L’arme à gauche

Le doigt vengeur
(Photo AFP)

Le parti  socialiste, Europe-Écologie-Les Verts, le parti communiste et la France insoumise célèbrent l’accord conclu hier et qui crée une Union de la gauche environnementale et sociale.

LES CADRES socialistes qui ont conclu l’accord malgré les avertissements  des chefs de file sociaux-démocrates ont un argument. Leur déroute à la présidentielle entraîne quelques sacrifices idéologiques, mais présente l’avantage de préserver l’avenir du PS. C’est à la foi un aveu de faiblesse et un espoir. Mais, à l’expérience, la fameuse union risque d’exploser en plein vol. Pour au moins deux raisons : la première est que, si elle atteint la majorité absolue à l’Assemblée, elle sera déchirée au sujet de l’appartenance de la France à l’Europe et par les choix industriels, notamment le nucléaire ; la seconde est qu’elle n’obtiendra pas la majorité absolue.

Il y avait d’autres moyens.

Les sondages montrent en effet qu’Emmanuel Macron aura au moins cinquante députés de plus que les 289 nécessaires pour gouverner dans le calme. De sorte que des convictions seront sacrifiées, que l’équilibre interne du PS et d’EELV sera compromis, que le désordre parlementaire succèdera rapidement  à l’ordre de la coalition sans pour autant peser sur la politique gouvernementale. Il n’était pourtant pas impossible au PS d’envisager de faire une partie du chemin en compagnie de la République en marche, dont beaucoup d’élus sont, à l’origine, des socialistes ; il n’était pas impossible de renforcer le pôle social-démocrate des écologistes et des socialistes ; il n’était pas impossible de freiner l’expansionnisme dominateur de LFI tout en contribuant à des choix raisonnables.

L’attrait exercé par Poutine.

Le dernier mot n’est pas dit. Le Conseil national du parti socialiste devra ce soir entériner ou non l’accord conclu par ceux du PS, avec à leur tête Olivier Faure, qui ont piloté le malheureux épisode. La séquence ouverte par Emmanuel Macron après sa victoire au second tour se déroule comme sur du papier à musique. Ce ne sont pas les rivalités chroniques entre Macron et Édouard Philippe, entre les mouvements déjà intégrés à la majorité présidentielle, entre les diverses différences, inévitables au sein de cette autre coalition, qui empêcheront, in fine, de donner au président réélu la majorité dont il a besoin. La gauche ne peut pas faire l’économie d’une réflexion cruelle sur ce qu’elle est devenue, comment elle a enfanté ce monstre que sont LFI et l’islamo-gauchisme, l’aversion pour l’Europe sans laquelle nous ne sommes plus rien, l’attrait exercé par Poutine sur des Français qui n’en discernent pas la souche hitlérienne.

Macron la voyante.

Les Républicains, de leur côté, écartent toute hypothèse d’alliance avec la REM. Ils feront donc, pour les cinq ans qui viennent, leur parcours du combattant. Les réflexes incontrôlés de tous les partis qui, naguère, militaient dans l’opposition, traduisent des fins de vie, la gauche se battant contre l’agonie, la droite qui mourra indemne de toute compromission. Ce qui nous ramène à Macron et à la vision qu’il porte depuis 2017. Il a en effet tout prévu : la déroute de la droite classique, le renforcement de l’extrême droite qu’il aura été le seul à combattre efficacement, la débâcle de la gauche. Certes, il n’a pas envisagé le triomphe mélenchoniste. Si bien que LFI se voit déjà à Matignon en train de diriger le gouvernement de M. Macron. Une hirondelle, dit-on, ne fait pas le printemps ; et l’été aura déjà mis fin aux grandes illusions. De même que le président ré-élu a renvoyé Marine Le Pen et Éric Zemmour à la méditation, de même tout l’art politique de M. Mélenchon ne lui aura pas permis de gouverner.

Un président qui aime les défis.

Dans ces conditions, pourquoi le président devrait-il se hâter de choisir un Premier ministre et de présenter son nouveau gouvernement ? Il entend prendre son temps, ce qui est préférable s’il veut éviter une erreur de casting majeure. Bon stratège, bon tacticien, bon orateur, Macron n’est plus le jeune homme un peu farfelu qui n’en croyait pas ses yeux et ses oreilles quand il a été élu à la tête du pays en 2017. Il a fait vérifier par des faits indéniables que son hypothèse, l’éclatement des partis, était la bonne. Certes, son premier mandat n’a pas été facile et le second sera pire. Mais c’est pourquoi Macron a rejoint l’histoire. Il n’est jamais aussi à l’aise que dans l’adversité. Il se bat contre elle non seulement avec courage mais avec le sourire. Comme si le danger l’amusait.

RICHARD LISCIA

 

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2 réponses à L’arme à gauche

  1. Laurent Liscia dit :

    Cette alliance hétéroclite à gauche donnerait plutôt … l’arme à l’oeil. Et pourtant il faut bien que la gauche se ressaisisse ; et que la droite renonce à la tentation extrémiste.

    • Alan dit :

      La droite doit renoncer à la tentation extrémiste : elle le fait, tout à fait ouvertement et officiellement, à l’exception de quelques personnes qui ont pour cela quitté LR.
      La gauche, elle, ne renonce pas mais au contraire adhère à la tentation extrémiste, dans sa grande majorité, c’est-à-dire tous les partis officiels !
      Je ne comprends pas cette complaisance vis-à-vis d’un parti (LFI) et d’un chef (Mélenchon) qui n’ont rien à envier à l’extreme droite, et qui nous mettraient dans une situation au moins aussi mauvaise que leurs équivalents populistes de droite.
      Réponse
      Le pays n’a pas besoin d’extrémistes, mais il a besoin d’une gauche. Ce n’est pas une question de complaisance mais d’équilibre des pouvoirs.
      R. L.

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