L’affaire Abad

Un homme handicapé
(Photo AFP)

Qui, dans le contexte d’une guerre de la communication, se surprendrait du cas offert par l’affaire Damien Abad, du nom de cet ancien président du groupe LR à l’Assemblée nationale passé à la macronie et nommé par Macron ministre des Solidarités ?

M. ABAD est le premier à dire que, chaque fois que progresse sa carrière politique, deux affaires d’agressions sexuelles lui sont reprochées. Les accusations sont insistantes et la polémique rappelle celle qui a poursuivi Gérald Darmanin, ministre de l’Intérieur, pendant de longs mois. Dans les deux cas (2010 et 2017), un non lieu a été prononcé par la justice, ce qui ne blanchit pas le présumé agresseur, mais souligne le manque de preuves. Il existe un mouvement général de la société en faveur des femmes, toujours attachées à une sécurité qui n’est pas atteinte. Un mouvement qui peut, par son souffle, conduire à une erreur judiciaire. Mais il y a aussi un concept du genre « pas de fumée sans feu », qui tend à favoriser indûment les victimes. J’ajouterai qu’elles n’ont pas besoin d’un soutien aveugle. Ce qui compte, c’est la vérité des faits et, pour l’instant, nous n’y sommes pas.

Et la présomption d’innocence ?

Dans les deux cas relatifs au comportement de Damien Abad, le premier a donné lieu à un retrait de la justice, le second n’a pas abouti à une plainte en bonne et due forme. Jean-Luc Mélenchon, l’homme qui estime qu’il représente la République mieux que personne, et maintenant réécrit le droit, déclare qu’il va falloir approuver les femmes dans tous les cas et même si la présomption d’innocence est balayée comme fétu de paille à la faveur de la nouvelle donne féministe. Rien, en effet, ne doit contrarier le droit de toute femme de vivre à l’abri d’une agression sexuelle. Rien, non plus, ne doit, s’opposer à la présomption d’innocence qui, si j’en juge par les commentaires de nos meilleurs journalistes, n’a plus la moindre importance.

Un signal adressé à LR.

M. Abad est victime d’un syndrome sociétal qui accorde plus de foi à la femme qu’à l’homme. Ce qui dérange, c’est l’utilisation de l’affaire par la classe politique. Est-ce vraiment la justice que l’on recherche ? N’est-ce pas plutôt la déroute en rase campagne de la majorité présidentielle ? Sans sombrer dans le complotisme, on est en droit d’être intrigué par une cabale que les médias partagent goulûment, sous le prétexte qu’elle donne une chance à la gauche unie pour les élections législatives. Damien Abad est une « prise de guerre » lancée non sans habileté par le président de la République et qui constitue un signal adressé à l’électorat des Républicains.

Le scandale pour changer le scrutin.

On pourrait résoudre rapidement le problème en forçant M. Abad à démissionner. Il y a songé. Mais il s’est ravisé quand il a estimé que ce serait faire un beau cadeau à un parti écœuré par sa « trahison » et pour qui tous les moyens seraient bons. En conséquence, il ne démissionne pas et se présente dans une circonscription dans l’Ain. Une crise qui relève de la justice ne sera pas réglée par la politique : même s’il est élu, il sera poursuivi par ses détracteurs, tous adeptes de la chasse à courre qui attendent l’hallali. La bascule est impressionnante : là où la majorité est désignée par un scrutin, on crée, ou on s’appuie, sur un scandale, sans que personne ne puisse dire aujourd’hui si M. Abad est coupable ou innocent.

L’opposition satisfaite.

Cet homme lourdement handicapé déclare pour sa défense que la source même de son handicap l’empêche de commettre un viol (ce qui l’oblige à entrer dans des détails intimes) : il n’en aurait pas la force ou la technique physique. Dans ce cas, pourquoi ne pas consulter un médecin et établir un constat ? Au fond, le fait que le cas ne soit pas tranché sert bien l’opposition. Il va empoisonner le processus des législatives. Il va, avec la complicité aveuglante des médias, dicter leur vote aux électeurs. Il va continuer à salir la réputation d’un homme (dont la qualité de vie est médiocre) sans garantir leur revanche aux femmes qui estiment avoir été molestées. Dans toutes les affaires d’agressions sexuelles, la violence du châtiment devient excessive quand elle n’est pas justifiée par des preuves. Nous n’avons pas à choisir un camp contre l’autre : l’intégrité physique des femmes est sacrée, comme devrait l’être la présomption d’innocence. Pour le moment, la première est bien défendue, la seconde est bien menacée.

RICHARD LISCIA

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3 réponses à L’affaire Abad

  1. tapas92 dit :

    Damien Abad a été président des députés LR de 2019 à 2022 (il y a encore quelques semaines), et soutien de Xavier Bertrand en 2021 pour les primaires des LR. C’est consternant d’écouter Xavier Bertrand hier à la radio critiquer le gouvernement et le président sur le choix de Damien Abad. Le minimum serait de faire profil bas sur l’affaire

  2. Doriel Pebin dit :

    Bonjour très bonne lecture, la présomption d’innocence n’a plus de valeur ! On assiste, une fois de plus, à une inversion (perversion ?) des valeurs: si vous êtes accusé, vous êtes coupable. Les médias et les politiques oublient leurs devoirs minimum déontologique et éthique. Nous sommes en quasi-guerre avec la Russie, l’inflation est forte, le pouvoir d’achat diminue pour certaines parties de la population mais l’important est l’affaire Abad, personne de surcroit… vulnérable car handicapée. Quand le bon sens et l’arrêt de ces pseudo- « scandales » vont-ils survenir ? M. Mélenchon « soi-disant Premier ministre » nous ramène droit au « bon vieux » temps de la révolution où les minorités imposent leurs diktats et leurs vérités. Belle perspective… à éviter bien évidemment.

    • marianne tennessel dit :

      Même pour de nombreuses femmes, les fleurons actuels d’un féminisme qui peut paraître sectaire sont difficilement supportables. C’est difficile, je trouve, de rester solidaires avec des femmes qui se plaignent d’agression sexuelle pour une main aux fesses. Nous avons le droit de dire non… servons-nous en si le propriétaire de ladite main ne nous convient pas. Aller dénoncer et judiciariser toute marque d’intérêt sexuel un peu appuyée revient à instaurer un climat de méfiance entre les sexes, c’est l’opposé du but recherché car, du coup, les agressions réelles et le harcèlement réel sont confondus avec les très nombreuses manifestations maladroites, mais anodines, de la nature humaine.

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