La peau de Macron

Un instant de bonheur fugace
(Photo AFP)

Emmanuel Macron n’a pas plus tôt été élu que les pires commentaires sur sa légitimité, sa mauvaise campagne, sur un nouveau quinquennat abhorré ont jailli de toutes parts.

L’ÉLECTION présidentielle s’est déroulée conformément aux règles constitutionnelles. M. Macron distance sa rivale au second tour de 17 points. Si ce n’est pas un triomphe, c’est assurément une victoire et elle est historique dans le sens qu’elle fait reculer un parti d’extrême droite qui s’est présenté cinq fois à la magistrature suprême et qui a été refoulé, sans que l’on eût besoin de l’interdire. À n’en pas douter, le Rassemblement national se renforce, ce qui permet à Marine Le Pen de rester en politique, probablement pour subir de nouveaux échecs. De ce point de vue, Macron n’a pas contribué à la déroute du RN, sauf au dernier moment, qui reste, me semble-t-il, le plus important. S’il a cherché à rééditer le duel de 2017, ce n’est pas un crime. Supposons que Mélenchon fût qualifié. Il aurait été battu encore plus nettement au second tour.

 

Une litanie de jugements.

Une analyse à laquelle devraient être invités les censeurs, les critiques, les analystes jamais à court d’un jugement négatif, les politologues qui s’écoutent parler sans se demander si ce qu’ils disent a encore un sens, tous ceux qui tentent, avec une passion suspecte, de présenter une victoire électorale comme une défaite. Macron aurait pu accroître l’écart s’il n’avait pas négligé la campagne ; il n’a pas réussi à contenir le flot de l’extrême droite ; il n’a pas vu venir l’extrême gauche ; il n’a rien fait pour l’environnement et donc ne fera rien, comme d’habitude ; il s’apprête à démanteler le système des retraites ; il est nul sur le pouvoir d’achat ; il n’a rien compris, rien fait, et ne comprend toujours rien car il « croit » qu’il a gagné.

Si Mélenchon avait été qualifié…

Le président réélu a certes besoin d’une nouvelle majorité présidentielle. Un sondage Harris Interactive, le plus intéressant de la semaine, estime qu’il va obtenir, grâce à un bloc République en marche-Horizons et Agir, une majorité absolue, avec plus de 300 députés sur 577. Déjà Les Républicains ont fait savoir  qu’ils ne s’allieront à personne, signant leur prochain échec, celui d’une représentation insuffisante à l’Assemblée. À gauche, Jean-Luc Mélenchon, fier de son excellent score au premier tour (22 %) veut prendre la direction des opérations alors que les écolos et le PS sombrent dans un marasme accablant. Par parenthèses, une qualification de Mélenchon au second tour aurait été une divine surprise. Il aurait écarté et humilié Marine Le Pen, mais se serait fait battre à 60-40 par Macron. Ce que n’ont pas compris ceux qui ont si vivement regretté sa non-qualification et restent nostalgiques d’un choix qui eût balayé la France insoumise.

Téméraire, pas idiot.

Raisonne-t-on encore en France quand des gens supposés intelligents nous présentent la belle victoire de Macron comme un recul sans précédent et comme une abomination ? Prenons un exemple : j’ai pensé que le président prenait un risque inutile quand il a relancé la réforme des retraites avec âge de départ à 65 ans. Il a gagné malgré cette précision importante sur son programme. Téméraire, oui. Idiot, non. Il l’a emporté malgré le handicap qu’il s’est lui-même infligé. C’est du Macron pur. Faut-il, pour autant, se joindre à la clique des thuriféraires pour compenser les attaques, finalement immondes du point de vue républicain, des censeurs de tout bord qui ne respectent ni Macron ni sa fonction ? Certes non, mais il faut appeler un chat un chat.

Chapeau, l’artiste !

Car être réélu, alors que la campagne lui annonçait mille morts, servir de rempart à la République contre la démagogie, apporter à son programme cette intelligence et ce courage, mérite d’être signalé.  En témoignent les acclamations venues du monde entier, et que l’on peut traduire d’un mot : « Chapeau, l’artiste ! ». Il y a décidément chez cet homme une conviction et une indulgence surprenantes. Il riposte non pas aux provocations mais en rétablissant le sens de ses propos. Il fait taire la foule de ses amis quand elle siffle ses opposants. Il tente de rétablir dans les mœurs politiques une décence qui a disparu. Car jamais la misogynie, la haine de l’autre, les borborygmes  de la passion sectaire n’ont occupé autant de place dans le langage politique. Or cela fait des années que, ici et là, des hommes et femmes politiques essaient de délégitimer le processus électoral, qui en exigeant une révision de la Loi fondamentale, qui en se plaignant de ce qu’un élu l’emporte avec un quart des suffrages, qui en exprimant une si grande souffrance qu’on ne saurait la guérir qu’un tuant le chef de l’État.

Le Mur des Lamentations.

Cela suffit. Nous ne sommes pas au pays dont ils avaient une vision si forte qu’ils ont oublié qu’ils pouvaient perdre. Ils ont perdu, Macron a gagné, il n’a pas besoin d’un état de grâce, il trouvera une majorité présidentielle et, à la fin des fins, ceux qui par égoïsme, sectarisme, incapacité à s’adapter, continueront leur chemin dans la minorité ne pourront s’en prendre qu’à eux-mêmes. Une moitié de la France se croit malheureuse. Une autre moitié travaille pour une vie meilleure. Les vaincus pourront toujours méditer devant le Mur des Lamentations.

RICHARD LISCIA

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Une réponse à La peau de Macron

  1. mathieu dit :

    Ne soyons pas dupes, ce concert d’opprobres, ce déchaînement anti-Macron, n’est qu’une posture un peu obligée, d’un cortège d’opposants qui pensent ne devoir leur survie… qu’à la destruction du monarque en place, quels que soient ses résultats, échecs ou – dans la situation présente – réussites; c’est une implacable loi politique – et humaine – française, un peu la rançon de notre tradition bonapartiste: comme « celui qui a dit la vérité, il doit être exécuté »; celui qui accumule les succès, il doit être éliminé. Il fallait abattre Hollande (qui y est parvenu tout seul), Sarkozy (qui déchaîna les passions destructrices), Chirac (qui n’a dû sa survie qu’à la présence imprévue de Le Pen au second tour)…
    Pas un seul élu de droite ne croit à ses propres balivernes contre Macron, qui réalise leur programme (celui de la majorité juppéiste de naguère), mais quoi, il faut bien survivre politiquement, ou faire semblant d’y croire !

    Réponse
    Le problème vient moins de la vulgaire multiplicité des injures que de ce que l’on bafoue les institutions. Ce qui est dangereux.
    R. L.

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