Une vague abstentionniste

Macron en compagnie de judokas
(Photo AFP)

Le taux d’abstention aux législatives ne dépassera sans doute pas les 50 %, alors que le camp présidentiel risque de perdre la majorité absolue et que l’extrême gauche prétend s’emparer du pouvoir exécutif.

LES PRONOSTICS des instituts de sondage peuvent bien sûr se tromper sur les rapports de forces entre la gauche et la droite et le rôle des extrêmes. Mais une chose est déjà acquise : les élections législatives ne ressembleront nullement à celles de 2017. Usure du pouvoir de Macron, multiplicité des problèmes à résoudre, lassitude inspirée à l’électorat par le système expliquent ce retournement de l’opinion. On verra bien ce qui va se passer, mais il se trouve que les partis qui se sont tellement plaints du scrutin uninominal à deux tours vont probablement en bénéficier. Changer de mode de scrutin n’est pas la panacée.

Les dés ne sont pas jetés.

Non sans exagération, nombre de médias croient déceler cette semaine un mouvement de « panique » dans la macronie. Le réalisme de l’exécutif et des candidats d’Ensemble aux élections législatives ne doit pas cependant être interprété comme une déroute avant l’heure. Il faut au président réélu une majorité absolue mais il ne faut que cela. Les dés ne sont pas jetés, tout est encore possible. Bien entendu, les explications relatives à la soudaine faiblesse du pouvoir ne manquent pas. Quoi qu’il arrive désormais, le président réélu ne pouvait sans doute pas faire mieux : il a franchi le cap des deux tours de la présidentielle, et quoi qu’on dise de son « apathie » ou de la distance qu’il aurait prise avec le rendez-vous électoral, il cogne ses adversaires, et en premier lieu Jean-Luc Mélenchon, avec une vigueur croissante.

Un programme calamiteux.

Il s’agit d’une bataille jamais achevée. le Rassemblement national en a pris pour son grade, mais l’extrême gauche relève la tête maintenant qu’elle a circonvenu le PC, le PS et les Verts, peu soucieux d’avoir vendu leurs convictions pour quelques sièges. Ils sont renforcés dans leur choix par le Conseil d’État qui contraint le ministre de l’Intérieur à nommer la Nupes, coalition des gauche, au moment des résultats et non les scores de chacun des partis qui la composent. Dont acte : la majorité actuelle n’a pas fait de difficultés, elle obéira à la lettre aux souhaits du Conseil. Jean-Luc Mélenchon sera-t-il pour autant nommé à Matignon, ce qu’il clame à cor et à cri ? Rien n’est moins sûr. On le voit déjà s’agiter comme un beau diable dès que sa candidature aura été rejetée par le président. Il sait pourtant qu’il est incompatible avec le chef de l’État, que les deux hommes ne sauraient pas gouverner ensemble, que les révélations dans la presse sur le programme de la France insoumise indiquent un effet calamiteux sur la société française.

La révolution de Mélenchon.

Le choix n’est pas entre gauche et droite mais entre des candidats « raisonnables » et « déraisonnables ». Les premiers, certes, offrent la continuité, la stabilité et le respect ardent de la démocratie, les seconds attribuent les maux de la France à Macron et proposent une forme de révolution. C’est la dernière chose dont la France ait besoin. Elle a besoin d’un plan, de mesures fortes, par exemple pour le pouvoir d’achat, pour le système de santé, pour l’éducation. Mélenchon veut faire payer à Macron des décennies d’incurie. Il se targue d’être celui qui est capable de changer la donne, mais il compte le faire en faisant des victimes dans certaines couches sociales qui sont désignées comme ses boucs émissaires. Qu’importe s’il s’attaque au droit de propriété ! Nous n’avons pas besoin d’une guerre civile. L’expression n’est pas excessive. Nous vivons cette guerre depuis les gilets jaunes. L’abstentionnisme lui-même décrit la haine de l’urne et le plaisir indicible de la revendication permanente, présentée comme l’ultime expression de la liberté individuelle.

Une crise des mentalités.

On ne peut rien construire de durable sur  de telles notions, qui traduisent toutes le goût de l’anarchie, l’arrogance des attitudes, la supériorité revendiquée comme une médaille par les mécontents, les pauvres, les victimes de la mondialisation. Mais nous sommes dans une période d’alerte et de vigilance face aux périls qui s’annoncent. Nous avons une guerre en Ukraine qui a modifié pour des décennies la géopolitique. Nous avons une menace environnementale qui exige d’immenses efforts. Nous avons une crise des mentalités qui permet aux extrêmes de proposer le simplisme comme thérapie de maux inattendus, perçus à la fois comme injustes et anachroniques, et qui, en n’atteignant pas tout le monde, crée des factions toutes ennemies les unes des autres. J’ose penser que cette agitation réclame quelques têtes froides pour nous gouverner.

RICHARD LISCIA

 

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2 réponses à Une vague abstentionniste

  1. Doriel Pebin dit :

    Bonjour et merci pour ces remarques pertinentes. Espérons que le peuple français n’aura pas besoin d’une « bonne cure » de populistes (de gauche ou droite) pour comprendre leur nocivité (à ma connaissance, cela a été le cas dans tous les pays où cela est survenu sans exception). Les Français devraient essayer les Bolsonaro, Podemos et consorts, le chic actuel étant de ne pas aller voter pour protester contre le système (où est la rationalité ?).
    Il est effectivement consternant à l’heure où de nombreux ukrainiens donnent leur vie pour la démocratie (et indirectement pour nous aussi) de voir l’usage fait dans un pays comme le France, ilot de prospérité et de confort quand on se compare à de très nombreux pays mondiaux. Espérons un sursaut de raison, sinon la France aura ce qu’elle mérite comme un enfant gâté. Continuez à nous éclairer lucidement.

    • Dominique S dit :

      Merci Richard Liscia et Doriel Pebin. A part en évoquant le concept « enfants gâtés », je ne vois pas d’explication rationnelle au résultat électoral de dimanche. Abstention, vote pour les extrêmes, l’esprit « gilets jaunes » est donc toujours là. Heureusement que Macron n’est jamais aussi bon que dans la difficulté.

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