Les trois blocs

Macron et Scholtz à Berlin
(Photo AFP)

Gauche, droite et Ensemble, formation pour la majorité présidentielle, vont se partager les suffrages aux élections législatives. À quoi il faut ajouter un quatrième bloc, celui de l’abstention.

MARINE Le Pen, après quelques jours de vacances, est candidate à Hénin-Beaumont dans le Nord et son premier soin est d’accabler Jean-Luc Mélenchon, coupable, selon elle, d’avoir fait réélire Emmanuel Macron. Ce qui est rafraîchissant, avec cette séquence électorale, c’est que le président réélu n’est plus l’épouvantail auquel tout le monde lance des pommes et des œufs pourris. Les trois blocs se croient assez puissants pour répartir non seulement les sièges chacun à son avantage, mais pour nourrir les plus grandes illusions, comme celle de Jean-Luc Mélenchon, qui se voit, encore et toujours, contre toute logique, « élu » Premier ministre. Le fameux « troisième tour social » s’est emparé de l’esprit des concurrents qui ne tarderont pas à vérifier le contenu de la théorie.

Scrutin favorable aux grands partis.

Les législatives de 2022 n’ont rien à voir avec celles de 2017. Emmanuel Macron n’est plus l’homme venu de nulle part qui a bouleversé l’échiquier politique. La tentation est grande, chez ses adversaires, de lui infliger une humiliation. Mais il y a loin de la coupe aux lèvres. Les électeurs sont-ils tentés de lui imposer une cohabitation ou préfèrent-ils, conformément au dispositif créé par le quinquennat, lui accorder de nouveau une majorité absolue ? La sagesse commande de prévoir l’arrivée à l’Assemblée de dizaines de députés du Rassemblement national et de la France insoumise. On notera à ce sujet que le scrutin majoritaire à deux tours favorise les partis majoritaires, et que LFI et le RN, qui s’en sont tellement plaints, vont cette fois en bénéficier. De là à croire que l’un ou l’autre obtiendra la majorité absolue, il y a une distance plus grande qu’entre les hologrammes chers à Mélenchon.

Rira bien …

La même sagesse inspire Ensemble, mouvement auquel Macron a fait ses recommandations dont la plus importante est le rejet d’une attitude en vertu de laquelle les dés seraient déjà jetés. L’avantage, pour le président réélu, consiste à se battre comme si les désidérata des deux oppositions risquaient de se réaliser. Il a  pris soin de s’adresser à ses troupes et de lancer une machine conçue pour lui donner la part du lion. S’il finit par obtenir la majorité absolue, s’il n’a pas besoin du Modem et de Horizons pour gouverner, rira bien qui rira le dernier.

Majorité silencieuse.

On décèle, dans ces grandes manœuvres, une arrière-pensée qui fait d’Ensemble le challenger et de LFI et du RN les partis qui se voient comme dominants, mais frappent désespérément à la porte du pouvoir sans y accéder. Il y a une continuité entre élection présidentielle et élection législative. Elle traduit l’intolérance de l’électorat pour les extrêmes. Cet électorat, c’est la majorité silencieuse, celle qui ne manifeste jamais, qui ne casse pas le mobilier public et n’incendie pas les poubelles, celle qui pense que nous avons tout ce qu’il faut dans nos institutions pour assurer la vie politique et la justice sociale. La question n’est plus de savoir si elle a tort ou raison. Elle porte sur l’existence même de cette majorité que les sondages retrouvent constamment.

Il y a deux tours.

Curieusement, personne ne cite ces enquêtes. On a organisé des débats énormes au sujet de Mélenchon Premier ministre comme si c’était une hypothèse sérieuse. On n’a pas trop remarqué que Macron, au premier tour, avait battu Le Pen avec cinq points d’écart (six avec Mélenchon). On a cru bon de disserter à l’infini sur des hypothèses politiques que ni les sondages (ils peuvent toujours se tromper) ni la logique ne rendaient nécessaires. On a oublié à la fois la République et la Constitution. On a oublié la forme du scrutin majoritaire à deux tours, qui fera apparaître des lieux de contestation vigoureuse au premier tour, et des solutions favorables au président sortant au second tour.

Paradoxalement, lorsqu’on met les membres de la France insoumise devant ces évidences, ils répondent tous d’une même voix : « C’est pourquoi il faut changer de République ! ». Mais on ne va pas la changer avant les législatives. LFI ne va pas gagner avant d’en avoir les moyens institutionnels et gageons que, dans cinq ans, ce parti en sera toujours à ses revendications premières, la dissolution de l’Assemblée, la formation d’une Assemblée constituante et l’adoption d’un programme pour passer à la VIe  République. Cette séquence électorale, c’est la bataille des Horaces et des Curiaces. Il faut prendre les adversaires l’un après l’autre. Lors de la présidentielle, la macronie a anéanti les espoirs du RN. Lors des législatives, elle boutera LFI hors du champ de bataille.

RICHARD LISCIA

 

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Une réponse à Les trois blocs

  1. Doriel Pebin dit :

    bonjour et merci pour cette excellente analyse. Les médias traditionnels (c’est-à-dire hors réseaux sociaux) s’honoreraient de faire de semblables analyses au lieu de courir après ces mêmes réseaux sociaux et professionnels de la désinformation. Cela s’appelle du vrai journalisme qui s’oppose à la désinformation et à la propagande. Dans une démocratie, une minorité ne peut pas imposer ses choix sauf à modifier les règles. Cela s’appelle aussi le respect du principe de réalité.

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