Démocratie menacée

Darmanin et Macron
(Photo AFP)

Depuis le début de 2022, une soixantaine d’agressions de toutes sortes, verbales, mais aussi physiques, avec blessés et incendies de permanences, ont été commises contre des élus, principalement des députés.

CES AGRESSIONS soulignent la dérive d’une démocratie parlementaire qui, au lieu de consacrer le principe d’un homme, une voix, tend à imposer le point de vue d’une faible minorité.  On n’est pas surpris par le phénomène car il a été précédé d’une série de mouvements de haine et d’exclusion qui ont frappé d’autres catégories professionnelles : médecins, juges, policiers, journalistes, écrivains, enseignants, tous blâmés parce qu’ils ne font que leur travail de passeur . Ils essaient de transmettre à notre jeunesse le savoir acquis, vérifié et contrôlé que les tenants d’une « vérité alternative » considèrent comme une manipulation politique. Les victimes ne seraient pas ceux à qui on veut faire prendre des vessies pour des lanternes mais ceux dont le credo est ainsi démasqué.

Une autorité remise en cause.

Les femmes et les hommes qui s’abritent derrière des certitudes relevant de la sagesse conventionnelle pour poursuivre leur pédagogie sont pourchassés par les citoyens qui, pour se faire entendre, veulent imposer leur volonté par la force. Dans les cas du chercheur, ce sont les diplômes qui fabriquent sa crédibilité ; dans celui des élus, c’est la majorité dont il dispose qui assure, ou plutôt devrait assurer, son immunité. Il n’en est rien parce que, à côté des ravages causés par le virus, existe un ordre philosophique différent qui, à chaque instant, remet en cause leur autorité.

Un régime arbitraire.

La justice lutte contre le phénomène tout en mesurant la saturation à laquelle est exposée. Si on prend le seul cas des millions de Français qui ne veulent pas se faire vacciner, on sait que la police aura du mal à appréhender ou interpeller les quelque deux millions d’actifs totalement allergiques à l’injection. D’ailleurs, le gouvernement n’a pas voulu rendre la vaccination obligatoire. Les antivax ou anti-passe sont pris dans le piège de leurs convictions. Ils ont raison contre toutes les lois qui régissent notre vie quotidienne. Ils sont les détenteurs de la vérité. Comme ils ne croient pas représenter un danger pour la société française, ils se voient comme les victimes d’un régime arbitraire. Si bien qu’ils ont réinventé la démocratie en faisant d’elle un régime où une  minorité minuscule imposerait sa volonté à la majorité.

Un rêve éveillé.

Cette minorité voit dans la pression subie par le gouvernement, dans le chaos de l’école, dans l’adoption de décisions vite remplacées par des décisions contraires, de quoi nourrir son rêve éveillé. Elle y voit la confirmation de  son credo, le blanc-seing de sa propre folie, le feu vert à ses transgressions dont la plus insupportable est la violence. Il y a pourtant une vaste majorité en faveur de la vaccination et des mesures de précaution. Mais le fait que, deux ans après le début de la pandémie, nous continuons à nous battre corps à corps avec un virus changeant, pervers et puissant plonge dans le doute les non-vaccinés qui proclament : «Si nous en sommes là après tant d’efforts, c’est que notre méthode n’est pas la bonne.»

Un phénomène têtu.

Il en va des élections comme de la vie quotidienne. La distinction entre le bien et le mal, dans un pays où, malgré la menace de mort, les ego sont plus que jamais hypertrophiés, s’efface lentement. Un cynisme général et diffus s’étend sur le pays. La démocratie directe prend le pas sur la démocratie représentative. L’élu, député, sénateur, maire ou conseiller municipal ne représente plus que lui-même, taillable et corvéable à merci et soumis à ses détracteurs. La violence qui habite les non-vaccinés balaie l’autorité des élus. Les élections générales du printemps prochain vont assurément être troublées, pour ne pas dire empoisonnées, par un phénomène têtu qui n’est pas spécifique à la France puisqu’il a mis Trump et Johnson au pouvoir.

Le moins mauvais des systèmes.

Les vives querelles entre majorité et minorité parlementaires, les manigances de LR, qui a retardé l’adoption du passe vaccinal par l’Assemblée sous le prétexte que les Républicains n’approuvaient pas l’ « arrogance » de la majorité et de Macron en la matière ont renforcé l’irrédentisme des non-vaccinés et affidés de la vérité alternative. De ce point de vue, il n’y a peut-être pas mieux qu’un élu pour brouiller le message du suffrage universel. Il suffit de voir ce qui se passe au Kazakhstan, en Biélorussie, en Ukraine et en Géorgie pour comprendre une fois pour toutes que, la démocratie étant le moins mauvais des systèmes, il est inutile et même criminel d’en chercher un autre. Je pense à ce cadeau moral et philosophique que nous apportent les élections de cette année et je me demande pourquoi certains de nos concitoyens ont perdu le sens de la liberté en le boudant.

RICHARD LISCIA

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2 réponses à Démocratie menacée

  1. Laurent Liscia dit :

    Cynisme de droite qui prétend que la démocratie est la source de la déliquescence morale, et cynisme de gauche qui affirme que les institutions sont manipulées par le pouvoir. Points de vue qui ne peuvent être exprimés qu’en démocratie. Quant aux anti-vax, ils n’ont rien compris au concept de liberté, qui est fait de droits, certes, mais aussi de devoirs.

  2. Doriel Pebin dit :

    Bonjour, merci pour ce commentaire lucide et remarquable (à diffuser largement) sur les dangers auxquels la démocratie est confrontée. Une petite minorité veut imposer ses vues avec l’imposture de se présenter comme des « victimes », et pire, comme des « résistants » ! Ils mettent sciemment la vie d’autrui (les seules vraies victimes +++) en danger en « oubliant » qu’il s’agit d’une maladie contagieuse, donc d’un problème de santé publique +++ qui n’a rien à voir avec un problème de liberté. De fait, ils se comportent comme les sympathisants et militants des partis fascistes d’avant guerre (insultes, dénigrement, violences, refus de la démocratie…), on sait où cela nous a menés. Il est plus que temps que les démocrates se réveillent. Continuez la lutte pour protéger ce bien précieux, comme l’illustrent tristement la Biélorussie, le Kazakhstan ou l’Afghanistan.

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