La nouvelle donne

Biden : à détester ou à imiter ?
(Photo AFP)

Les élections en Allemagne et en France l’an prochain, l’abandon de l’Afghanistan, l’obsession chinoise des Américains, le retour des régimes dictatoriaux dans le monde arabo-musulman, tous ces événements, avec d’autres, concourent pour une modification en profondeur de la diplomatie mondiale.

LES ÉTATS-UNIS ont pris acte depuis longtemps de la nouvelle donne internationale, ils y ont même contribué en quittant le Proche-Orient pour se concentrer sur leurs relations avec la Chine. Mais, comme chacun sait, leur repli n’est déterminé par aucune accalmie sur le front : le printemps arabe a finalement produit de nouvelles dictatures qui maintiennent leur équilibre fragile. Les négociations avec l’Iran n’ont pas abouti. Le sort du peuple afghan hante la conscience de l’Occident. Et s’il est vrai que la Chine, de plus en plus agressive, pourrait un jour envahir Taïwan, comment l’empêcher d’attaquer, sinon en lui déclarant la guerre, ce qui reviendrait à appliquer, en l’occurrence, une idée contradictoire : faire la guerre pour ne pas la faire ?

Le drame malien.

Il est difficile d’évaluer le tournant pris par les relations internationales à la faveur du désengagement américain. Il a conduit Joe Biden à une crise avec la France dont il se dépêtrera difficilement, peut-être jamais, tant notre rancune de victime est acérée : en annonçant ce matin la vente de trois frégates à la Grèce, le président Macron a répété qu’il tirerait toutes les leçons de l’annulation du contrat de plus de 50 milliards d’euros qui liait l’Australie à la France. Il n’est donc pas disposé à oublier un incident qu’il considère comme un tournant dans les relations avec l’Amérique. Il ne faut pas être grand clerc pour comprendre que l’ordre des priorités établi par Washington n’empêche pas ses anciens théâtres d’intervention de rester l’endroit où se poursuit la guerre entre forces locales démocratiques et forces djihadistes. La crise du monde arabe-musulman n’a pas disparu parce que les Américains s’en vont. Au Mali, un militaire français vient de périr tout récemment. C’est le moment saisi par la junte au pouvoir à Bamako pour dénoncer « l’abandon » français. Le pire est cette configuration où des militaires maliens, incapables de se défendre contre les terroristes, croient trouver une issue en négociant avec eux, laissent le peuple malien dénoncer la « recolonisation », tout en réclamant le maintien de la présence militaire française.

Perplexité française.

La France est donc plongée, sur cette affaire, dans la perplexité. Elle sait qu’en restant indéfiniment dans le Sahel, où elle se trouve depuis huit ans, elle se battra sur deux fronts : contre les djihadistes et contre un peuple hostile et ingrat, qui a oublié qu’il a été sauvé de l’emprise des terroristes par les forces françaises. Biden nous a indignés, mais il y a une logique dans son attitude et avant de l’accabler, soyons certains que nous n’allons pas l’imiter : nous aussi pourrions être sensibles à sa méthodologie, qui consiste à ne pas se voiler la face devant les dérives de peuples incapables de distinguer la colonisation de la protection et de comprendre que la France n’attend aucune récompense de son intervention militaire.

Le salut, c’est l’Europe.

Une vérité, au moins, est sûre : nous ne pouvons pas nous défendre sur tous les théâtres de guerre et nous ne pouvons pas avoir que des ennemis. Le salut n’étant ni dans l’obscurantisme ni chez des amis qui se sont transformés en adversaires, il ne peut être qu’en Europe. L’Union a beaucoup de défauts, en particulier celui d’être traversées par des querelles et des différends. Mais elle a une qualité qui explique son beau parcours : en cas de crise, elle sait se reprendre. Les élections en Allemagne et en France vont modifier ou non les exécutifs, mais nous savons, avec nos partenaires d’outre-Rhin, que nous devons nous entendre sur l’avenir de l’Europe. L’Allemagne est la première puissance économique de l’UE, la France, la première puissance militaire. Nous devons joindre nos compétences pour démontrer au reste du monde que nous avons les capacités de compter, à la fois au Proche-Orient et en Extrême-Orient.

RICHARD LISCIA

Ce contenu a été publié dans Non classé. Vous pouvez le mettre en favoris avec ce permalien.

3 réponses à La nouvelle donne

  1. marie josephe jo dzula dit :

    Je pense surtout que ça doit nous amener à réfléchir à nous et au monde: peut-on transporter notre façon de voir ce monde partout ? Accepter de co-exister avec des gens qui ne nous ressemblent pas ?
    Le monde occidental a induit une violence qui se retourne contre lui, les autres en face ne sont pas plus bêtes !
    L’Europe, construction politique : tiendra-t-elle ?

    Réponse
    On peut toujours essayer.
    R. L.

    • Dr VAUCAMPS dit :

      Notre culture européenne est basée sur la chrétienté (au sens très large ) et l’Europe, (de l’atlantique à l’Oural) doit se construire sur ces valeurs (sans intégrisme).
      Cela n’empêche pas, bien au contraire, des échanges très positifs avec les autres cultures mais il n’est pas possible d’imposer notre modèle à des civilisations qui n’en veulent pas.
      Il faut aussi protéger l’Europe des civilisations qui veulent nous imposer leur modèle.
      Quand nos dirigeants auront compris cela, la paix règnera peut être chez nous !
      Pour les autres civilisations, il faut les laisser évoluer à leur rythme, peut être les aider (mais le pouvons-nous, vu les différences de culture ?); nous avons eu, nous aussi, une évolution chaotique au cours des siècles et ce n’est pas fini !

  2. Laurent Liscia dit :

    L’Europe est l’un des plus beaux et plus nobles projets politiques de l’humanité. Encore faut-il y croire.

Répondre à Laurent Liscia Annuler la réponse

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *

Ce site utilise Akismet pour réduire les indésirables. En savoir plus sur comment les données de vos commentaires sont utilisées.