Macron candidat

Un Poutine radioactif
(Photo AFP)

Emmanuel Macron a (enfin) annoncé sa candidature à un second mandat présidentiel dans une lettre adressée aux Français et publiée par la presse de province. 

DEPUIS plusieurs semaines, les partis d’opposition ne cessaient d’exiger que le président en exercice sorte de son mutisme au sujet de son second mandat. Il l’a fait parce qu’il y était contraint (aujourd’hui était la date butoir), mais ses détracteurs ne sont pas satisfaits. Si, en effet, il a promis de participer à des débats sur son bilan avec ses adversaires, il a laissé entendre que le temps lui serait compté à cause de la guerre en Ukraine. À laquelle il a accordé la plus grosse partie de ses propos avec une note pessimiste : « Le pire, a-t-il dit, est à venir ». La règle du jeu électoral est, par conséquent, chamboulée par la guerre. M. Macron tente de remplir à la fois ses devoirs de candidat et de président, mais il est clair qu’il est plus intéressé par l’action diplomatique que par les querelles de clocher, celles dont nous avons déjà subi de multiples exemples.

Le président à 29 %.

L’opposition est persuadée que si le président-candidat se plie à la discipline du débat républicain, il perdra plusieurs points de popularité et ouvrira un horizon à ses principaux adversaires, Marine Le Pen, Éric Zemmour et Valérie Pécresse. Pourtant, rien n’est moins sûr. Un sondage paru dans la nuit de jeudi à vendredi le situe à 29 %, soit treize points d’avance sur Marine Le Pen et semble donc confirmer que M. Zemmour et Mme Pécresse sont d’ores et déjà écartés du second tour qu’il emportera contre la cheffe du RN avec une marge plus étroite qu’en 2017. Marge qui suffira néanmoins à lui assurer sa réélection. L’ensemble des autres enquêtes d’opinion, avant sa déclaration de candidature, le créditaient d’environ 28 %. Un séisme est toujours possible dans les 37 jours qui nous séparent du premier tour, mais les chiffres indiquent qu’il est plus raisonnable de croire à la victoire du président qu’à sa défaite.

Soutenu par l’opinion.

La pluie de critiques qui s’abat sur lui ne changera rien à l’affaire : il n’est pas vulnérable à des mots sans effets sur les sondages et il sait qu’en prenant fait et cause pour l’Ukraine il a noué un lien très fort avec l’opinion française. Dans la nuit, des fusées russes ont touché un bâtiment de la plus grande centrale nucléaire du monde, déclenchant un immense incendie, mais sans atteindre aucun réacteur. Cet épisode montre que Poutine est devenu complètement irresponsable. Sa volonté de puissance lui commande de s’emparer de la centrale, mais pour atteindre cet objectif, il prend le risque d’un nouveau Tchernobyl. C’est, comme le reste de l’aventure, absurde et dangereux. L’Ukraine, soumise à une invasion et des bombardements intenses, est martyrisée par une puissance qui a déchaîné sur elle ses armes les plus meurtrières et les plus modernes. Chaque jour de combats aggrave le scandale et, si on lit bien la lettre de Macron aux Français, le risque d’une guerre mondiale ne doit pas être exclu.

Quel candidat est le plus solide ?

Les partis politiques devraient songer aux intérêts immédiats des Français auxquels Macron a promis de consacrer ses efforts. La simple, la pure vérité est que le président-candidat, tout en poursuivant le dialogue avec Poutine, continue à militer pour la paix. Et qu’il le fait assez bien pour laisser croire à ses concitoyens qu’ils n’auraient pas de bonne raison de changer de président. J’ai eu l’occasion de dire que la guerre d’Ukraine changeait de fond en comble la nature même de la campagne électorale, les faits le confirment chaque jour un peu plus. Je ne vois pas Mme Le Pen s’adresser à Poutine avec suffisamment de force, elle qui n’a pas su le condamner sans nuances, pas plus que je ne vois Mme Pécresse tenir la dragée haute au maître du Kremlin, pas plus que M. Zemmour n’est préparé à l’exercice, lui qui a choisi délibérément et outrageusement le camp du dictateur. On a souvent disserté sur le « sérieux » des vues macroniennes. On peut en faire autant sur les vues de l’opposition. Macron a l’expérience, le sang-froid, la légitimité pour rester à l’Élysée.

