Macronie en déroute

Emmanuel et Brigitte ont voté sous la pluie
(Photo AFP)

La défaite d’Ensemble aux élections législatives est sans appel. Avec 245 sièges, elle est très loin de la majorité absolue (289) et la répartition des suffrages ne permet pas de voir avec quel groupe elle pourrait conclure un accord stable pour les cinq ans à venir.

LA VICTOIRE du président Macron aux deux tours de l’élection présidentielle ne permettait pas, objectivement, de prévoir un résultat aussi médiocre aux législatives. De ce point de vue, les sondages, qui annonçaient la déroute d’Ensemble, se sont révélés exacts. Les conquêtes de la Nupes sont impressionnantes : le président de l’Assemblée nationale; Richard Ferrand, a été battu, ainsi que plusieurs ministres , Justine Bénin, candidate à la Guadeloupe, Brigitte Bourguignon, prématurément nommée à la Santé, Amélie de Montchalin, méchamment descendue de son piédestal, tandis qu’Olivier Véran, Gabriel Attal, Olivia Grégoire et Stanislas Guérini sauvaient leur peau.

L’opposition n’a aucune chance de gouverner.

Cependant, personne ne peut contester à Emmanuel Macron sa réélection pour un second mandat et il n’est pas illicite de dire que, si le pays semble ingouvernable pour le président de la République, il le semble encore plus pour l’opposition. La répartition des sièges, pour l’instant, est la suivante : Ensemble 245, premier parti de France ; Nupes 131, RN 89, LR 61, Divers droite 10, Divers gauche 22, Divers Centre 4 et d’autres divers 3.

Ce que la macronie peut encore faire.

La percée de la gauche sous la houlette de Jean-Luc Mélenchon est indéniable. Elle devient le deuxième parti, pour autant qu’elle reste unie, ce qui est loin d’être acquis. La percée du RN est, pour Marine Le Pen, une heureuse surprise. Mais les extrêmes représentent désormais un tiers du pays. Nupes, RN et LR ont vite fait savoir qu’il n’était pas question pour eux de passer un accord de gouvernement avec Ensemble. C’est tant mieux. Les discussions auraient  été interminables et sans résultat. La majorité doit chercher chez les « divers » de quoi soutenir ses projets et, si elle ne réussit pas à le faire, sur le long terme, elle doit accepter  que d’éventuels alliés puissent reprendre leurs billes quand ils le souhaitent.

Macron devra changer.

Il est difficile de croire que Macron va gouverner comme il l’a fait pendant cinq ans. Il est bel et bien contraint de mettre de l’eau dans son vin et de négocier le contenu de ses réformes avant de les soumettre au vote. C’est la leçon qu’il doit tirer d’une communication parfois exécrable et d’une indifférence anormale pour les diverses oppositions. Il n’ira pas très loin avec Nupes et RN et il est préférable qu’il trouve ailleurs des alliés, fussent-ils d’un jour.

La responsabilité du président.

La leçon de ce second round des élections législatives est que tout ce qu’il aurait été possible de faire avec la droite classique et avec la gauche dissidente ne peut plus se produire et que c’est la nature même de la Nupes et du RN de chercher à changer les institutions. La responsabilité de Macron devant ses propres électeurs est donc immense. Toutefois, elle permet aussi l’expression d’une colère, sous une forme institutionnelle ou brimée par les institutions. D’une certaine façon, les gilets jaunes ont trouvé un abri à l’Assemblée, mais ils seront moins dangereux.

Une dissolution de l’Assemblée ?

Le réformisme macronien va en prendre un coup. Le président sait qu’il ne pourra pas accomplir la moitié ni même le quart de ses projets. Il sait qu’il va rencontrer, au cours de ces années qui viennent, des obstacles qui exigeront de lui d’utiliser tous les moyens de pouvoir que lui donne la Constitution. Par exemple, il est difficile de dire si, dans la recherche d’une majorité absolue, il ne va pas trouver, même chez les « divers », des attitudes arrogantes, du genre Macron-bashing, tellement à la mode, et s’il ne devra pas dissoudre l’Assemblée, procéder à des élections anticipées et retrouver de la sorte la majorité absolue qui lui a été refusée.

À l’aise dans l’adversité.

