Le massacre de Marioupol

Ah, le brave homme !
(Photo AFP)

Incapable de s’emparer de l’Ukraine, qui résiste avec un courage qui n’a d’égal que son dénuement, Poutine, non sans son cynisme bien connu, a décidé de gagner par la terreur en s’attaquant massivement aux civils.

C’EST aussi une guerre de l’information : 140 millions de Russes sont tenus à l’écart des combats qui, par le truchement de la télévision russe, se transforment en promenade humanitaire, la soldatesque russe apportant son aide et fraternisant avec les Ukrainiens. Il y avait un millier de personnes au théâtre de Marioupol dont on est sans nouvelles ; mais il y a eu aussi cette exécution d’un groupe d’Ukrainiens qui faisaient la queue devant une boulangerie pour obtenir un peu de pain, des journalistes visés, des immeubles détruits alors qu’ils ne présentaient aucun intérêt stratégique, des « couloirs humanitaires » ouverts mais bombardés.

Criminel de guerre.

Joe Biden a décidé, quelques heures à peine après le bombardement de Marioupol, d’augmenter l’aide militaire américaine de 200 millions de dollars à un milliard. Il a traité Vladimir Poutine de criminel de guerre, ce qui, évidemment, a été très mal reçu à Moscou, où l’on parle d’un commentaire « impardonnable ». Aucune insulte ne suffira à décrire le comportement de Poutine. C’est un homme qui a mis à son service personnel la deuxième armée du monde. Dans ce domaine, il est expérimenté : il a déjà fait tuer des milliers de civils en Syrie et il est incomparable quand il s’agit de travestir la vérité à l’opinion russe.

Livrer les avions ?

Nous avons deux manières de traiter cette crise abominable : nous pouvons, comme Biden, augmenter les livraisons d’armes à l’armée ukrainienne en espérant qu’elles leur permettent de tenir. Mais nous pouvons, aussi, nous demander, si face à des exactions russes de cette ampleur, nous ne devons pas les priver de la maîtrise du ciel ukrainien. Je pose une question taboue jusqu’à présent parce que tout le monde dit que donner aux pilotes d’Ukraine d’anciens avions russes qui appartiennent à des pays aujourd’hui dans l’OTAN serait interprété par Moscou comme une déclaration de guerre de l’Organisation atlantique.

Il demeure que Moscou agit sans le moindre scrupule, que ses crimes sont documentés, que Poutine et ses complices feront, tôt ou tard, l’objet d’un jugement international. Dans ces conditions, doit-on attendre que Poutine ait rasé l’Ukraine avant de le traîner en justice ? S’il est courant de dire que, de toute façon, le maître du Kremlin a perdu la partie, que rien, en Europe, ne sera comme avant, qu’il est devenu l’ennemi public international numéro un au point que Biden a renoncé à parlementer avec lui, les conséquences d’un transfert d’avions de guerre à l’Ukraine ne devraient pas se traduire automatiquement par une collision entre Poutine et l’Occident.

Il faut que la peur change de camp.

Certes, le monstre qui dirige aujourd’hui la Russie, prendrait n’importe quel prétexte, inventerait n’importe quel mensonge, se livrerait à n’importe quelle provocation pour montrer sa force brute. Mais il faut que la peur change de camp. Il faut que, lui aussi, et pas seulement l’Occident, craigne une guerre nucléaire. Il faut au moins que l’Europe et l’Amérique expriment leur exaspération devant les souffrances infligées aux Ukrainiens, et imitent Poutine en annonçant des mesures que rien ne les oblige à appliquer.

Le jeu de l’humiliation.

Je ne sais pas si la livraison d’avions à Volodymyr Zelensky est la meilleure option, mais je n’en connais pas d’autre. Dès lors que les canaux ne sont pas coupés entre Washington et Moscou, les Américains pourraient informer leurs interlocuteurs russes des tentations qui les démangeraient et aboutiraient à une politique du bord de l’abîme. Les Russes ne procèdent pas autrement. Ils sèment la terreur en Ukraine et ont gelé la diplomatie. Leur opinion ne sait rien des atrocités commises par l’armée russe ; Poutine compense par des crimes contre l’humanité une stratégie de conquête qui risque d’échouer ; la lenteur de ses troupes, leur enlisement, les pertes enregistrées par les Russes montrent qu’à la place d’un acte chirurgical bref et efficace, on a eu le pire : une mésaventure sanglante qui n’est pas terminée. M. Poutine a toujours bombé le torse. Il aime humilier ses adversaires. Il doit faire lui aussi l’expérience de l’humiliation.