RICHARD LISCIA 

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11 réponses à Macron candidat

  1. Sphynge dit :

    Le président de la République s’honorerait, une fois n’est pas coutume, de se retirer de cette élection pour se consacrer exclusivement à la diplomatie de temps de guerre (il est jeune et pourrait se présenter à nouveau en 2027). Cela d’autant plus que pendant cette campagne il ne pourrait raisonnablement pas consacrer le temps nécessaire aux débats sur son bilan et sur les perspectives d’avenir de la France à ce moment crucial de son histoire de bascule civilisationnelle. Par exemple, dans sa lettre et dans une petite vidéo, il élude deux des trois premières préoccupations des Français : la sécurité et l’immigration (le pouvoir d’achat venant en première position est évidemment évoqué comme par tous les candidats depuis toujours ; cela n’engage à rien, leur action en ce domaine étant de toute façon très limitée). Non, la « com » qui constitue l’essentiel de son activité, ne peut pas tenir lieu de débat politique.

    Réponse
    Les conseilleurs ne sont jamais les payeurs. C’est la dernière trouvaille : comment remplacer Macron par un compétiteur ou une compétitrice moins capable que lui, sans faire le moindre effort.
    R. L.

    • Sphynge dit :

      S’il se retirait, Valérie Pécresse serait élue, et l’on ne sache pas qu’elle soit moins capable que lui !
      Réponse

      Vous vivez dans un rêve. Pour se retirer, il faudrait qu’il ne soit pas en tête des sondages : 30, 5 % dans le plus récent sondage. Pécresse arrive quatrième. Elle n’a aucune chance.
      R.L.

  2. Dominique S dit :

    Les propos de Sphynge me laissent rêveur. Si ce lecteur veut à tout prix évincer le pouvoir en place, pourquoi n’émigre t il pas en Russie? En cas de succès, il rendrait service à l’humanité tout entière. Et il pourrait ensuite émigrer en Chine, au Brésil, en Corée du Nord et pourquoi pas également en Afghanistan?

    • Sphynge dit :

      Quelle idée ! Il ne s’agit pas d’évincer le pouvoir en place ! Valérie Pécresse serait évidemment élue, et, son alter ego à peu de choses près, elle poursuivrait une politique pratiquement identique à celle de M. Macron.
      Quant à vouloir me faire émigrer en Russie, en Chine, au Brésil ou en Corée du Nord, pardonnez-moi, mais c’est n’avoir rien compris à mon post : je ne suis pas un opposant à M. Macron, j’affirme simplement qu’on ne peut faire une campagne électorale dans les circonstances présentes. Passer outre serait un véritable déni démocratique dont ne peut sortir pour lui, qui de toute façon sera élu, qu’une perte de légitimité effective pendant un second septennat qui, de ce fait, risquerait d’être désastreux (pour lui et pour la population française).
      Réponse
      Si vous n’êtes pas un opposant à Macron, il préfèrera ses ennemis à votre amitié.
      R. L.

  3. Dominique S dit :

    Désolé de saturer aujourd’hui votre blog, mais j’ai encore un dernier commentaire à faire. Macron a encore passé 1h45 au téléphone avec Poutine aujourd’hui. Quel cran! Son but est d’agir comme le négociateur policier dans l’affaire Mohamed Merah. Il doit écouter et essayer de raisonner le président russe de façon particulièrement adroite. Il ne doit surtout pas se laisser aller à lui dire, tout ce que n’importe qui à sa place aurait envie de lui cracher au visage. Car si Vladimir Poutine refuse définitivement toute communication, la situation deviendra encore plus désespérée que jamais. Bravo, M. Emmanuel Macron, vous aurez de toute façon une place exceptionnelle dans l’histoire.

    Réponse
    Commentaire pertinent et toujours le bienvenu, même s’il ne l’est pas.
    R. L.

  4. mathieu dit :

    A contre-courant de la première balle de cet échange « au filet », on peut se placer dans le questionnement inverse: si une telle crise internationale intervenait… en fin de second mandat du président, un président qui, reconnaissons-le, a « la main » (connaissance du dossier, dialogue bien amorcé, maîtrise du sujet), il serait dans l’impossibilité constitutionnelle de « jouer jusqu’à la fin de la partie », sifflé par l’arbitre juste avant de – peut-être – marquer le but! Grandeur et faiblesse de notre démocratie, à tout le moins de la révision constitutionnelle « Sarkozy » limitant à deux le nombre de mandats.

    Réponse
    La guerre n’est pas un argument de campagne pour Macron. Elle a changé néanmoins le contexte de la campagne électorale.
    R. L.

  5. Laurent Liscia dit :

    Macron candidat enfin, comme il se doit. Cette élection en contexte de crise mondiale nous rappelle qu’il s’agit de couronner la compétence: economique, diplomatique et sociale. Il est navrant que Mme Pecresse n’arrive qu’en quatrieme position. Il n’y a pas vraiment de compétences en-dehors de Macron et d’elle – encore qu’elle soit novice et sans palmarès.

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