Avantage Macron

Les deux débatteurs
(Photo AFP)

Marine Le Pen n’a pas exactement perdu le débat avec Emmanuel Macron, lequel ne l’a pas  exactement gagné. Il s’est produit hier soir ce que nous attendions tous, une rencontre policée, et même aseptisée à l’extrême, au cours de laquelle les coups portés étaient prévus et resteront, en gros, sans conséquences.

LE PRÉSIDENT en exercice a néanmoins dominé le débat, d’abord parce qu’il a une mémoire phénoménale, ensuite parce qu’il a relevé chacune des inexactitudes ou des simples mensonges prononcés par son adversaire. Le ton, des deux côtés, était modéré et courtois, mais le contenu des propos était d’une agressivité sans égale, M. Macron, notamment, n’hésitant pas à ressortir des dossiers sulfureux, par exemple le financement du Rassemblement national par le prêt d’une banque russe. Il demeure que Mme Le Pen a ajouté les contre-vérités aux mensonges, tous déjoués par le président sortant, qui a tenu bon pour que les téléspectateurs n’aient pas une idée erronée sur le chômage, le « quoi qu’il en coûte », la dette accumulée à cause de la crise du Covid, la lutte en faveur de l’environnement, et, d’une façon générale, la vraie nature des choses.

Marine : sans scrupule.

« L’Europe des Nations », idéal de Marine Le Pen, n’est rien d’autre en effet qu’une méthode de destruction de l’Union européenne et M. Macron l’a démontré tout en soulignant les contradictions d’un souverainisme qui, à force de faire de l’Europe la cause de la plupart des maux français, en est arrivé à imaginer des remèdes susceptibles de nuire à l’indépendance de la France. Inutile de dire que la plupart de ces dossiers sont techniques et compliqués, que leur examen est fastidieux, que la componction de rigueur contribuait à la fatigue intellectuelle des citoyens vissés à leur écran. Il faut admettre en outre que le président de la République n’aura pas convaincu ceux qui ne votent pas pour lui et que les reports de voix lepénistes sur son nom seront rares. Mais il n’y a pas non plus de risque de voir les électeurs de Macron se ruer sur les bulletins Marine Le Pen : elle est apparue exactement comme ils la connaissent désormais, c’est-à-dire comme un personnage aujourd’hui capable de se maîtriser mais qui ne s’embarrasse d’aucun scrupule, ni d’aucun mensonge, pour parvenir à ses fins.

Querelles de chiffres.

Les deux personnages se sont d’ailleurs vivement querellés sur les chiffres. Or les statistiques sont officielles et établies par des organismes totalement indépendants du pouvoir. M. Macron, faisant remarquer qu’il n’y a pas un mot sur le chômage dans le projet de son adversaire, la preuve est établie qu’il a beaucoup diminué en cinq ans. Tout le monde sait que nous en sommes à 7,4 %, une promesse de campagne de M. Macron qu’il a tenue grâce au rebond économique post-Covid. Seule Mme Le Pen prétend que les chiffres sont truqués. Elle ment, tout le monde sait qu’elle ment, mais ses fans préfèreront toujours sa version des faits à celle du président. Le débat n’a pas porté sur la croissance, phénomène d’après-Covid, qui eût mérité une fière analyse de M. Macron. Mais cela irait de soi, si les trois partis extrémistes n’avaient fait de la peinture sinistre de notre société contemporaine l’alpha et l’omega de leur politique économique et sociale.

Tout était prévu.

M. Macron, cependant, n’a pas nié une certain nombre d’observations faites par Mme Le Pen et a même insisté sur quelques points d’accord. La distance entre le débat de 2017 et celui d’hier est donc immense. Mais c’était prévu. Tout était prévu, la position des journalistes, l’équivalence absolue des fauteuils où se sont assis les deux candidats et même la température de la salle. En conséquence, nous n’avons pas assisté à un coup de théâtre. On peut dire avec certitude que Marine Le Pen n’a pas renversé la table, ce qui est habituellement le rôle du challenger. Convaincue que, si elle essayait de l’être, elle perdrait le débat, elle a préféré rester sur le mode de la courtoisie. En revanche, M. Macron a montré qu’il pouvait être poli et même galant, mais que cela ne l’empêchait en aucune manière de porter des piques. Des deux côtés, les formules avaient été méditées à l’avance, les sujets avaient déjà été étudiés, et les propos d’hier avaient déjà été prononcés en maintes occasions.

Le Pen reste un danger.

Si le débat a été utile, c’est parce qu’il a révélé avec force l’ampleur de la tâche à accomplir et par contrecoup il a accru le scepticisme sur la capacité de Marine Pen à diriger le pays.  C’est bien d’arriver au débat avec des idées toutes faites. Mais la vie politique est pleine de surprises et la force du chef, c’est de pouvoir juguler la crise.  Il est absurde, de la part des opposants de tout poil, de dénoncer le « quoi qu’il en coûte », absurde parce que tous les Européens l’ont fait et que les hommes et femmes sincères de LR ont rejoint Macron. Tout, dans le bilan du chef de l’État, n’est pas discutable. Le maintien des emplois financé par la collectivité nationale était bien la méthode qu’il fallait appliquer de manière impérative. Dire qu’il s’agit d’une dépense faramineuse et oublier de préciser qu’elle a sauvé les emplois, le pays, la réputation de la France, c’est déjà commettre une forfaiture. Mme Le Pen n’est pas à la hauteur de l’enjeu et ses idées, ruineuses de tous les points de vue, sont la plus grande menace qui pèse aujourd’hui’hui sur notre pays.

RICHARD LISCIA

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4 réponses à Avantage Macron

  1. Doriel Pebin dit :

    À propos de l’Europe des nations, la solution référendaire proposée par Mme Le Pen est clairement anticonstitutionnelle. Elle « oublie » que le référendum permet de passer une loi mais pas d’être contraire aux Droits fondamentaux (liberté de presse, justice…). C’est toute la différence entre un état de Droit (France) et un état illibéral populiste (Hongrie, Pologne alliés de Mme Le Pen dont elle veut se rapprocher) ! Il faut aussi souligner que le Droit européen n’est pas un Droit étranger mais fabriqué d’un commun accord par tous les États d’Europe dont… la France. On ne peut donc pas l’opposer au Droit national d’autant plus que le parlement et le conseil constitutionnel ont un droit de regard en amont (lire l’excellent article très pédagogique « La préférence nationale, une rupture avec l’identité de la France » de Dominique Rousseau paru dans « le Monde ». Attention, l’émotion (trop souvent fabriquée) ne doit pas primer sur la rationalité et la vérité.

  2. mathieu dit :

    Le débat a surtout montré que cinq années de préparation et trois jours de stage intensif avec coach et atelier de s(t)imulation ne font pas d’un canasson un cheval de course ! Et quand le fond manque, on se rattrape sur la forme, qui peut faire passer bien des approximations. Mais l’éloquence est le premier des arts politiques…qui manque cruellement à notre Marine. N’est pas Mélenchon qui veut !

  3. Francois Compan dit :

    Marine Le Pen déstabilise Macron …qui se maintient dans des illusions parfois partagées qui s’enracinent dans des motivations obscures .

  4. Dominique S dit :

    Certains détestent Emmanuel Macron. Et pourquoi donc ? La question posée dans l’émission C dans l’air de ce soir, apporte enfin la réponse : « Peut-on reprocher au premier de la classe d’être le premier de la classe ? »

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