La mort de 31 migrants lors d’une traversée de la Manche qui a mal fini a relancé le conflit sur l’immigration entre le Royaume-Uni et la France. En gros, les deux parties s’accusent réciproquement de ne pas remplir leurs devoirs.
IL EST FACILE, pour les observateurs, d’expliquer cette nouvelle crise par l’entêtement du Premier ministre britannique et du chef de l’État français et de les renvoyer dos-à-dos. Mais cette façon de voir relèverait du ponce-pilatisme. Bien sûr, il y a deux thèses en présence. Le fait est pourtant que M. Johnson n’a pas commencé à respecter les accords relatifs au Brexit alors qu’il les a signés de sa main et, loin de s’en prendre aux Européens, il attaque singulièrement la France dont une des côtes longe la Manche.
Un accord très compliqué.
Boris Johnson ne reconnaîtra sans doute jamais que la rupture de l’appartenance de la Grande-Bretagne à l’Union européenne, entrée dans les faits il y a presque un an, est la cause de cette crise. Il aura sans doute été surpris par la complexité du Brexit, négocié du côté européen par Michel Barnier, candidat à l’investiture de LR pour la présidence de la République. Après avoir signé l’accord de Brexit, il semble avoir estimé que le contenu du document n’est pas favorable aux desiderata anglais et il réclame, ou mieux, exige, que certaines modalités de l’accord soient encore modifiées. Non seulement la France attend qu’il accueille quelque 150 pêcheurs supplémentaires dans ses eaux territoriales, mais il est clair que les forces de l’ordre françaises sont débordées par l’ampleur du mouvement migratoire.
La lettre de Boris.
L’attitude la France et celle du Royaume-Uni sont dictées par deux convictions contradictoires. C’est une affaire franco-britannique, disent les Anglais, c’est une affaire anglo-européenne, affirme la France, qui a proposé et obtenu un mini-sommet européen à Calais au cours du week end écoulé. L’Union s’est prononcée en faveur du point de vue français. Les Britanniques n’ont pas été invités à cette réunion, ce qui a déclenché de nombreuses critiques de l’intolérance française. Mais, juste avant le week-end, Boris Johnson avait envoyé à Macron une lettre officielle dans laquelle il laisse libre cours à son discours populiste et hostile.
Le point zéro de la négociation.
La lettre a été rendue publique avant d’avoir été lue par le chef de l’État, qui a traité le message par le mépris et a fait publiquement savoir à Johnson que son sens de la diplomatie était voisin de zéro et qu’à la fermeté de ses positions, il ajoutait la hargne et l’insolence. Nous voilà maintenant au point zéro de la négociation : d’un côté, un Johnson qui laisse ses tabloïds raconter que la police ne fait strictement rien pour contrôler les migrants, de l’autre, un Macron indigné, mais soutenu par l’Union européenne.
Il ne fallait pas quitter l’Union.
Le problème est que les conflits s’enchaînent sans être résolus. La question de la pêche n’a pas été réglée alors qu’il suffirait d’appliquer à la lettre ses directives. Et l’affaire migratoire augmente les rancœurs et la colère dans les deux camps. La simple vérité est que le Brexit aura été au total une folie et ce n’est pas parce que quelques conservateurs proches du populisme (et de ce point de vue, Johnson est l’héritier de Trump) sont incapables de prouver que la rupture avec l’Union européenne a été bénéfique au Royaume-Uni qu’il faudrait les approuver. M. Johnson, à ce jour, n’a pas trouvé de marché comparable au marché européen ; il n’a pas trouvé en Amérique le partenaire commercial fabuleux auquel il s’attendait. Il essaie donc de compenser le manque à gagner consécutif à la réduction des échanges commerciaux en plongeant l’Union dans un magma bureaucratique qui suffirait, à lui seul, à démontrer la bonne raison du Brexit.