RICHARD LISCIA

Ce contenu a été publié dans Non classé. Vous pouvez le mettre en favoris avec ce permalien.

4 réponses à Le massacre de Marioupol

  1. Michel de Guibert dit :

    Il n’est pas certain que les rodomontades fassent davantage progresser la paix que la diplomatie…

  2. Sphynge dit :

    Il est cependant probable que Poutine ne passera pas plus devant un tribunal international que les présidents américains qui ont lancé deux bombes atomiques sur le Japon, qui ont déversé sur le petit Vietnam autant de bombes qu’il en a été déversé partout dans le monde pendant la deuxième guerre mondiale, qui ont massacré, sous un faux prétexte et avec des manipulations d’opinion jamais vues, des centaines de milliers d’Irakiens dont des milliers de soldats de premières lignes enterrés vivants dans leurs tranchées, etc. Et qui avec l’aide de l’OTAN tout dévoué, installent des armes ultra-modernes tout le long du flanc ouest de la Russie. Poutine est coupable et responsable de cette guerre. Les Américains et leurs alliés partagent largement cette responsabilité. Seule la diplomatie peut mettre fin à cette guerre. Ensuite, il serait souhaitable que le repli américain dans ses frontières soit mené à son terme et qu’ils laissent enfin le monde vivre en paix.

    Réponse
    Pourrait-on se concentrer sur les crimes de Poutine, cette fois, sans remonter à l’histoire ? C’est Poutine qui saccage un pays. C’est Poutine qui tire sur des civils. C’est lui qui massacre des innocents. Le procès fait à l’Amérique a commencé il y a deux siècles, on peut même l’accuser du génocide indien et de l’esclavage. Tous les crimes qu’elle a commis n’excusent pas les atrocités de Poutine. Je ne comprends pas que, si vous êtes indigné par la politique américaine, celle de Poutine vous laisse indifférent.
    R. L.

    • Sphynge dit :

      Oh non, aucune guerre ne peut laisser indifférent ! Il est simplement étonnant que les américains puissent s’autoriser des commentaires indignés sur les horreurs commises en Ukraine par les Russes, eux qui ont brûlé au napalm vieillards, hommes, femmes et enfants en détruisant des villages entiers au Vietnam, et se rendent coupables d’actes aussi horribles dans les vingt conflits qui se déroulent en ce moment dans le monde et où ils prennent une part active, plus ou moins officielle.

      Réponse
      Allez au bout de votre pensée : citez-nous, nous qui sommes avides de compréhension, les endroits où les Américains bombardent et tuent des civils à l’aveugle. Donnez-nous au moins un exemple. La guerre de Poutine n’est pas seulement atroce, elle est anachronique et c’est pourquoi sa férocité est insupportable, ce que vous ne comprenez toujours pas.
      R. L.

  3. Doriel Pebin dit :

    Une fois de plus, il est étonnant de constater l’asymétrie de pensée de certains. Prendre pour excuse (prétexte) que l’OTAN et les Américains sont les responsables car ils menacent la Russie est une insulte à toutes les victimes de l’occupation soviétique de l’Europe de l’est. Qui a envahi la Pologne en s’alliant avec Hitler ? Qui a envahi la Finlande ? Qui menace depuis l’arrivée de Poutine les pays voisins de la Russie ? Toute l’histoire russe montre qu’elle a été impérialiste et rarement démocratique. Est ce l’Ukraine qui menace d’envahir la Russie ? Non, soyons sérieux et pas des agents de propagande ! Les défenseurs de Poutine et compagnie ne sont pas des démocrates mais des défenseurs de systèmes de désinformation inculte.

Répondre à Doriel Pebin Annuler la réponse

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *

Ce site utilise Akismet pour réduire les indésirables. En savoir plus sur comment les données de vos commentaires sont utilisées.