Un fléau nommé Poutine

Un judoka, plus qu’un diplomate
(Photo AFP)

Les troupes russes avancent lentement à l’Est, conquérant de nouvelles villes, et ont bombardé Kiev alors même que le secrétaire général des Nations unies, Antonio Gutteres, s’y trouvait. L’attaque, inutile du point de vue militaire, a fait plusieurs victimes.

LES UKRAINIENS vivent un cauchemar prolongé, en attendant les armes qui devraient leur permettre de gagner quelques batailles, face à des soldats russes fatigués et démoralisés. Le président des États-Unis, Joe Biden, a demandé au Congrès une rallonge budgétaire de 30 milliards de dollars, une paille, mais indispensable pour donner à l’Ukraine les moyens de se défendre. Bien que nous ne subissions pas les effets de cette guerre (sauf sur le plan économique), Vladimir Poutine n’a que la menace à la bouche, n’hésite pas à parler de guerre nucléaire et prive de gaz la Bulgarie et la Roumanie. Il tente aussi de rejoindre la Transnistrie, couloir de la Moldavie contrôlé par Moscou, poursuivant ainsi une conquête tous azimuts qui n’est que la somme de ses échecs et de ses frustrations. Plus il compte de revers, plus il se venge en massacrant des civils.

Il veut terroriser l’Europe.

Le plan de Poutine consiste à effrayer les populations occidentales, en essayant de leur démontrer qu’elles n’ont aucun intérêt à aider l’Ukraine. Le choix entre les gestes d’apaisement et la franche hostilité étant à peu près nul à ses yeux, il préfère limiter ses recettes pétrolières pour semer l’effroi en Europe. M. Biden travaille tous azimuts en tentant d’offrir aux Européens une alternative à l’énergie russe et en déversant sur l’Ukraine des armements offensifs. On lui fait remarquer les risques de cette stratégie, mais il n’en a cure. Chaque fois que l’Occident se dresse contre les menées russes, Poutine en profite pour mettre à exécution ses projets les plus déments. De fait, on parle beaucoup des lignes qu’Européens et Américains ne doivent pas franchir, mais les crimes de guerre, les atrocités, les bombardements de civils, la russification des zones conquises montrent que Poutine, lui, n’a respecté aucun des droits des Ukrainiens.

Poutine en échec ?

Psychologiquement, la stratégie de l’atrocité est devenue un excellent prétexte pour Biden, qui peut ainsi, et publiquement, se livrer à des envois d’armements massifs. La question ne porte plus sur les chances de la Russie d’occuper l’Ukraine (elle ne le peut pas), sur l’issue de la campagne d’Ukraine, mais si, oui ou non, Volodymyr Zelensky peut battre l’armée russe, concept né de la résistance et du patriotisme des Ukrainiens. Lesquels paient très cher leur défi à Poutine, mais semblent prêts à faire des sacrifices pour donner un coup d’arrêt à l’expansion russe, de nature soviétique. Poutine caracole sur la crête du nationalisme, ce qui lui permet d’avancer à  l’aide de la désinformation et de n’accepter aucune contrainte éthique. En dehors du contrôle insensé qu’il a sur son pays, il est totalement isolé, les pays, comme l’Inde ou la Chine, qui se refusent à le condamner moralement ne lui ayant pas apporté l’aval diplomatique dont il avait besoin.

Inquiet, il tente de se justifier.

Il n’est pas question ici de disserter sur l’état psychologique d’un potentat bouffi, plein de morgue et de mépris. Ni de s’interroger sur l’étrange, énigmatique, apathie des Russes. Il est indispensable d’établir avec Moscou un rapport de forces qui effraiera Poutine à court terme. Il commence à avoir peur de ses propres audaces, le meilleur symptôme de cette évolution étant le temps qu’il passe à se justifier, en tordant le droit international, en se livrant au massacre aveugle des civils ukrainiens, en brandissant des menaces, en faisant circuler des missiles de nouvelle génération, propres à faire trembler d’épouvante les Occidentaux. M. Guterres, qui lui a rendu visite, regrette amèrement de ne pas l’avoir convaincu d’arrêter la guerre. Au Kremlin, Poutine a dit au secrétaire général des Nations unies que l’ONU était un bien « précieux, indispensable ». Deux jours plus tard, il envoyait un coup de semonce à Kiev. Voilà comment il fait de la diplomatie.

Le prix de la vengeance.

Le seul moyen de se débarrasser Russes et Ukrainiens de ce type mal embouché, c’est que le prix de sa défaite soit bien plus élevé que la joie de se venger. Pour chaque scrupule qu’il n’a pas, il y a des morts, pour chaque avancée des troupes russes, il y a des morts, pour chaque civil tué par sa soldatesque, il aura un jour à payer la facture.  Il y aurait un déséquilibre Est-Ouest si Biden n’avait été que le vieillard hésitant qu’il semble être, mais qu’il n’est pas ; son engagement est rassurant ; son attachement aux libertés consacre son leadership occidental. Or l’Occident a changé. Il n’est plus le lieu confortable des peuples cossus qui passent leur temps à se plaindre. C’est maintenant une forge qui construit des projets d’airain. Poutine, si négatif qu’il soit a refait l’unité de l’Europe et de l’OTAN, ces deux valeurs sûres de l’Occident. « Quand tout est perdu, cela s’appelle l’aurore » (1)

RICHARD LISCIA

(1) Emmanuel Roblès.

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3 réponses à Un fléau nommé Poutine

  1. Jean Vilanova dit :

    Je souscris totalement à votre propos. Comment peut-il d’ailleurs en être autrement sauf sans doute dans l’esprit brumeux de nos extrémistes de droite et de gauche, Marine Le Pen et Jean-Luc Mélenchon ?
    Pour autant, Poutine n’est pas un accident dans l’Histoire de la Russie. Il se situe pleinement dans le sillage des psychopathes qui, depuis maintenant plus d’un siècle n’ont cessé de tourmenter le peuple – je n’ose écrire « leur » peuple – et mettre en péril la paix dans le monde.
    Certes, Poutine disparaîtra. Et le plus tôt sera le mieux. Mais gageons, hélas, qu’il sera vite remplacé par un clone.

  2. Laurent Liscia dit :

    Les Nazis bombardant Londres. Non seulement inutile et monstrueux, mais galvanisateur du peuple anglais, et de l’opinion occidentale. L’effet est le même.
    On a vu Poutine en action en Syrie, sans surveillance internationale. L’action est identique. Le plus curieux, c’est qu’il prétende libérer l’Ukraine de ses nazis. Il suffirait pour cela qu’il quitte le pouvoir et disparaisse dans une datcha en Sibérie.

  3. Doriel Pebin dit :

    Bonjour, tout à fait d’accord avec vous mais la population russe est évidemment désinformée. Mais réagir même un peu, apparait très difficile et courageux dans la dictature qu’est devenue la Russie poutinienne. Nous ne savons pas réellement ce que pensent les Russes mais ils ne sont pas plus bêtes que nous et ils doivent se rendre compte que tout ce verrouillage de l’information reflète quelque chose d’anormal. Que nous sommes heureux de vivre dans une démocratie (malgré les hallucinations de nombre de nos compatriotes qui feraient bien d’aller sur place pour comprendre ce qu’est une dictature) où le « peuple » peut chasser le dirigeant au pouvoir pacifiquement grâce aux élections et non… via la rue (comme les soi-disant « démocrates » de LFI le proposent)..

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