Sarkozy condamné

Dans la nasse
(Photo AFP)

Le tribunal de la 11ème chambre correctionnelle a jugé aujourd’hui à Paris Nicolas Sarkozy coupable de financement illégal de sa campagne de 2012.

M. SARKOZY était absent au moment de l’énoncé du jugement. La justice est souvent très lente mais elle est implacable. L’ancien chef de l’État fera appel du jugement, ce qui retardera de plusieurs mois l’application de la peine. Il a été condamné à un an de prison ferme, qui s’ajoute à une autre peine de prison pour une autre affaire. Cependant, dans les deux cas, la peine sera « aménagée ». L’enjeu, c’est donc la prison, qui mettrait un terme à ce qu’il lui reste de carrière politique et effacerait en tout cas l’influence qu’il exerce encore sur le parti Les Républicains. Un parti qui, bien qu’il songe à confier son destin à Xavier Bertrand, aurait préféré un candidat plus prestigieux et « naturel ». C’est un peu le syndrome Fillon. Quand celui-ci commençait, lui aussi, à avoir des démêlés avec la justice, ses partisans le voulaient comme candidat de LR. Il a gagné la primaire, il n’a pas franchi le premier tour. Et plus tard, il a été condamné à de la prison, mais a fait appel.

Une vieille dénégation.

La défense de Nicolas Sarkozy, impliqué dans diverses affaires de financement de ses campagnes, n’a pas toujours été cohérente. Il a maintenu qu’il n’était pas au courant du dépassement de ses dépenses de campagne en 2012 alors qu’elles ont atteint le double de ce qui était permis. Quand le Conseil constitutionnel a constaté ces dépassements, il l’a contraint à rembourser 350 000 euros, ce qui a plongé M. Sarkozy dans la fureur et a fait de lui l’ennemi numéro un de Jean-Louis Debré, alors président du Conseil. Plus tard, quand la justice a découvert que la campagne de M. Sarkozy avait coûté plus de 40 millions d’euros, M. Debré a triomphé : il ne s’était pas acharné contre l’ancien président et il n’avait vu que la partie émergée de l’iceberg.

Il n’est pas le seul.

On rappellera bien sûr qu’un homme reste innocent tant qu’il n’a pas été définitivement condamné, mais M. Sarkozy se débat dans une nasse qui continue à se refermer sur lui. Jusqu’à présent, il a cultivé son rôle de conseiller occulte de la droite, distribuant conseils et jugements à tous ceux qui venaient se bousculer à son portillon. On imagine qu’il a vu ce rôle, assorti de quelques livres à succès, comme le moyen de présenter une image très différente du portrait que fait de lui la justice. Toutes les accusations lancées contre l’ancien président ne sont pas exactes, beaucoup de ces accusations viennent de camps voués à la perte de M. Sarkozy, qui continue d’être harcelé au-delà de son mandat et paie le prix de ses erreurs dix ans après les faits. Mais il n’existe pas de démocratie sans recherche permanente de la vérité. On le voit aujourd’hui avec M. Sarkozy, mais on l’a vu avec M. Fillon, avec des socialistes, avec des MoDem, avec des RN.

Une maladie qui pourrit l’âme.

On l’a vu surtout avec tous les pays qui s’enferment dans une vérité officielle, toute construite à partir de mensonges et de faits « alternatifs », comme ce fut le cas de l’ère trumpiste aux États-Unis, la première démocratie du monde. Elle n’est jamais vraiment sortie du cauchemar que fabriquent la haine, le racisme, les justifications hypocrites, la manipulation des faits par les réseaux sociaux, les compromissions avec l’étranger. C’est une maladie de notre époque, au moins aussi sérieuse que la pandémie de Covid parce qu’elle pourrit les âmes et la Constitution. Que M. Sarkozy ait pu, en 2012, et pour sa gloire personnelle, trouver une vingtaine de millions à jeter par la fenêtre, quelle importance ? Sinon que ce manquement crée un précédent, fausse les résultats, raconte l’histoire à l’envers.

On ne se réjouira pas de ce qu’un ancien président soit menacé de prison. Mais il est temps aussi, pour les élus, de comprendre qu’ils ne sont légitimes que s’ils respectent les règles imparties. Il n’existe pas de pouvoir sans limites, comme semble le croire Nicolas Sarkozy. Je dirais même qu’en choisissant la fraude,  M. Sarkozy disposait d’un pouvoir illégitime. Et que l’histoire qu’il laisse de son mandat de cinq ans est à la fois celle des actions ou de ses réformes, et des actes délictueux qu’il a commis.

RICHARD LISCIA

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Une réponse à Sarkozy condamné

  1. Sphynge dit :

    Même si M. Sarkozy était coupable de tout ce dont il est accusé (ce qui peut être vrai en tout ou en partie), il est choquant qu’il soit jugé par des magistrats responsables du « mur des cons » sur lequel il figurait, et qui ont appelé à ne pas voter pour lui lors d’une présidentielle.

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