L’Italie bascule

Giorgia Meloni hier
(Photo AFP)

L’extrême droite, associée à la droite, a remporté les élections en Italie. Ce résultat, inscrit dans les enquêtes d’opinion, était attendu. Il n’en représente pas moins un changement historique de première grandeur qui fait de l’Italie, membre fondateur de la Communauté économique européenne, puis de l’Union, le nouveau canard boiteux du continent. 

GIORGIA MELONI et ses Fratelli d’Italia pourraient obtenir jusqu’à 26 % des suffrages, ce qui lui permet, avec le concours de la Ligue (Matteo Salvini), de 8 à 12 %, et de Forza Italia, droite (Silvio Berlusconi), entre 6 et 8 %, d’envisager de gouverner avec la majorité absolue, tandis que le parti démocrate (PD) ne recueille que 17 à 21 % et le Mouvement Cinq étoiles ne dépasserait pas les 17 %.

Deux crocodiles sans foi ni loi.

Premier constat : le recul de la gauche et l’effritement de Cinq étoiles. Deuxième constat : la percée de Fratelli d’Italia qui est une mouvance authentiquement post-fasciste à côté de laquelle Berlusconi ne fera que de la figuration. Troisième constat : la coalition qui va s’emparer du pouvoir va trouver rapidement de bonnes raisons de se fragmenter et il se pourrait bien que Mme Meloni, en dépit du poids remarquable de son parti, se retrouve sans les  soutiens des deux crocodiles sans foi ni loi que sont Salvini et Berlusconi.

Une majorité des deux-tiers ?

Mme Meloni n’est pas une révolutionnaire. Elle ne s’attaquera ni aux institutions européennes car elle n’est pas en position de le faire avec une dette de 150 % du PIB et un plan de soutien économique européen de 200 milliards d’euros dont l’Italie n’a absorbé qu’un tiers. Elle ne restreindra pas non plus l’accès à avortement. Ce qu’elle veut, c’est parvenir aujourd’hui à une majorité des deux tiers qui lui permettrait de changer les institutions italiennes. On saura très vite si elle a gagné ce pari aussi. Mais, même avec une majorité absolue, elle ne va pas changer  le pays en profondeur. Idéologiquement, c’est la plus pure des post-fascistes. Pratiquement, c’est la moins préparée à transformer ses propos de tréteaux en nouvelles lois liberticides.

Une question de machisme.

Enfin, Mme Meloni est une femme considérée comme telle par ses partenaires, Salvini et Berlusconi. On a vu les deux hommes sur les tribunes de meeting la traiter avec un peu de condescendance, comme s’ils l’avaient fabriquée eux-mêmes, ce qui n’est pas le cas et comme s’ils ne lui accordaient pas l’autorité naturelle à laquelle elle serait en droit d’aspirer. Pour eux, c’est la bonne élève qui a réussi.  Dotée d’un caractère énergique, elle ne se laissera pas faire. Mais si vous regardez dans le passé des deux hommes, vous verrez qu’ils n’ont jamais été sincères. Il y a donc dans la coalition de quoi la faire exploser.

Le peuple s’est pris au sérieux.

Aucune de ces réserves ne diminue la gravité de la situation en Italie et en Europe. L’Italie n’est ni la Hongrie ni la Pologne. C’est un pays de civilisation, de culture, doté d’un capital artistique phénoménal. Les Italiens se sont vengés de la classe politique qui, après la chute de la démocratie-chrétienne et du communisme, a mis en selle des personnels de qualité, plus souvent empruntés à l’Université qu’aux partis politiques. Mais ces Italiens dont on dit qu’ils ressemblent à des Français toujours en train de gémir mais qui, eux, au moins, s’amusent, ont sanctionné à la fois la droite et la gauche en vouant aux gémonies les experts économiques qui ont fait figure de Premiers ministres, comme Mario Draghi.  Cette fois, le peuple s’est pris au sérieux.

La gauche n’est pas morte.

On ne saurait prendre à la légère ce qui se passe aujourd’hui dans la Péninsule, surtout si on est français. On doit le regretter mais penser surtout à l’avenir pas si lointain, les Italiens nous ayant appris, au delà de leurs caprices, qu’ils peuvent changer de tendance comme de chemise. Même une majorité absolue doit compter avec l’opposition. Il y a à gauche des hommes comme Enrico Letta, ancien Premier ministre (parti démocrate) capables de démontrer à la foule que ce 26 septembre, elle a fait fausse route. Mais on croira davantage à une désunion interne de l’extrême droite qu’à un soudain élan de la gauche.

Deux boulets.

Car à droite, il y a pléthore. Mme Meloni a beaucoup de mérite d’être arrivée en tête des suffrages, son élection n’en traduit pas moins un coup de colère populaire qui ne s’inscrira dans l’histoire que si elle accomplit un travail positif. Or ses deux alliés sont aussi ses deux boulets, ce qui fait beaucoup dans une conjoncture extrêmement maussade.  L’extrême droite n’est pas une option quand le climat se détériore et quand la dictature la plus épouvantable envahit l’Ukraine. Pour combattre certains fléaux, il faut trouver des femmes ou des hommes nouveaux qui ne charrient pas les idées du passé.

RICHARD LISCIA

 

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Une réponse à L’Italie bascule

  1. Vultaggio-Lucas dit :

    Si l’Italie n’est ni la Pologne ni la Hongrie car elle serait: « … un pays de civilisation, de culture, doté d’un capital artistique phénoménal. » Pourtant, les dirigeants de la Pologne et de la Hongrie font les yeux doux à « la Meloni ». Mais, quid de la Suède? Trop peu d’écart de voix entre sa vieille gauche et sa nouvelle droite qui fricote avec son extrême ?

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