Les entourloupettes de M. Johnson, la confusion de ses mesures, l’incohérence de sa politique ne conviennent qu’à ceux qui ont voté le Brexit et refusent de dire qu’ils se sont trompés. Ils ont pourtant commis une terrible erreur historique et on peut même dire qu’au nom de leur souveraineté, ils sont désormais moins démocratiques qu’ils ne le furent. Car en se mettant ainsi dans le camp des populistes, ils se placent sous une tutelle autoritaire.
RICHARD LISCIA
Mon épouse commandait régulièrement du matériel de dessin aux anglais. Mais soit les fournisseurs anglais ne fournissent plus, soit les droits de douane sont prohibitifs. Alors elle va commander ailleurs, ce qu’elle ne trouve de toute façon pas en France.
Que les Anglais quittent l’UE ne devrait pas poser de problème en soi. Cela met fin à leurs sempiternelles menaces (de le faire) afin d’obtenir un statut de privilégié. Et, comme ils ont copieusement saboté la construction de l’Europe, ce n’est pas mauvais qu’ils se mettent eux-mêmes hors d’état de nuire … de l’intérieur
Le vrai problème est que Bojo utilise le Brexit, qu’il a totalement improvisé, afin d’assouvir son ambition personnelle et son rêve d’enfant. A savoir, « être le roi du monde » et entrer dans les livres d’Histoire comme étant l’égal de Churchill. Le Brexit n’est qu’un fallacieux prétexte et la France n’est qu’un bouc-émissaire
Par ailleurs, la France est en période électorale et Macron prend ses décisions en fonction de sa réélection. Et c’est aussi un problème.
Le Brexit et ses conséquences sur la relation entre nos deux pays n’est donc que le symptôme de la faillite de nos systèmes démocratiques, anglais et français.
Barnier a négocié au nom de l’Europe et non au nom de l’Hexagone, Macron se prend pour Napoléon et veut régner sur l’Europe alors les pécheurs français veulent toutes les licences de pêche de Barnier et les Anglais les répartissent entre les Irlandais les Belges, les Hollandais, les Allemands et les Français de toute la côte atlantique et non du pas de Calais, on verra ce que la justice européenne en dira. Bojo est beaucoup plus rusé que l’on ne croit et cela ne sert à rien de le mépriser et de l’insulter. La réunion à Calais pour discuter du problème des migrants sans les Anglais est une faute qui aura des répercussions à long terme.
Que le Brexit soit défavorable à la Grande Bretagne, il est beaucoup trop tôt pour le dire, les inévitables péripéties de sa mise en place étaient prévisibles et dureront sûrement encore quelques années, ce qui représente très peu de temps eu égard à l’intérêt majeur de sa libération d’une union qui n’est évidemment pas faite pour elle.
Pas d’accord pour dire que l’UE n’est pas faite pour l’UK. Elle n’est pas faite pour la faible majorité de xénophobes qui ont voté Brexit et soutiennent Bojo. Cette majorité peut tres bien changer si le Labor se ressaisit, et surmonte une periode d’intense imbécilité. Une très bonne partie du peuple anglais aime l’Europe, et la France. N’oublions jamais cela. En attendant, ce triste sire de Bojo reste fidéle à lui-même. Bien sur que l’affaire est anglo-francaise, puisque l’Europe ne signifie plus rien pour lui! Et bien sur que l’affaire est européenne du point de vue français. Ce qu’on peut souhaiter de mieux au Royaume-Uni, c’est un changement de régime. Peut-être sous la pression séparatiste de l’Irlande et de l’Ecosse, deux nations qui regardent l’Europe d’un bon oeil.
Pas d’accord pour dire que l’UE est faite pour l’UK. Les Anglais aiment le climat français, la nourriture française et les vins français. Il aiment faire du commerce avec l’Europe mais ils aiment beaucoup moins la France et les Européens.
J’ai passé 6 mois à Londres et j’ai eu beaucoup de collègues anglais. Les Anglais restent profondément marqués par leur passé colonial. L’Inde (4ème PIB mondial) a été sous leur coupe jusqu’en 1947. (Les vieux tories qui ont élu Bojo étaient déjà nés !) .
