Une primaire pour tous

À droite, Samuel Grzybowski
(Photo AFP)

Parmi les traits spécifiques de la campagne présidentielle de 2022, on note une « primaire populaire », organisée par Samuel Grzybowski, enseignant à Sciences Po et  Mathilde Imer, militante écolo, mais qui n’est pas souhaitée par les trois partis principaux de la gauche. 

IL N’Y A aucune raison de douter de la sincérité des promoteurs de cette primaire, ni même de leur efficacité, dès lors qu’ils ont réuni 467 000 voix et que les inscrits pourront voter à leur convenance pendant trois jours à la fin de la semaine. Il demeure qu’il y a une bonne chance que soit élu l’un des candidats qui ont rejeté cette primaire, laquelle est donc possible techniquement même si sa légitimité est douteuse. C’est un bon sujet de bande dessinée : Mélenchon est élu, par exemple, il entre dans l’une des fureurs dont il a le secret et se met à agonir d’injures les organisateurs venus naïvement l’oindre du sacre résultant de l’élection.

Taubira prend le train en marche.

Christiane Taubira est celle qu’il y a quelques semaines les gens de gauche ont désignée comme un recours. Renonçant à une tâche impossible, le rassemblement de toute la gauche, l’ancienne garde des sceaux est la seule, en définitive, qui acceptera le verdict des urnes. On peut donc imaginer un autre épisode : elle est élue mais personne d’autre qu’elle ne reconnaît sa victoire. On ne peut pas condamner l’initiative de M. Grzybowski et de Mme Imer, car ils ont essayé (sans la moindre délégation de pouvoirs) de créer le scrutin thérapeutique susceptible de guérir les divisions de la gauche. Il est fort à craindre, cependant, qu’ils n’ajoutent de la confusion à une situation chaotique. Arnaud Montebourg, pour sa part, a préféré renoncer, ce qui est tout à son honneur.

La primaire des gens fantasques.

Personne n’est parvenu à empêcher une initiative souhaitée par très peu de gens de gauche. Mais Mme Taubira ne peut pas croire que, si elle est élue par la « primaire populaire », elle devient d’un coup la candidate de toute la gauche et peut, à ce titre, exiger l’effacement de ses concurrents. Il est peu vraisemblable qu’elle le fasse, mais il a fallu deux personnages quelque peu fantasques pour lancer l’aventure et il n’est pas difficile d’en trouver un troisième pour se draper dans l’étendard du suffrage universel. Il est plus que probable que l’affaire sera vite oubliée, même si elle a semé les graines d’une procédure qui, après tout, n’a même pas besoin d’un changement de la Constitution.

Des organisateurs sincères.

Aussi bien aurait-on pu attendre et mettre la primaire populaire au programme des tâches qui attendent le prochain gouvernement, de manière à ce que son fonctionnement ne se heurte pas au fait accompli dans les partis. Mais il ne faut jeter la pierre à personne : il y a beaucoup de sincérité chez les organisateurs, qui n’ont pas voulu accepter la défaite de la gauche avant qu’elle se soit battue. La raison pour laquelle la primaire populaire est rejetée par les chefs de parti, c’est que chacun veut garder ses chances, jusqu’à la dernière minute, celle d’une déroute assurée. M. Grzybowski, qui veut croire à un sursaut de la gauche, n’est pas moins estimable que Mme Hidalgo, qui n’y croit plus.

Étoiles filantes.

Quant au destin de Mme Taubira, il sera conforme à son opportunisme. Il est vrai qu’on est allé la chercher, mais, comme elle n’a pas pu rassembler la gauche, elle a ajouté sa candidature aux autres, augmentant la confusion dans un moment d’égarement dû à une hypothèse vite transformée en credo narcissique : je peux gagner. C’est ce qui a lancé Éric Zemmour dans la course et, voyez, il se situe à 13 ou 14 %. C’est l’année des étoiles filantes. Bientôt, on comptera plus de candidats que d’électeurs et, comme les primaires n’obéissent pas à des lois écrites, on peut en faire une en appelant les gens dans la rue et au portevoix.

RICHARD LISCIA

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2 réponses à Une primaire pour tous

  1. mathieu dit :

    Si, en 2002, elle a pu – contribuer à – faire chuter Jospin, elle n’aura, hélas, en 2022, personne à gauche à faire trébucher!

  2. Laurent Liscia dit :

    En même temps, on ne peut pas en vouloir à ces braves gens de vouloir faire quelque chose pour remédier a l’implosion de la gauche. Toute cette élection risque de toutes façons d’être mise sens dessus dessous par l’orage économique qui approche. Personne ne parvient à juguler cette inflation galopante. Augmenter les taux d’intérêt aura un effet bénéfique sur les prix, mais risque de mettre un frein sévère à la croissance, et à perpétuer la chute des marchés. Difficile de ne pas imaginer une nouvelle crise financière dans les six mois.

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