Le travail après le Covid

Télétravail
(Photo AFP)

La pandémie a perturbé profondément la relation des Français avec le travail. Malgré une forte croissance, beaucoup de nos concitoyens ont soit adopté le télétravail, soit refusé, momentanément, de retourner à leur poste de travail.

CETTE attitude résulte sans doute des mesures gouvernementales qui ont maintenu la presque totalité des salaires malgré les confinements. Les salariés ont alors constaté qu’ils pouvaient ne pas travailler sans souffrir d’une ponction de leurs revenus, ou ne la subir que partiellement. Cette situation « idéale » ne pouvait pas, cependant, se prolonger indéfiniment. Or, si le taux de chômage a réellement baissé, des centaines de milliers de postes restent à pourvoir et ne seront occupés que si les absents reviennent sur le marché.

Le chômage fait moins peur.

En adoptant la loi sur l’assurance chômage, si décriée par les syndicats et les oppositions, le gouvernement a souhaité stimuler l’emploi. Le bâton a donc remplacé la carotte : comme pour le Covid, à propos duquel le passe sanitaire rend objectivement la vaccination obligatoire, l’État cesse de garantir l’indemnisation du chômage au bout d’un temps court. Le chômeur doit chercher et trouver un emploi avant le terme de l’indemnisation.

La menace ne semble produire que des effets marginaux. Beaucoup de Français ont fait l’expérience du chômage forcé, ne l’ont pas trouvée désagréable et espèrent, par divers stratagèmes, rester en dehors du marché. Certes, ils comptent sur leur assurance maladie qui les met à l’abri de tout ennui de santé. Le nouveau phénomène, c’est qu’ils ne sont pas terrorisés par le chômage de longue durée, soit parce qu’ils sont désormais capables de restreindre leurs dépenses, soit de trouver des revenus (du capital par exemple) ou en dépensant leurs économies.

Un système qui tombe bien.

Ainsi se dessine un système en accord avec les exigences de l’époque : la diminution des déchets est incompatible avec une activité soutenue, la voiture a perdu son statut royal, l’accumulation des biens est passéiste. On préfère la bicyclette à l’automobile, le rustique au chic, l’occasion au neuf, le cocon familial aux grandes ambitions, le repli au statut, et ainsi de suite. On rejoint une société où la consommation est devenue méprisable et où la sobriété est l’antidote de la dépense.

Le phénomène, qui a fait l’objet d’études sociologiques, n’est pas encore assez puissant pour accroître le taux de chômage et limiter l’effort de ré-industrialisation, mais, à terme, il risque d’empêcher le développement économique. Lequel, par ailleurs, devra reposer sur des choix industriels respectant l’environnement et contribuant en conséquence à la lutte contre le réchauffement climatique. Si le changement psychologique des masses sociales est impératif pour améliorer le climat, l’occasion historique de repenser le travail s’offre à nous en ce moment précis.

Le besoin d’un revenu régulier.

La vraie question qui se pose porte sur la durabilité de l’abstentionnisme. Peut-on construire une vie et avoir une retraite sur la base du farniente ? Il est évident que la lutte contre le chômage, la prolongation des carrières et le besoin d’assurer les pensions des générations montantes ne militent guère en faveur d’un salaire payé non par le travail mais par la collectivité, laquelle risque d’être elle-même en grandes difficultés si nos concitoyens travaillent de moins en moins. Il est plus vraisemblable d’imaginer une société qui préfère le télétravail, l’auto-entrepreunariat, la réduction du nombre d’heures travaillées au chômage permanent. L’évidence, en effet, est qu’on ne peut garantir la sécurité d’un foyer si l’on n’a pas un revenu régulier, appelé à augmenter avec le temps.

Cependant l’inversion des valeurs est totale. Il n’est plus malsain d’avoir le statut de chômeur qui peut être imposé mais peut correspondre aussi à un choix personnel ; il n’est plus enviable de travailler beaucoup et d’avoir de grandes responsabilités ; il est de plus en plus louable de préférer, en toute chose, la sobriété et la modestie. Qu’importent que de grands pans économiques s’effondrent. La « destruction créatrice » sera toujours là pour nous sauver de la catastrophe.

RICHARD LISCIA

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Une réponse à Le travail après le Covid

  1. Laurent Liscia dit :

    Une importante réflexion sur l’avenir du travail. Entre le farniente et le « karoshi » (mot japonais moderne qui désigne la mort par excès de labeur) il y a sûrement une juste mesure, ou plutôt une mesure viable à la fois pour l’individu et pour l’environnement, comme tu le suggères. Si le COVID amène à une prise de conscience des bienfaits de la vie à domicile, avec les gens qu’on aime plutôt que ceux qu’on n’aime pas, tant mieux. S’il déclenche une crise économique profonde, un risque réel, soit par retour de la stagflation, ou problèmes logistiques permanents, on peut aussi prendre le taureau par les cornes et repenser cet absurde système de consommation mondiale où la Chine nous approvisionne en objets destinés à l’obsolescence quasi-immédiate. Notons que les Chinois ne sont pas responsables de cette situation: ils ne font que répondre à notre demande. Peut-être est-il temps de remédier à la confusion entre niveau et qualité de vie.

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