La banque HSBC a été créée pour gérer les revenus issus de la vente d’opium aux Chinois. Vente exclusive imposée par les armes (en raflant au passage Hong Kong)
Churchill détestait l’Europe, Thatcher itou. Les Anglais sont des insulaires ; il y a eux et le reste du monde. Leur élite se sentira toujours au-dessus de la mêlée. Leur morgue est atavique. Et ils vous le font parfaitement sentir.
Et il me semble que De Gaulle était aussi de cet avis !
Réponse
Vous êtes trop pessimiste. La moitié des Britanniques sont anti-Brexit, ils ont voté contre. Ce que dit Laurent, c’est que le Royaume-Uni a besoin de l’Europe, le sait et, pour moment, fait comme s’il ne le savait pas.
R. L.
Je suis d’accord avec vous si on prend un instantané de la situation mais Bojo a joué sur la nostalgie d’une Angleterre coloniale. Et cela a marché. Ce qui prouve que, pessimiste ou pas, il ne faut pas négliger le poids de l’Histoire dans un pays profondément attaché à ses traditions.
Cela dit, les Nord-Irlandais commencent à se sentir instrumentalisés. Ils ont clairement fait savoir que suspendre l’accord poserait plus de problèmes que cela n’en résoudrait.
La pression s’accentue d’autant plus sur Bojo que les USA ont choisi leur camp. Le Financial Times a divulgué que les taxes sur l’acier et l’aluminium seraient maintenues tant que Bojo menacerait de rompre l’accord.
Nos démocraties sont défaillantes, voire décadentes. Cela se traduit par un chaos grandissant. Bojo ne s’en cache pas, il cultive le chaos parce que dans cette situation (je cite son ex-conseiller Cummings), tout le monde est obligé de se tourner vers celui qui est aux manettes, donc lui.
Or, pour qu’une économie de marché fonctionne, il faut deux choses : la confiance et la stabilité. Ce qui existe en Suisse par exemple.
La méthode Bojo, pour rester au pouvoir et entrer dans l’Histoire, est donc totalement incompatible avec l’économie florissante qu’il a vendue aux Anglais.
L’occasion était belle pour Macron de se servir, comme repoussoir, de son homologue menteur, tricheur, gaffeur, instable et imprévisible. Mais il ne le fait pas. Il préfère les querelles de cour d’école que lui propose Bojo.
Et ça, c’est vraiment dommage.
Réponse
Pas d’accord avec vous. On n’est pas obligé de faire l’amalgame entre Johnson et Macron, ils n’ont aucun rapport. Macron a su rester digne, ce que Johnson n’est jamais. Il a par ailleurs décrit Johnson comme vous le faites.
R.L.
Votre réponse me fait comprendre que je me suis mal exprimé. Je ne dis pas que Macron est une copie conforme du clown qui pilote pour l’heure le Royaume-Uni ! Je dis que Macron se fait allègrement promener et ridiculiser outre-manche. Bojo, qui est certes un client difficile, a servi de révélateur du manque d’épaisseur de Macron. Un homme d’État doit avoir un minimum de courage politique. Quand on dit quelque chose, on le fait. Quand on pose un ultimatum (licences de pêche), on va au bout sinon la sanction est définitive : zéro crédibilité. Trump, autre bouffon notoire, a très bien cerné et décrit le problème Macron.
Depuis Chirac et son NIET à la guerre en Irak, les présidents français n’ont plus aucune stature internationale. Sarko s’est fait détruire par Poutine en quelques secondes, en « présentiel ». Hollande laissera l’image d’un scootériste grotesque et Macron sera celui qui aura détruit la pêche française … entre autres.
PS : … et Pécresse donne l’image d’une petite souris qui se cachera dans son trou au moindre problème. Barnier, par contre, est craint (et respecté) en Grande-Bretagne. Sa défaite est un grand soulagement over there !
Réponse
Je ne suis d’accord avec rien de ce que vous dites. Mais je voudrais que la partie de ping-pong se termine. Cela n’intéresse pas les lecteurs.
R.L.