Macron annonce la couleur

Macron avec Borne
(Photo AFP)

Le président de la République a fait des concessions : il y aura bel et bien une vaste concertation avec les partis d’opposition et les syndicats avant l’adoption d’une réforme des retraites, par un vote de l’Assemblée, par le recours sans vote à l’Assemblée grâce à l’article 49/3 de la Constitution ou encore par une dissolution de l’Assemblée consécutive à une motion de censure.

C’EST  UNE STRATÉGIE dangereuse : d’aucuns rappellent que Jacques Chirac, quand il a dissous l’Assemblée à la fin du siècle dernier, a été contraint de cohabiter pendant cinq ans avec la gauche en une période de croissance qui a favorisé les projets socialistes. Souvenez-vous : Édouard Balladur répétait que « M. Jospin a(vait) beaucoup de chance ». Emmanuel Macron n’est nullement assuré de trouver une majorité et n’aurait plus alors que le choix entre la cohabitation et la démission.

Chef des députés LR, Olivier Marleix estime que, s’il y a dissolution, il ne restera plus beaucoup de députés à Renaissance. On ne fait pas une réforme, a-t-il déclaré, sans « une vision, une volonté, une méthode et un respect. Pour l’instant, il manque de tout ». Mais pas de volonté. M. Marleix est sans doute marqué par l’expérience de Chirac. L’Histoire bégaie peut-être mais là, nous en sommes à la politique fiction et les événements peuvent se dérouler dans un sens plus utile à la macronie.

Sa trace dans l’histoire.

Le chef de l’État a donc décidé de gagner du temps, ce qui lui donne au moins une chance d’amadouer la droite classique, de ne pas renoncer à une mesure d’âge, celle qui met debout tout le peuple et les corps constitués et d’adopter la réforme, c’est-à-dire la trace qu’il veut laisser dans l’Histoire. Ajoutons que, même si l’hostilité immuable de la CFDT, syndicat réformateur à la mesure d’âge, interpelle les consciences, nous sommes de ceux qui estiment que si nous n’augmentons pas la production, nous ne parviendrons pas à financer les retraites.

Vanité, mais courage.

De sorte que la « concertation », pour autant qu’elle ait lieu, sera elle aussi décriée par LFI et le RN, pour qui si l’objectif (la prolongation des carrières) reste intangible, la réforme n’apportera pas les dividendes que M. Macron en attend. On peut objecter que le monde se fiche de la stature personnelle du président de la République et que ce n’est pas le sujet. Sauf qu’il n’hésite pas à mettre la tête sur le billot. S’il y a de la vanité chez cet homme, il y a encore plus de courage.

Macron comprend Bayrou.

Soulignons en tout cas le fait que le président a sauvé pour le moment l’unité de Renaissance, son parti, et sa cohérence avec le MoDem qui, sous la houlette de François Bayrou, flirte avec l’opposition sans encourir les foudres du chef de l’État. Macron a plutôt considéré que M. Bayrou défendait des positions de principes, souhaitait éviter une crise sociale de première grandeur et empêcherait la ligne de M. Macron d’être considérée comme une provocation. C’est un autre des traits de caractère d’Emmanuel Macron : il comprend la position de M. Bayrou et ne croit pas un instant qu’il hurle avec les loups.

Le réformateur réformé.

Dans sa furia toute française,  apparaissent donc des éléments de prudence plutôt rassurants. On ne peut pas, comme le fait Laurent Berger, chef de la CFDT, se dire réformateur et hostile à la mesure d’âge. Le débat a déjà eu lieu et va encore avoir lieu. Il a modifié en profondeur le contenu de la réforme, puisqu’il ne s’agit plus de créer la retraite à points, que les cotisants continueront à payer pour les pensionnés, que les emplois de seniors seront protégés et que les années de cotisations seront prises en compte. Le réformateur s’est réformé lui-même.

Deux plus deux égalent quatre.

Il est surprenant, pour ne pas dire scandaleux, qu’un président doive renoncer à des mesures utiles parce que les leaders d’opinion ont mis dans la tête des Français une hostilité tenace qui vaut à Macron son impopularité. Il est encore plus surprenant que les concessions importantes qu’il a faites n’aient pas amélioré la qualité du dialogue social. Il est absurde que la France soit devenue, durablement, incapable de faire des additions et ne comprenne pas que la réforme, c’est l’assurance que les pensions seront versées car elle aura renforcé le système.

Les extrêmes veulent se débarrasser de Macron.

On connaît l’agenda des partis extrémistes : ce n’est pas la mesure d’âge qui les rend fous, c’est l’espoir de renverser Macron avant la fin de son second mandat. Jusqu’au début de l’an prochain, ils s’égosilleront jour et nuit contre un projet qui appartient à l’intérêt général et qu’ils démoliront avec d’autant plus d’ardeur qu’ils se voient déjà aux marches du pouvoir. De même que le président entend seulement satisfaire les multiples oppositions, pour ramener un peu d’ordre dans le foyer national, de même LFI et le RN nourrissent l’espoir d’évincer M. Macron de l’Élysée. Leur projet semble inaccessible et démesuré. Pas moins que celui de réformer le système de retraites.

RICHARD LISCIA

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Une réponse à Macron annonce la couleur

  1. doriel pebin dit :

    Bonjour. Bonne analyse et une fois de plus, une illustration de la duplicité des partis radicaux type LFI et RN, et de la médiocrité des LR et du PS. La réalité démographique est incontournable avec plus de seniors (en relative bonne santé) pendant les prochaines décennies et … moins d’actifs. Rappelons qu’en 1968, l’espérance de vie n’était que de 70 ans ! La démographie médicale actuelle montre ce mur de la réalité.
    Par ailleurs, on peut être moins pessimiste. L’enquête du journal Le Monde d’hier montre que la population « contestataire » ne représente qu’un quart en ajoutant LFI et RN qui s’oppose sur tout, sauf… leur haine de Macron et le pouvoir d’achat. Donc, imposture si, par hasard et malheur, l’un ou l’autre arrivait au pouvoir !

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