Un tel projet ne peut naître pendant que le chef de l’État affronte de nouvelles contrariétés. Il doit être précédé d’une réflexion et d’une concertation longues et minutieuses. Les Français ont beaucoup voté, ils ont besoin d’un répit. Contrairement à l’analyse qui insiste sur le retour au « régime des partis » et affirme que l’Assemblée prendra une partie du pouvoir exécutif, je crois l’inverse, à savoir que la représentation nationale va vociférer mais ne va pas voter grand-chose.  Il ne faut pas douter de l’habileté de Macron qui, comme j’ai déjà eu l’occasion de le dire, est plus à l’aise dans l’adversité que quand tout va bien.

RICHARD LISCIA

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7 réponses à Macronie en déroute

  1. Dominique S dit :

    Macron réélu avec 58,5%, une défaite? Ensemble, 245 sièges, une défaite? NUPES 137 sièges, une victoire? RN 89 sièges, une victoire? LR 61 sièges, une victoire? Décidément, je ne comprends aux commentaires des journalistes (y compris R.L., au moins pour son titre)! Ce n’est pas parce qu’une victoire est moins nette que la précédente que c’est une défaite. Quant aux trois groupes perdants, ils auront bien sûr un pouvoir de blocage, mais pas de décision. Une seule déception pour moi, le sympathique candidat de mon secteur dont je parlais hier, a finalement été battu par la NUPES.

    Réponse
    La première nécessité, dans l’analyse politique, c’est le réalisme.
    R. L.

    • Dominique S dit :

      A propos de réalisme, je préfère ce titre, aperçu ce matin dans la presse internationale. « Vu de Kiev. La contre-performance de Macron n’inquiète pas (trop) l’Ukraine. Si les adversaires prorusses du président français ont marqué des points dans les urnes, les médias ukrainiens sont rassurés par le fait qu’il restera à la manœuvre en politique étrangère ».

      Réponse
      Je l’espère de toutes mes forces, mais je n’en suis pas sûr. LFI et RN sont deux forces pro-Poutine.Mon blog d’aujourd’hui le dit.
      R. L.

  2. j dit :

    RN : 89 sièges, alors que Mme Le Pen en espérait 15 pour faire un groupe.
    Objectivement, c’est la seule gagnante de ces élections et elle nous fait réfléchir même si ça ne nous plaît pas.

    Réponse
    Réfléchir ? Non, continuer à la combattre !
    R.L.

  3. Jean Vilanova dit :

    Et comme d’habitude, des sondeurs à la ramasse qui, depuis ce matin, nous expliquent que ce ne sont pas eux qui se sont trompés mais les électeurs qui n’ont pas fait ce que l’on attendait d’eux. Ben voyons…
    Ces gens sont partout, sur tous les plateaux. Des journalistes benêts ne cessent de leur donner la parole alors qu’ils ne servent à rien, ou presque.

  4. martin dit :

    Ne boudons pas notre plaisir de constater une proportionnelle qui vient d’être imposée par le suffrage universel aux politicien professionnels.

  5. Jean CAZENAVE dit :

    Si j’ai bien compris la stratégie de l’ancien président Sarkozy, il s’est visiblement détaché des Républicains et discrètement rapproché de Macron pour pouvoir, le moment venu, établir un pont entre LREM et LR.
    Ce moment est venu, et il appartient au président de reconnaitre que le pays penche manifestement à droite (malgré les rodomontades pitoyables de Mélenchon), et de sceller un accord (vraisemblablement tacite mais efficace) avec les Républicains afin d’avancer et de pouvoir gouverner le pays.
    Hors de ce schéma, point de salut ! Sauf à dissoudre … ce qui serait une connerie sans nom !

  6. Doriel Pebin dit :

    Il est clair que la stratégie de la LRM et d’Emmanuel Macron a été mauvaise. Mais, une fois de plus, il faut analyser avec rigueur ces résultats. Le principal résultat marquant est la poussée du RN. Mais un autre grand responsable est Mélenchon et LFI. Beaucoup d’électeurs ont eu peur de la NUPES (en fait surtout de LFI) et voté pour le RN qui du coup faisait moins peur (ce qui me parait injustifié et dangereux). D’autre part, un électeur sur deux s’est abstenu. La NUPES commencent déjà à se disputer. Les Républicains et la NUPES n’ont pensé qu’à critiquer Macron et pas du tout le RN. Donc, soyons un minimum rationnels, ces élections ont été un jeu de dupes à tous points de vue. La meilleure preuve est la surprise absolue de Le Pen. Une fois de plus, la France aura les politiques qu’elle mérite (50 % d’abstention !). Un peu de pudeur SVP.

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