Les terroristes terrorisés

Un taliban soigné à Kaboul
(Photo AFP)

La reconquête de l’Afghanistan par les talibans a secoué le monde, mais les vainqueurs ont vite compris qu’il est plus facile de conduire une guerre que de gérer la paix.

DEPUIS qu’ils ont été chassés de l’Afghanistan en 2001, les talibans n’ont pas changé. Ils appliquent la charia, ils renvoient toutes les femmes à la maison, ils empêchent les fillettes d’aller à l’école, ils règlent par la brutalité les problèmes nés de la contestation populaire. Les banques n’ont plus un sou de réserve, ce qui a mis l’économie au point mort. Le peuple est prostré, plus pauvre que jamais, affamé. L’État islamique, inquiet de la victoire des talibans, commet, comme si rien n’avait eu lieu, des attentats épouvantables. Sous la guerre entre talibans et Américains, couvre un autre affrontement entre clan de l’EI et clan taliban, sans que l’idéologie théologique ait la moindre influence.

Un milliard de dollars.

Les talibans ont fait beaucoup de promesses, assurant qu’ils ne veulent plus commettre les erreurs de 1998, année où ils se sont emparés du pouvoir afghan avant d’en être délogés, en 2003, par les forces américaines, bientôt soutenues par les Nations unies. Sans renoncer à leurs passions mortelles, ils tentent d’humaniser leur comportement et de donner un espoir aux  foules afghanes, prêtes à s’exiler définitivement. Ils n’ont d’ailleurs jamais rompu le contact avec les États-Unis qui continuent à négocier avec eux. Ils ont eu l’audace de réclamer des fonds à la communauté internationale et un milliard de dollars leur a été accordé hier. La politique afghane des États-Unis est insondable : il n’est plus question d’instaurer une démocratie parlementaire en Afghanistan, mais seulement de tempérer les ardeurs religieuses des talibans pour améliorer le sort du peuple. Leur succès  est en soi une catastrophe humanitaire, à partir de laquelle ils exercent un chantage en exigeant des États-Unis qu’ils paient pour le salut des Afghans.

Victoire, puis défaite.

Charles Pasqua, ministre de l’Intérieur de Jacques Chirac, disait : « Il faut terroriser les terroristes ». Personne n’y est jamais parvenu, mais il apparaît que, au-delà de la reconquête de l’Afghanistan, ils ne savent pas quoi en faire. Il ne sont pas à l’aise dans la gestion économique et sociale du pays et si on ne leur apporte pas de l’argent et du savoir-faire, leur système va s’effondrer. Et ce, d’autant plus vite qu’avec les attentats de l’EI, ils n’ont aucune crédibilité sur le plan de la sécurité.

Une victoire, même incontestable, peut donc cacher une défaite. On ne s’en réjouira pas car c’est le peuple afghan qui paie pour le travail de sape mené pendant  deux décennies par les talibans qui, à peine avaient-ils pris Kaboul qu’ils étaient pris pour cible par les attentats de l’État islamique. Les Américains et les Européens, sonnés par leur défaite, sont néanmoins sensibles aux problèmes humanitaires que leur retrait a soulevés. Ils savent que, dans ce monde où on n’est jamais à court d’une injustice, c’est à eux que l’on reprochera les conséquences de leur déroute. Comment, après avoir renforcé les talibans en leur laissant un matériel de guerre ultra-moderne, voler au secours du peuple afghan menacé de famine, voilà bien la quadrature du cercle.

Un paradoxe.

Les Afghans en ont tant vu depuis vingt ans qu’on aurait pu prolonger l’épreuve qu’il traverse. Après tout, si les talibans peuvent se débarrasser des Américains, ils doivent pouvoir éliminer les forces de l’EI. C’est, depuis le début de cette aventure, l’occasion unique de faire le sale travail. Il est clair qu’ils ne l’entendent pas de cette oreille, qu’ils négocient avec Washington et l’Europe uniquement pour nourrir les Afghans et être en mesure de repousser les forces de l’EI. Après quoi, ils ne seront plus expulsables, sauf s’ils sont battus à terme par l’État islamique, alternative encore moins plaisante que leur maintien à Kaboul. Ce n’est pas le moindre paradoxe : ce pays abritait des forces destructrices qui l’ont emporté contre l’Occident mais risquent d’être délogées à leur tour par un groupe terroriste encore plus cruel et cynique.

Non seulement il n’y a pas de limite au degré de cruauté des forces en présence qui sont toutes d’accord sur l’application de la charia et sur la religion, mais les choix possibles offerts au peuple afghan sont tous dangereux.

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3 réponses à Les terroristes terrorisés

  1. mathieu dit :

    On en doutait, les dollars du Grand Satan américain n’ont décidément pas d’odeur !

  2. Michel de Guibert dit :

    « Les Afghans en ont tant vu depuis vingt ans »… et même depuis plus de quarante ans !

  3. Laurent Liscia dit :

    Les talibans auront toujours le commerce d’héroîne a leur disposition pour renflouer leurs finances sectaires. Quant à celles du pays, ils ne s’en soucient que très peu.

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