Biden-Trump : la castagne

Joe et Jill Biden
(Photo AFP)

Joe Biden a-t-il seulement une chance de conserver sa fragile majorité à la Chambre et au Sénat ? La réponse est oui, s’il parvient à l’élargir. Pour y parvenir, il a mis en route une stratégie périlleuse mais qu’il considère comme efficace.

L’INFLUENCE de Donald Trump a poussé des dizaines de candidats républicains à la folie : ils ne peuvent pas être élus sans son aval dès lors qu’il a conservé la maîtrise du parti républicain, mais apparaissent comme des candidats hors sol, déboussolés, prêts à ressembler à des clones de leur chef. Biden pense qu’il faut qu’ils deviennent tellement excessifs sous l’effet amplificateur des médias qui leur sont acquis que les électeurs finiront par se détourner d’eux. De sorte que, immense paradoxe, la parti démocrate dépense des fortunes pour que ces excités gagnent aux primaires et chutent lourdement le premier mardi de novembre, jour des élections de mi-mandat.

Candidats nouvelle vague.

Bien entendu, cette stratégie perverse peut se retourner contre lui : Trump est aimé pour ses excès et il n’est pas impossible que l’électorat, dérouté par la « réalité alternative », préfère prendre un risque avec ces candidats républicains nouvelle vague que de voter pour des démocrates raisonnables. En même temps, la persistance d’une forte minorité qui vénère Trump, son cynisme et ses mensonges a produit  un backlash, surtout depuis que la Cour Suprême a donné un feu vert aux États pour qu’ils limitent ou abolissent l’IVG.  Les femmes et les minorités votent démocrate, elles se sentent menacées par un retour éventuel de Trump et elles réclament qu’on satisfasse leurs droits.

Candidat à un second mandat.

Biden est sur un nuage. Il n’a tenu, jusqu’à présent, aucun compte des critiques que ses amis démocrates et notamment les anciens conseillers d’Obama, ont adressées à son plan. Il a même annoncé qu’il était candidat à un second mandat, bien qu’il ait 79 ans, soit trois ans de plus que Donald Trump. Et bien que la fidèle et prudente Kamala Harris, vice-présidente, puisse faire une candidate de choix. Biden, lui, excipe de son bilan, qui n’est pas mauvais, avec un chômage passé de 3,5 % à 3,7 % le mois dernier, une inflation qu’il commence (à peine) à juguler, des salaires en hausse et une prospérité fragile, mais qui ne se démentira pas en novembre.

Le parti des minorités exaspérées.

Les Américains ne peuvent que voter et doivent d’abord savoir ce qu’ils pensent d’une candidature de Joe Biden. Leur inquiétude, née de l’inflation et du réchauffement climatique, rejeté par un camp républicain qui fait métier d’ignorer une dure réalité, risque de desservir les démocrates. De plus en plus, ceux-ci apparaissent comme le parti des minorités exaspérées (femmes, Noirs et Latinos) par le conservatisme de la Cour Suprême.

Le problème, c’est les Blancs.

On constate une prise de conscience : les maux de l’Amérique ne sont pas seulement  l’insécurité et les inégalités, ils résultent de la suprématie blanche, à laquelle Biden et ses amis veulent donner un coup d’arrêt. Il semble évident que la question raciale, en dépit des progrès accomplis par les Noirs et les Latinos, n’a jamais été réglée. Le président veut contribuer à une solution en passant par une réforme générale des institutions et en commençant par la Cour Suprême, dont l’effectif pourrait être élargi pour devenir politiquement plus équilibré.

Les choix américains nous concernent.

L’avenir des États-Unis est aussi un peu le nôtre : Trump au pouvoir, c’est la fin de l’aide à l’Ukraine et le triomphe de Vladimir Poutine. Nous ne donnerons pas cher de l’influence de l’Union européenne si le Congrès trouve une majorité républicaine en 2022 et un président républicain en 2024. Les choix de l’électorat américain ont toujours été vécus par le reste du monde comme une affaire internationale. Mais jamais le monde n’a autant dépendu du combat qui oppose deux vieux boxeurs, l’un mû par l’ambition, l’autre par une avidité maladive de pouvoir.

RICHARD LISCIA 

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2 réponses à Biden-Trump : la castagne

  1. Laurent Liscia dit :

    Biden est un vétéran de la politique. Il commet des erreurs, mais ce ne sont jamais des bourdes : par exemple, livrer l’Afghanistan a son sort fut un projet délibéré. Biden voulait crever l’abcès afghan sans se préoccuper des conséquences en local. De m$eme, son discours d’hier sur l’engeance Trump et son soutien Maga peut paraître étrangement polarisateur, lui qui se dit rassembleur. Mais la stratégie que tu décris a déjà réussi en Alaska, avec la defaite invraisemblable de Sarah Palin ; et la décision Dobbs v. Jackson, qui défait Roe v. Wade et fait de l’avortement un choix des États, souligne l’état de fait : la polarisation est déjà là. Biden veut donc motiver les indécis et les jeunes pour obtenir le même resultat qu’en 2020. Il ne s’en cache pas d’ailleurs. Les mid-terms risquent d’etre beaucoup plus serrés que prevu, et que les Republicains sont très menacés. On peut envisager un Sénat reconduit à 50/50 ou même un léger avantage aux démocrates, ce qui serait un véritable triomphe pour le président, son deuxième miracle; et la possibilité de revenir sur des projets de loi qui ont été mis en miettes non seulement par les Républicains, mais par l’aile centriste du parti démocrate. Quoi qu’il en soit, nous sommes témoins d’un moment historique: la lame de fond démographique remet en question le pouvoir des hommes blancs ; les femmes et les minorités auront forcément un jour le pouvoir qui leur revient de droit, en tout cas en démocratie. En attendant, le serpent fasciste sifflera et mordra. Mais il appartient bel et bien à un passé dont nous devons nous défaire une fois pour toutes. Ca n’est que justice.

  2. Françoise PENE dit :

    Les femmes ne sont pas une minorité.

    Réponse
    Bien sûr que si : elles sont mises en minorité, encore maintenant.
    R. L.

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