Un clash franco-italien

Avant de monter à bord de l’Ocean Viking
(Photo AFP)

L’affaire de l’Ocean Viking, ce navire affrété pour aller au secours des migrants en détresse, offre un exemple vivant de ce que vont devenir les relations entre l’Italie et l’Union européenne. Le nouveau gouvernement italien, celui de la post-fasciste Giorgia Meloni, est bien obligé de se conformer à ses promesses électorales, de sorte que Mme Meloni n’a pas eu un mot pour les 234 migrants à bord et que, de guerre lasse, le gouvernement français a laissé le navire accoster à Toulon.

IL LE FAIT « à titre exceptionnel et pour des raisons humanitaires », mais personne n’est dupe. Tout le monde sait que ces incidents liés à l’émigration se répètent tous les jours. L’Europe a ainsi eu un échantillon de la politique italienne quand elle est aux mains de l’extrême-droite, ce qui pose le problème de sa place au sein de l’UE. C’est d’ailleurs la première fois que le ministre de l’Intérieur, Gérald Darmanin, cède devant plus revêche que lui.  Mais c’est pour la bonne cause.

Un vieux sujet.

On comprend en tout cas que l’immigration est considérée comme une affaire très sérieuse par les nouvelles autorités italiennes. Il est donc impératif que les pays européens renégocient les règles régissant l’immigration. L’incident n’est qu’emblématique. Il s’agit de 234 migrants qui, au demeurant, vont être répartis dans plusieurs pays européens. Mais le durcissement des autorités italiennes pose un sérieux problème pour les épisodes à venir.

Le sujet n’est pas neuf : les Européens ont toujours laissé l’Italie se débrouiller avec l’émigration clandestine et le nationalisme de Mme Meloni n’a fait qu’accentuer les rancœurs italiennes, notamment contre la France, prompte à refiler à la péninsule un « trop-plein » de migrants. L’arrivée au pouvoir de l’extrême-droite italienne n’arrange pas les choses, mais le clash se serait produit avec un autre gouvernement. C’est le problème de la poule et l’œuf : sont-ce les migrants qui font naître en Europe des pouvoirs populistes, ou le populisme qui ralentit la résolution des problèmes liés à l’immigration ?

L’Italie, première victime.

Il y a des deux, mais rien qui ne pourrait régler la question et produire un nouvel accord de l’UE remplaçant celui de Dublin. Il était évident qu’en renvoyant les migrants vers le pays où ils ont posé le pied sur le sol européen (accord de Dublin), on faisait de l’Italie et de la Grèce les victimes toutes désignées d’un phénomène planétaire. On ne peut donc pas reprocher à l’Italie de se révolter face à une crise dont elle est la première victime. La notion de répartition des migrants entre plusieurs États européens apparaît comme une solution plutôt juste.

Un « chantage » humanitaire.

En d’autres termes, le gouvernement actuel de l’Italie n’est pas, et de loin, le seul facteur des tensions franco-italiennes. C’est bel et bien avec Mme Meloni que la France doit trouver un accord. On aura remarqué que les ONG font leur travail d’assistance à migrants en détresse indépendamment des gouvernements et que, lorsqu’elles prennent à leur bord des hommes et des femmes menacés de mort, elles se livrent à une sorte de chantage humanitaire. Cet aller-retour entre la compassion des ONG et la peur des gouvernements suffit à démontrer que la méthodologie des secours doit faire l’objet d’un protocole strict qui n’existe toujours pas au bout de décennies de migrations.

Le désordre de nos égoïsmes.

Les migrants ne doivent pas dépendre de ce jeu politique et hypocrite. Certes, ils exercent une pression sur les États en leur confiant le dilemme. Mais il n’y a pas de démocratie sans vision humaniste. Bien sûr, si les pays riches n’accueillaient jamais un seul migrant clandestin, la source de l’immigration finirait par se tarir. Mais l’Union européenne n’a pas été créée pour se livrer à un tel déni de justice. Elle a la responsabilité ultime du sort de malheureux qui comptent, et à raison, sur la charité de leurs congénères plus fortunés. Le désordre de nos égoïsmes cumulés n’offre pas au monde le plus doux des spectacles.

RICHARD LISCIA

 

 

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Une réponse à Un clash franco-italien

  1. Doriel Pebin dit :

    Bonjour, réflexions pertinentes. On s’écharpe pour 263 migrants ! Mais, avec la crise climatique, plus de 600 millions sont prévisibles IL serait temps de réfléchir globalement au niveau européen et non en fonction des égoïsmes nationaux et populistes de quelques-uns.

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