Une défaite de Poutine

Zelensky et ses combattants
(Photo AFP)

Vladimir Poutine a perdu la bataille géopolitique, économique, historique et morale qu’il considérait comme une formalité. Ce terrible revers, il le fait payer avec une férocité immonde aux Ukrainiens. Il compensera son recul par de nouvelles atrocités.

SI L’UKRAINE n’est pas conquise, c’est parce que l’armée russe, avec ses mercenaires tchétchènes ou syriens, s’est montrée incapable de s’emparer de la totalité de son territoire. Le maître du Kremlin, si arrogant et si méprisant, en conçoit une humiliation qui le rend encore plus cruel. Il multipliera les menaces de guerre nucléaire, feint encore de poser ses conditions, se livre aux mensonges et à une désinformation accusant les Ukrainiens des crimes de guerre qu’il commet, mais il voit bien qu’il a choisi une stratégie que le monde n’est pas prêt à lui pardonner. L’Ukraine, dolente et exsangue, paie le prix des déconvenues du dictateur.

Le système Poutine est bloqué.

On finira par savoir s’il est possible de faire à Poutine un « procès de Nuremberg ». Nous ne sommes pas parvenus à ce point de l’histoire, mais nous en découvrons la perspective. Le peuple russe n’est pas en cause. L’isolement actuel de Poutine signifie en revanche que personne ne lui portera secours une fois qu’il sera renversé. L’enjeu de la guerre d’Ukraine est d’ordre mondial. Il s’agissait, pour Poutine, de démontrer que son « système » était meilleur que la démocratie. La démocratie triomphera parce qu’elle est bâtie sur la justice, sur le respect de l’être humain et l’absolue égalité des individus. Tous les politiciens qui ont exprimé leur soutien à une politique de force, à une communication falsifiée, à l’injustice, comprendront enfin qu’à jouer ce jeu-là, ils perdront assurément.

Erdogan lâche Poutine.

Il y en a un qui a déjà compris, c’est le redoutable Recep Yassip Erdogan, l’autre autocrate d’Ankara, qui a fait un virage spectaculaire à 180 degrés : il a milité pour un cessez-le-feu, il vient en aide aux réfugiés ukrainiens, il s’est rapproché d’Israël, il vit une idylle avec la Grèce. Il y a encore quelques mois, il était le pire ennemi de ses voisins et le meilleur allié de la Russie. Il s’est rendu compte d’au moins une chose : on ne fait pas à l’Ukraine ce qu’on a fait à la Tchétchénie ou à la Syrie. L’Ukraine est un grand pays européen, beau, vaste, avec un avenir brillant, même si aujourd’hui elle est menacée d’étranglement. Le temps ne joue pas pour Poutine : il peut prendre Kiev et Odessa, il devra payer les exactions les plus ignobles depuis la guerre civile de Syrie.

La perplexité des Russes.

On ne tire cette leçon optimiste que d’un regard non pas sur les jours mais sur les années qui viennent. La résistance des Ukrainiens, c’est leur assurance vie. Ils meurent pour que d’autres Ukrainiens leur succèdent et construisent un modèle démocratique qui assurera l’obsolescence des alternatives, celles qui séduisent tant les tenants du pouvoir absolu. Poutine ne peut pas se conduire comme le diable et ne pas, à terme, en subir les conséquences. Il a coulé sa monnaie, engagé une guerre qui affaiblit son pays, levé un doute chez les Russes, qui se demandent dans quelle galère ils les emmènent. Nombre de ses collaborateurs, ceux qu’ils n’hésite pas à humilier publiquement, ceux qu’il a limogés parce qu’ils étaient hostiles à l’invasion ou seulement parce que son propre choix était suicidaire, ne souhaitent désormais que son départ. Nombre de familles russes attendent le retour de leurs enfants plongés dans une bataille atroce. Et la plupart des chefs d’État considèrent Poutine comme un paria.

On ne fait plus ça.

Cette crispation planétaire ne tient qu’à une chose : l’anachronisme qu’est le projet de Poutine. On ne fait plus ça, on n’envahit pas un voisin encombrant, on n’élimine pas un peuple libre et qui ne réclame que de le rester. Non seulement nous sommes au vingt et unième siècle, mais aussi en Europe, celle de l’Union, des échanges économiques et culturels, celle qui soutient comme personne l’espoir populaire.  Quand, le 24 février, les forces russes ont pénétré sur le territoire ukrainien, la démonstration a été faite instantanément : la démocratie est, de loin, supérieure à l’arbitraire. L’Europe, puis l’Occident ont crié d’une seule voix leur refus tonitruant du sac de l’Ukraine. Il peut bien tout casser, il périra (moralement) dans les décombres.

RICHARD LISCIA

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2 réponses à Une défaite de Poutine

  1. Laurent Liscia dit :

    Il périra moralement, et peut-être physiquement, puisqu’il s’est entouré d’acolytes sans scrupules.

  2. mathieu dit :

    « La démocratie triomphera parce qu’elle est bâtie sur la justice… ». Que toutes les puissances célestes entendent ce vœu! Pour l’instant hélas, sur notre planète, la démocratie rame un peu! Elle rame en Russie, elle rame en Chine, en Turquie, en Syrie, en Iran, Arabie saoudite, Afghanistan, dans tout le Moyen et Proche Orient, disons-le, dans presque tout le continent africain… et même certains – mauvais jours – à la Maison Blanche et aux portes du Capitole!
    Mais va! Partageons votre espoir!

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