L’obsession 2027

Rupture
(Photo AFP)

Président du MoDem centriste, François Bayrou a fait voler en éclats la coalition soutenant Emmanuel Macron. Motif : il exige une concertation approfondie avec tous les corps constitués, y compris les syndicats et les partis d’opposition hostiles à la réforme des retraites.

LE POIDS de M. Bayrou est incontestable. Si les voix qu’il représente passent soudainement à l’opposition, c’en sera fini de la majorité relative. Depuis 2017, il a été le pilier de la majorité, il a accepté d’avaler un  nombre considérable de couleuvres, notamment la mise à l’écart, dictée par une affaire d’emplois fictifs, qui lui a fait perdre le ministère régalien de la Justice. Il n’en a pas moins servi la cause de Macron avec un enthousiasme sans réserves, en pensant peut-être qu’au terme d’une longue marche il serait récompensé pour ses efforts.

Une parenthèse historique.

Le résultat des élections législatives de 2022 lui a fait pousser des ailes. Il s’est vu comme un des leaders indispensables de la macronie. Il a constaté que l’opinion et la classe politique ne voyaient plus le second mandat de Macron que comme une parenthèse historique. Il a remarqué que les candidats non déclarés à la présidence de la république étaient nombreux et pouvaient exciper d’états de service, comme Édouard Philippe, Bruno Le Maire et Gérald Darmanin, sans compter ceux qui, dans l’opposition nourrissent des ambitions comparables.

Un pied dans chaque camp.

Mais au moins ces courants feutrés, à peine exprimés dans les coulisses, avaient-ils la qualité de la discrétion. Là, nous voilà avec une crise de la macronie, celle qui concerne le sort immédiat du président, qui ne veut pas être une parenthèse et tente de laisser une trace dans l’histoire en poursuivant des réformes qui terrifient littéralement l’opinion française. François Bayrou, en dépit de ses démêlés avec la justice, n’est pas celui qui a le plus démérité. Il apporte au débat public une logique, une clarté, des exigences éthiques qui l’honorent. Mais lui qui défendait son camp avec vigueur se retrouve aujourd’hui avec un pied dans la majorité et un autre dans l’opposition.

L’éthique sacrifiée à l’ambition.

On est bien obligé d’en tirer la leçon : le loyaliste numéro un de la macronie est devenu un traître ; il s’est rallié à la meute des prétendants qui réclament la peau de Macron avant l’heure, avec l’espoir qu’une crise profonde l’élimine et leur offre enfin cette chance rare de se porter candidats à la présidence de la République. Il a sacrifié l’éthique à l’ambition, la stabilité à la crise, l’amitié au combat politique.

Concertation.

Emmanuel Macron n’est pas de ceux qui expriment leurs sentiments sur la place publique. Pour le moment, il ne dit rien. Ses lieutenants démontrent que rien ne sera fait hors de la concertation, que les syndicats et l’opposition seront consultés, même s’ils savent déjà que pour ceux-là, ce sera non à la réforme des retraites, condition sine qua non du redressement financier du pays. Les macronistes continuent à dire qu’il y aura un débat au Parlement sur la réforme des retraites et que c’est en cas de refus généralisé que le président sortira son 49/3, article de la Constitution, qui permet d’adopter une loi sans vote.

LR ne sait qu’hésiter.

C’est écrit. Les positions de tous sont connues. Les Républicains hésitent encore parce que, pour le moment, ils ne savent qu’hésiter. Et la soudaine volte-face du MoDem confirme que, pour Macron, il n’y aura pas de salut en dehors du recours au 49/3, avec, au préalable, un amendement rattaché à la Loi de financement de la sécurité sociale. Rien ne dit d’ailleurs que M. Bayrou ne va pas changer d’avis, après avoir attiré les projecteurs des médias sur sa personne, lui qu’on oubliait au profit des anciens personnages de la droite actuellement en train de gouverner, ou d’Édouard Philippe.

Électoralisme tout-puissant. 

Malheureusement pour Macron, cette crise ouverte dans une crise plus large ressemble à un séisme. Elle l’affaiblit un peu plus et compromet son action. Tous les épisodes qui ont jalonné sa campagne pour la réforme confirment son isolement. L’usage du 49/3 n’est rien d’autre que l’arme ultime d’un président seul. La vie politique s’est transformée en une série de paradoxes, ceux créés par l’absence de majorité absolue mais aussi ceux que produisent des ambitions personnelles tout à fait prématurées. Nous sommes victimes d’un électoralisme tout-puissant. Le calendrier électoral façonne les partis et les credo. Le sens de l’avenir s’exprime au détriment du présent. L’intérêt général cède à cette imagination politique sans limites, celle qui multiplie tellement les cas de figure que, de toute évidence, il va se passer autre chose.

RICHARD LISCIA

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3 réponses à L’obsession 2027

  1. Dominique S dit :

    Vous avez parfaitement compris la motivation principale de François Bayrou « Attirer les projecteurs des médias sur sa personne » Je l’ai souvent soutenu, mais cette fois il pousse le bouchon un peu loin.

  2. Laurent Liscia dit :

    La réforme n’en demeure pas moins nécessaire.

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