Un danger nommé Le Pen

Marine anti-Otan
(Photo AFP)

La description minutieuse des programmes des deux candidats au second tour, entretien de Macron avec « le Point » et exposé de sa politique étrangère par Marine Le Pen, permet de se faire une bonne opinion sur ce qu’ils ont l’intention de faire. 

À CE POINT de la campagne, les masques tombent. Mme Le Pen met l’accent sur des dossiers, l’Europe et l’OTAN, qui feraient de la France une « démocratie illibérale », à la manière de la Hongrie, où les libertés individuelles ne sont plus protégées, où les rapports avec l’Union européenne sont devenues exécrables, et dont toute l’idée consiste à prendre ce qu’il y a de bon dans l’Union et de rejeter ce qui est contraignant. Il est évident que de tels changements seraient vite condamnés par nos partenaires européens et que, en réalité, les mesures lepénistes reviendraient à isoler la France et à la priver d’une solidarité avec les États-Unis que le retrait du commandement intégré de l’OTAN mettrait  à mal.

Ni Europe ni OTAN.

De sorte que l’irresponsabilité de Mme Le Pen apparaît plus clairement. On dira que ses électeurs trouveront sans doute judicieuses les dispositions qu’elle s’apprête à adopter. Des estimations ont été faites des reports de voix, des Insoumis, nombreux, de la droite, du PS, des écologistes. Elles n’apportent aucune conclusion. Preuve que l’adhésion à Mélenchon ou à Le Pen est par exemple interchangeable, ce qui en dit long sur le rapport qu’il y a entre les extrêmes et sur une bonne fraction de l’électorat qui n’est intéressée que par la défaite du président sortant. Comme les faux semblants et l’hypocrisie ne sont  plus de mise pendant le second tour, les candidats peuvent réaffirmer leur credo, ou même le pousser, comme c’est le cas de Marine Le Pen, jusqu’à des choix idéologiques inspirés par le totalitarisme, et vers une position déformée de la France au sein de l’OTAN et de l’Union européenne.

Débat le 20 avril.

Je dis que les extrêmes se rejoignent, une Le Pen victorieuse au premier tour faisant le travail que Mélenchon ne peut plus faire. Comme en outre, elle a énormément développé l’aspect social de son programme, elle ressemble à Mélenchon comme deux gouttes d’eau. Pas besoin de dissoudre l’Assemblée et d’appeler une Constituante pour créer la VIème République, il suffit de faire des accrocs dans l’OTAN et l’Europe pour vider la pelote en tirant sur seulement deux fils. Il y a donc un côté péremptoire, autoritaire, brutal chez Marine Le Pen, qui ne saurait convenir aux démocrates mais qui enthousiasme ses millions d’électeurs : ils  la jugent dé-diabolisée, affable, gentille, souriante, agréable et, surtout, n’ont aucune idée de ce qu’est une démocratie illibérale pour autant qu’elle-même le sache, qui a eu cinq ans pour peaufiner ses dossiers et faire une démonstration éclatante lors du débat d’entre les deux tours, prévu pour le mercredi 20 avril.

Macron fier de son courage.

Les sondages quotidiens ne disent rien sinon que les deux candidats sont dans un mouchoir de poche et que, si les Français sont près de 90 % à être sûrs de leur choix, l’abstention sera encore plus élevée qu’au premier tour. M. Macron, devant un obstacle beaucoup plus gros qu’en 2017, continue, avec l’acharnement qu’on lui connaît, à essayer de convaincre ceux qui le haïssent. Dans ses pérégrinations, il interpelle ceux qui le chahutent, se rapproche d’eux, tente de s’expliquer sous un déluge d’insultes qui font désormais de la présidence de la République la fonction la plus malmenée du monde. À n’en pas douter, les gens qui ont mal crient leur douleur, mais ils y ajoutent l’accent de la haine (« Tout sauf Macron » !) sans même se demander s’ils sont les victimes du président, du système, ou du temps nécessaire à la reconstruction d’un pays qui a vécu quelques catastrophes. En prenant des risques, en s’exposant au ressentiment populaire, en s’humiliant délibérément, le chef de l’État montre certainement son courage, mais nous savons, bien sûr, que le montrer signifie qu’il a une qualité que n’a pas Mme Le Pen. Il l’a dit : Marine donne des conférences dans des hôtels, moi j’arpente le terrain.

Une société renversée.

On ne lui en voudra pas pour ce narcissisme, pour cette témérité, pour cette façon qu’il a de se mettre en danger, alors que l’alternative à Macron, c’est le chaos. Je n’écris pas des phrases excessives pour vous contraindre à faire un choix éclairé mais parce que je le pense vraiment et que je ne suis pas le seul. Nous sommes dans une société renversée où l’insulte a plus de poids que la raison, la haine plus que l’adhésion, la colère plus que la réflexion. Une société où « l’élite » ‘(c’est qui ?) est condamnable par rapport au peuple délicieux, honnête, ouvert à toutes les solutions. On a fait de l’intelligence et de la culture des travers inexpiables que le bon peuple ne connaît pas. On est en train de changer la mémoire, de réinventer le passé, de lui trouver des aspects agréables qu’il n’a jamais procurés. C’est un peu comme si on disait que Macron est responsable de la guerre en Ukraine. Pis : c’est un peu comme si Poutine n’était pas un monstre. Voter pour l’alliée de Poutine ? Allons, allons, les grincheux, ressaisissez-vous.

RICHARD LISCIA

 

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Une réponse à Un danger nommé Le Pen

  1. Dominique S dit :

    Voilà pourquoi j’aime tant les chroniques de Richard Liscia: elles expriment si bien mes propres pensées !

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