s’est pas arrêtée le 31 août à Kaboul.

LA CONQUÊTE de l’Afghanistan n’est qu’un moment historique dans un récit où les talibans ont perdu, puis gagné des batailles. Ils viennent d’ouvrir un chapitre durable, mais leur installation au pouvoir risque de ne pas s’éterniser, pour diverses raisons liées à leurs excès idéologiques, auxquels ils n’ont guère renoncé, à la pauvreté de leur pays, et surtout parce qu’une insurrection du peuple afghan est possible.

On sait, par exemple, que, livrés à eux-mêmes, les nouveaux maîtres de Kaboul suivront les préceptes religieux qui les conduisent à établir l’enfer sur terre et que, en dépit de l’esprit d’ouverture qu’ils prétendent introduire dans leur gouvernance, ils demeurent des terroristes et des gens qui réprimeront les libertés, qu’ils ont renvoyé les femmes afghanes aux humiliations et à la condition de sous-être, et qu’ils ont déjà écarté de leurs décisions toute forme d’influence libérale.

Un recul durable.

La défaite des États-Unis correspond sans nul doute à un recul général de l’Occident, qui pourrait même durer quelques décennies. En outre, l’Afghanistan n’est pas le seul symptôme d’un affaiblissement de l’Amérique et de l’Europe. Ce sont les valeurs mêmes qu’elles veulent partager avec d’autres puissances qui sont rejetées par des blocs entiers, comme la Chine, la Russie et même l’Inde qui, sous un vernis démocratique, est en ce moment dirigée par un pouvoir hindouiste voué à réprimer et à écarter la minorité musulmane. Or l’Inde et la Chine représentent à elles seules un bon tiers de l’humanité. Cependant, nous n’en sommes plus à l’heure des empires. L’histoire a démontré que ce sont des colosses aux pieds d’argile. Plus leurs territoires sont étendus, moins la vie chez eux devient supportable et arrive enfin le jour ou une subversion interne abat les dictateurs auto-désignés qui accaparent le pouvoir.

Mère-patrie.

Et ne pensent qu’à le garder au détriment des libertés individuelles. Prenons le cas  de la Chine : nous avons espéré qu’en se développant, le système chinois finirait par devenir plus flexible. Il n’en est rien et pour une raison simple : quand les Chinois, par exemple ceux de Hong Kong, exigent le rétablissement des libertés héritées de la colonisation britannique, ils sont tout simplement écrabouillés par le bulldozer de Pékin. Il est tout à fait vrai qu’à Hong Kong, au Tibet et chez les Ouïgours, Pékin a gagné une manche. Mais ses victimes n’ont pas renié leurs racines, un peu comme ces juifs espagnols forcés de se convertir mais qui poursuivaient en secret leurs pratiques religieuses. Leurs descendants, aujourd’hui, sont libres et l’Espagne les appelle à revenir vers ce qui fut autrefois pour eux la mère-patrie.

L’ennemi de l’empire, c’est l’empire.

Que raconte cette histoire ? Que le pire ennemi de l’empire, c’est l’empire lui-même, que plus il écrase la contestation et plus il est en danger. Que ce qui s’est produit en Afghanistan, c’est la collision de deux empires qui, au fond, ne méritent ni l’un ni l’autre de dominer l’Afghanistan. L’idée que les Chinois, les Russes, les Afghans et tant d’autres peuples martyrs doivent payer éternellement pour la soif de pouvoir et l’ego de leurs dictateurs est inacceptable. Ascension ou déclin, le système de la démocratie parlementaire associée au suffrage universel est celui qui a le mieux traversé les âges. Il faut considérer l’histoire au moment où elle prend un virage.

Les mieux armés contre le réchauffement climatique, pour l’élévation de la condition féminine, pour la prospérité sont ces empires déchus, comme l’empire britannique qui a soudain découvert qu’il n’a pas du tout souffert de son retrait de ses grandes possessions. Quand Roosevelt a expliqué à Churchill, l’homme qui avait combattu les Boers, que la suite de la Deuxième Guerre mondiale devait être la libération des peuples sous tutelle britannique, ce fut un crève-cœur pour le héros qui avait tenu tête au blitzkrieg nazi.

Boat people.

De la même façon, la France en renonçant à son empire, a eu en échange les Trente glorieuses. Ce n’est pas la conquête qui fait la force de l’Occident, c’est l’implantation dans des pays éloignés des principes démocratiques dont aucun peuple ne peut se dispenser. Les États-Unis et l’Europe restent, de cette façon, un phare pour le reste du monde. Et la meilleure preuve de ce que j’avance, c’est l’immigration massive en provenance d’Afrique et du Moyen-Orient, depuis que les « boat people » vietnamiens se sont exilés vers les deux continents qu’ils avaient combattus, l’Europe et l’Amérique,  comme s’ils n’avaient pas de meilleur ami que ces envahisseurs qu’ils avaient tant haïs.

RICHARD LISCIA

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3 réponses à Déclin de l’Occident : vraiment ?

  1. guinard dit :

    Belle conclusion ! Puissent les lumières de la démocratie éclairer au plus vite la planète sous toutes ses latitudes, sans quoi les dictatures de toutes natures terniront celle-ci de façon irrémédiable. C’est une course de vitesse que nous ne sommes malheureusement pas certains de gagner.

  2. Bruno Pierre dit :

    Analyse un peu simpliste qui ne tient pas compte des traditions de chaque pays. Quant à la « démocratie » c’est une vision idyllique dont nous sommes encore bien éloignés, pour le moment cette démocratie n’a rien amélioré car elle n’impacte pas le système commercial sur lequel le peuple n’est jamais consulté.

  3. Laurent Liscia dit :

    Déclin planétaire avant tout: celui de l’environnement. Les jeux de pouvoir n’auront pas grand sens dans un monde brûlant et surpeuplé.

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