Les adieux d’Angela

Mme Merkel et les oiseaux
(Photo AFP)

Dimanche, des élections générales ont lieu en Allemagne. Il est probable que d’intenses et longues négociations s’ensuivront pour désigner le nouveau chancelier ou la nouvelle chancelière.

DES TROIS candidats les plus en vue, Armin Laschet pour la CDU, Olaf Sholtz pour le SPD (sociaux démocrates) et Annalena Baerbock (Verts), c’est la troisième qui a le plus de charisme. Belle et souriante, elle a été soutenue par Angela Merkel. On ne s’attend pas pourtant à un renversement des alliances, le SPD allant à la rencontre des Verts. Mais rien n’est impossible. Pour le moment, la chancelière sortante, qui a passé seize ans à la tête de l’Allemagne réunifiée, a administré la preuve de son talent, de sa capacité à négocier, à rassurer ses concitoyens, à toujours se conduire avec courtoisie, et à se contenter de sourire devant les comportements passionnés de Nicolas Sarkozy et d’Emmanuel Macron.

« Nous y arriverons ».

Elle a pris des décisions dites « historiques » qui, certes, étaient inattendues, mais ne convenaient pas à tout le monde. Son nom restera associé à sa décision, en 2015, d’accueillir sur le territoire allemand un million de Syriens. « Nous y arriverons », avait-elle dit avec, dans la voix, une vibration inquiète mais aussi soulagée : elle venait de libérer sa conscience d’une culpabilité liée à l’indifférence des Européens pour le sort des exilés. Mais, ce faisant, elle créait un appel d’air pour tous les migrants existants ou à venir. Du coup, sa décision, qui n’était précédée d’aucun avertissement ni d’aucune négociation, notamment avec ses partenaires européens, a été mal reçue et n’a pas vraiment résolu la question de l’immigration.

Du nucléaire au charbon.

L’autre cap historique, l’abandon brutal du nucléaire, avec la fermeture de centrales parfaitement viables, constituait évidemment un progrès écologique remarquable. Sauf que le débat sur le nucléaire n’est pas clos : s’il est vrai que nous ne savons pas comment nous débarrasser des déchets, l’énergie atomique produit un minimum de CO2. En outre, l’Allemagne ainsi dénucléarisée a dû se rabattre sur le charbon infiniment plus polluant. Et, bien entendu, la dégradation de l’environnement allemand vaut pour toute l’Europe. Enfin, Angela Merkel a été capable de renoncer à son vieux dogme maastrichtien le jour où, face à la pandémie, elle a accepté l’unification des dettes de la zone euro. Ce n’était plus chaque pays qui devait rembourser ses emprunts, c’était la zone euro.  Dans cette affaire, on ne niera ni qu’il s’agit d’un changement de cap tout à fait extraordinaire, ni que les efforts de persuasion d’Emmanuel Macron n’ont pas été efficaces.

Elle a gouverné comme une femme.

Ce qui fait que, au total, la chancelière laissera un souvenir exceptionnel, celui d’une femme qui a gouverné en tant que femme et a démontré, peut-être pour la première fois que les qualités féminines sont de plus indispensables à la diplomatie. Ce qui n’a pas  toujours été le cas : Indira Gandhi n’était pas une douce interlocutrice et Golda Meïr était considérée comme « le seul homme du gouvernement » israélien. D’où le sentiment que les Allemands d’abord, les Européens ensuite, nourrissaient envers la chancelière, qu’ils aimaient comme une mère (« Mutti ») ou une grande sœur. Il y a eu de grands chanceliers en Allemagne mais seule Mme Merkel a su apporter un peu de tendresse au terrible métier de gouverner. Non qu’elle fût dupe de ses adversaires, qu’elle savait tenir à l’écart quand il le fallait. Mais elle était capable de s’abandonner à un moment de répit. Qui n’en a pas besoin ?

On lui pardonnera certaines décisions prises à la va-vite. Elle aura réussi à laisser un souvenir lumineux. Son seul comportement, son éthique incomparable qui l’a protégée contre toute mesure qui aurait paru s’inspirer ou ressembler vaguement à de l’hitlérisme, son intégrité (elle faisait ses courses elle-même), son sens de la justice, son horreur du cynisme, son  indulgence pour quelques saltimbanques qui de Berlusconi à Sarkozy, sont allés lui rendre visite, lui ont permis d’accomplir un parcours exceptionnel.

RICHARD LISCIA

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2 réponses à Les adieux d’Angela

  1. Laurent Liscia dit :

    La plus grand(e) chancelièr(e) de l’histoire.

  2. Je vous félicite blog exceptionnel !

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