Une imprudence de M. Blanquer

Jean-Michel Blanquer
(Photo AFP)

Le ministre de l’Éducation a commis une imprudence en accordant à Ibiza un entretien à un quotidien sur l’application des protocoles anti-Covid à l’école.

EN PREMIÈRE analyse, il s’est contenté d’éclairer le public sur le contenu de ces protocoles compliqués. En seconde analyse, il n’a pas vu l’usage politique qu’allaient en faire les partis d’opposition qui, s’ils ne tombent pas sur une erreur du pouvoir, sont prêts à en inventer une. En temps normal, mais pas en période électorale, un voyage à Ibiza, à moins de deux heures de Paris, ne serait pas considéré comme un crime. Mais les rendez-vous électoraux, qui se rapprochent, suffisent à donner au moindre geste un contenu provocateur.

Un fainéant qui aime les vacances.

Bien entendu, cela revient à oublier tout ce que M. Blanquer a fait pour l’Éducation, pour le réduire à un homme usé qui a besoin de se ressourcer en Espagne et faire un peu la fête. Mais les opposants du ministre ne reconnaîtront jamais qu’il a fait du bon travail à l’Éducation, et donc ils tentent de le caractériser comme un fainéant qui aime les vacances. On peut dire deux choses de curieux incident, qui prend une proportion politique anormale : ou bien qu’il n’existe plus aucune limite aux attaques ad hominem suivies d’appels à la démission ou bien que tout ça est une tempête dans un verre d’eau. Confronté au Parlement à une bronca sans précédent, M. Blanquer avait déjà décidé de reconnaître qu’il lui arrive de faire des erreurs et qu’il n’est ni un dieu ni un héros mais seulement un homme.

L’alternative n’est pas meilleure.

Cette soudaine humilité avait surpris et elle a été perçue comme un moyen de défense psychologique qui consiste à tout lâcher sur la forme pour ne rien céder sur le fond. Elle n’a pas été efficace, des journalistes ayant pris soin d’enquêter sur la façon dont l’entretien avait été organisé. Encore une fois, il n’est pas impossible que le ministre doive démissionner alors qu’il ne le mérite pas. On entend des voix raisonnables dans la presse, qui refusent d’accabler M. Blanquer. Mais la France est survoltée par le Covid et plus personne n’a besoin d’une bonne raison pour se farcir un membre du gouvernement. Lequel, en l’occurrence, n’est pas la cible des partis et des syndicats qui cherchent à couvrir Macron de boue. Cinq ans après son élection, on en est à le juger incompétent pour la tâche alors que si on mettait bout à bout le programme de ses détracteurs, le chaos serait assuré.

Macron, c’est le mal.

Le fond de l’affaire, c’est que la perspective des élections donne des ailes à une contradiction inépuisable. Cela fait cinq ans que le tableau de la France est dressé par des personnages qui trônent sur les podiums pour dire que tout va mal et que ce mal ne vient que de Macron. C’est la politique la plus bête qui se puisse imaginer et j’ai le regret de dire qu’elle a néanmoins un succès considérable. Il existe une rage populaire qui ressemble à un incendie permanent et qui se nourrit du moindre fétu de paille. Car les gens se croient malheureux : ils entendent tous les jours des commentaires qui n’arrêtent pas de les plaindre.

Il est temps de faire attention.

La majorité actuelle, le gouvernement et l’Élysée doivent se garder de toute imprudence. M. Macron n’avait pas besoin de se brouiller (momentanément) avec Édouard Philippe, sous le prétexte d’interdire Horizons et Agir de fusionner. Le président compte ses amis sur les doigts et il ne saurait se priver d’un seul, en tout cas pas ce gros calibre qu’est le maire du Havre ; il n’avait pas besoin de dire qu’il voulait emmerder les anti-vaccins, même si c’est un projet légitime ; et il doit garder le contrôle de son gouvernement, ce qui n’a pas été le cas avec Blanquer.  Il est rare de voir un candidat aussi sûr de lui œuvrer à sa propre chute alors les Français sont en passe de le réélire.

RICHARD LISCIA

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3 réponses à Une imprudence de M. Blanquer

  1. Laurent Liscia dit :

    Ce n’est pas la première erreur de communication de ce gouvernement. Patience …

  2. tapas92 dit :

    On ne parle que d’Ibiza pendant 24-48 heures et puis on oubliera tout ça jusqu’à la prochaine « imprudence ». Et si tout ça était voulu ? Par les politiques : pendant ce temps là, on passe à coté du fond, le gouvernement fait ce qu’il veut à l’abri des commentaires, la gauche masque son manque cruel d’idées nouvelles … Par les médias qui ont un os facile à ronger et dont le public raffole (les médias pourraient choisir de ne pas en parler, pour se consacrer à des problèmes de fond à quelques semaines de l’échéance présidentielle … mais risque de perte d’audimat). Et par la population, lassée par le Covid ou anxieuse de l’avenir et préférant le peuple au réel. Bref, on a les politiques et les médias qu’on mérite
    PS : hier Bourdin, mis en cause dans une affaire de mœurs mais innocent jusqu’à preuve du contraire (sic), reçoit Pécresse, chantre de la cause féminine, et lui pose la question obligée : « Est-ce que vous pensez que Blanquer doit démissionner ? ». Si Pecresse avait un réel courage, elle aurait répondu : « Est-ce que vous pensez que Bourdin doit démissionner ? ». La réponse est dans la question

  3. mathieu dit :

    Malgré ces agitations stériles et obligées en période électorale, malgré ces indignations de façade dont personne – surtout pas les auteurs – n’est dupe, le président actuel, à moins de trois mois de l’échéance, reste – fait unique depuis l’instauration du quinquennat – en tête des intentions de vote au deuxième tour! Les Français ne seraient -ils donc pas si sensibles à la vocifération politico-médiatique quand elle apparaît à ce point artificielle et « téléphonée », ne trompant, à l’évidence, pas grand monde?

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