Carburants : l’enlisement

Une si longue attente
(Photo AFP)

La réquisition annoncée par le gouvernement a eu pour effet immédiat de durcir les grévistes. Le nombre de stations insuffisamment approvisionnées ou dépourvues de ravitaillement ne cesse d’augmenter sans qu’aucun perspective de négociation ne soit visible.

C’ÉTAIT ÉCRIT : même l’accord entre syndicats et Exxo est resté lettre morte. Un nouveau dépôt, celui de Donges,  ne livre plus. Ce matin, l’affrontement entre grévistes et policiers ou gendarmes a commencé. La « crise de l’essence », comme on pourrait la nommer, se prolonge dans un climat politique général extrêmement tendu, notamment à l’Assemblée nationale, où se multiplient les attaques contre les ministres, souvent infondées, parfois d’une brutalité extrême, et toutes inutiles dès lors qu’elles retardent les votes.

La méthode forte.

Y avait-il une alternative à la réquisition, qui n’est pas illégale comme le disent les grévistes, mais qui est à la grève ce que le 49/3 est au droite de vote ? Bien sûr. Il s’agit de préparer un retour à la normale en acceptant au moins une partie des exigences, toujours excessives, de la CGT. Certes, il n’appartient pas au gouvernement de parlementer avec les syndicats, mais son poids chez Total est suffisant pour que son P-DG se dépêche de faire de nouvelles propositions. Emmanuel Macron est convaincu que les discussions avec les syndicats appartiennent à une autre époque, la CGT se nourrit de la nostalgie d’un monde social qu’elle tente désespérément de réanimer.

Tous pris au piège.

C’est le public qui est pris au piège. On fait la queue trois heures pour se voir doubler par des voyous venus avec leur voiture et des bidons vides. On pouvait voir hier des vidéos où des policiers ne parvenaient pas à intimider des gens remplissant leurs récipients. C’est une crise propre à déclencher la panique, parce que trop de nos concitoyens sont drogués à l’essence et peu s’encombrent de scrupules. Du coup, la consommation de carburants a explosé ; il a fallu en importer de quelques pays voisins en les payant plus cher. L’exécutif n’avait prévu ni la grève ni ses conséquences, voilà que le blocage est double : à la pompe et dans les têtes.

Les fans de l’essence.

Il s’agit aussi d’un fiasco environnemental : tout se passe comme si les carburants pour voiture étaient plus utiles à notre survie que l’oxygène. La crise elle-même est une transition énergétique qui va dans le sens opposé à celui que l’on souhaite. Ce ne sont pas les fanatiques de la course à l’essence qui deviendront demain les partisans de la dépollution de la planète. Les déclarations des clients malheureux montrent que pratiquement toute la structure de l’économie repose sur l’accès facile à l’essence. Et que loin de commencer à nous débarrasser de ce syndrome, nous en sommes, collectivement, tout à fait dépendants.

Un orage parfait.

C’est pourquoi la CGT tient la cause dont elle a besoin depuis longtemps pour créer le désordre. C’est encore mieux qu’une longue grève des transports en commun, mieux qu’une revendication salariale fondée sur la diminution du pouvoir d’achat par l’inflation. C’est un orage parfait, comme on dit outre-Atlantique, et qui laisser des dégâts considérables dans l’économie nationale. On n’en avait pas besoin. À l’Assemblée, l’adoption du budget de l’année prochaine donne lieu à une bagarre sans fin entre la majorité et les oppositions, et le blocage des dépôts de carburants ne favorise pas l’adoption par le vote.

Gouverner, c’est prévoir, disait Mendès-France. Le reproche est adressé au gouvernement, mais la droite et l’extrême droite qui lui demandent plus de fermeté seraient bien ennuyés si elles avaient aujourd’hui le pouvoir, qu’il est bien plus facile de critiquer que d’exercer. Une réquisition illégale, crient les grévistes. Une grève illégale, clame l’exécutif. Ce qui se perd dans l’affaire, comme dans tant d’autres, c’est le respect. Celui des autres, celui des concitoyens que l’on prend ainsi en otages. Celui des lois et celui de la démocratie.

RICHARD LISCIA

 

 

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Une réponse à Carburants : l’enlisement

  1. VISSEAUX dit :

    Hélas, oui. Drogués à l’essence non, mais pourquoi le prix des voitures électriques est plus cher que celui des voitures à essence avec deux fois moins d’autonomie ? Si on veut inciter les gens à acheter des automobiles électriques, il faut baisser les coûts et non maximiser la marge des constructeurs.

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