Un peuple rétif

Macron : tares et vertus
(Photo AFP)

Le peuple français est le plus rétif (et même indomptable) du monde. Il y a beaucoup de failles dans la gouvernance actuelle, mais serait-elle impeccable que, par le jeu des individualismes, elle ressemblerait au cowboy de rodéo.

JE N’ÉCRIS pas ces quelques lignes pour dénoncer les comportements de nos gouvernants ou des gouvernés mais un peu pour décrire un tableau peint et repeint cent fois pour rester identique à lui-même. C’est probablement ce que nous a apporté la révolution de 1789. Nous avions peut-être besoin de prendre la Bastille, mais sûrement pas de décapiter le roi et la reine. La décapitation, dans ses formes moins sanglantes, par exemple au moyen de la simple éviction, est au fond ce qui intéresse les Français et ceux à qui ils ont accordé leurs voix, parfois chichement.

Pays tropical.

Mais à part les hommes et les femmes qui nous dirigent, qu’est-ce qui peut changer ? Nous aurons, comme par le passé, des épisodes pénibles, comme nous avons eu la pandémie, la guerre, l’inflation et surtout le réchauffement climatique, qui est en train de transformer la France, au climat dit tempéré, en pays tropical. Mais cela ne dit rien sur l’identité et les convictions de ceux qui nous gouvernent ou aspirent à gouverner. Toute gouvernance est corsetée par des contraintes internationales et, bien plus encore, par nos idiosyncrasies. Si encore nous n’avions qu’une ! Mais il en existe autant que de citoyens français.

Dialogue de sourds.

Je n’évoque ni les guerres verbales de l’Assemblée nationale, ni les débordements incessants des réseaux sociaux et des programmes de télévision, qui poussent le scandale au nom de l’Audimat, mais de tous ces élus qui croient non sans naïveté que, le programme étant fixé, il ne reste plus qu’à l’appliquer. Dans le dialogue de sourds entre les diverses tendances qui animent ce pays et surtout son peuple, il est curieux que les détenteurs d’une martingale infaillible n’entendent pas les objections de leurs adversaires et que ceux-ci restent fermés à tout compromis.

Danse du ventre.

Or on se souvient que la démocratie ne marche que quand un parti bouge en direction d’un autre. Nous ne sommes pas les seuls à être frappés de paralysie. Le Congrès américain est le parfait exemple de l’immobilisme. Les derniers élus qui traversaient l’allée séparant la gauche de la droite sont tous morts, comme le sénateur John McCain, expert de la négociation déambulatoire, resté sans successeur.  Il ne reste que des braillards chez les républicains, de sorte que quoi qu’en dise un Biden dégoûté, les démocrates n’ont même pas envie de faire la danse du ventre pour le GOP (Grand Old Party).

Une véhémence négative.

Cependant, de ressembler à toutes les démocraties n’est qu’une piètre consolation pour les Français, qui aspirent depuis toujours à montrer la voie aux autres, mais sont saisis par une véhémence qui abîme leur réputation. Nous n’avons pas les parlementaires les mieux inspirés et nous risquons, si une liste est établie, de figurer parmi les derniers. Ce n’est pas cette distinction qui nous donne des ailes. Nous sommes plus prompts à célébrer celles de nos victoires que nous n’espérions pas qu’à examiner les raisons de nos échecs. Nous ne nous améliorons pas, ce qui, dans un monde mal en point, ne se remarque guère. La vie politique n’est pas un concours de beauté, ce qui, d’ailleurs, est regrettable.

Une contribution personnelle.

Quand nous aurons dit que les prix sont trop élevés, que notre politique nucléaire relève du délire, que nous sommes trop endettés, que les inégalités en France demeurent criantes, que le système de santé craque de toutes parts, nous aurons exigé du pouvoir qu’il soigne les difformités nationales. Reste à savoir si, individuellement, chacun dans son coin, nous ne pouvons pas apporter une contribution, par exemple, prôner le dialogue quand le débat part en quenouille. Remarquons au passage que, la plupart du temps, nous sommes contents d’aboyer avec notre meute. Nous sommes tous des experts de la dénonciation. Je lis attentivement les journaux et je n’en vois pas un seul qui, en exposant un sujet, ne dit pas tout le mal qu’il pense du camp adverse et tout le bien de son propre camp.

Événements imprévisibles.

Après quoi, il sera toujours temps de rappeler que nous sommes dans un pays où la presse est libre, jusqu’à l’aveuglement, qui est souvent répétitif. Ouvrez un hebdo chaque semaine, et vous y lirez invariablement la même chose. Toutefois, une pandémie ne résulte jamais de l’erreur d’un gouvernement ; l’inflation est le phénomène secondaire, mais indésirable, d’une croissance inattendue ; et nous sommes dans un monde où, comme vous le savez, il suffit d’un homme possédant des armes ultra-dangereuses pour déclencher une guerre. M. Macron a bien des vices mais aussi quelques vertus. On n’est pas obligé de l’encenser mais pas non plus de le décapiter.

RICHARD LISCIA

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2 réponses à Un peuple rétif

  1. Jean Vilanova dit :

    C’est un individualisme de plus en plus forcené et le rejet acharné de l’intelligence qui minent notre pays et mettent en danger la démocratie. Nous n’en sommes plus, c’est en tout cas mon humble avis, aux multiples convulsions qui ont façonné notre histoire, depuis les jacqueries jusqu’à disons, mai 68. Au moins, avaient-elles une colonne vertébrale.
    Aujourd’hui, à tous les niveaux de la société et jusqu’au triste spectacle donné par nos députés, chacun criaille méchamment dans son coin et plus personne… » ne lâche rien ! ». « Rien », c’est le mot juste, en effet, le vide, un nihilisme de bazar…
    On n’éduque plus, on ne lit plus. On a perdu le sens de la mesure, de l’écoute, de la confrontation respectueuse de l’autre.
    Et les médias entretiennent ce climat odieux. Je n’en peux plus des journaux télévisés où, parmi de multiples autres sujets traités de façon tout aussi lamentable, un journaliste benêt se contente de tendre son micro au péquin, sur la plage qui se réjouit de pouvoir se baigner, avec ses gosses fin octobre alors qu’il devrait, au contraire, se montrer très inquiet, pour l’avenir de ses gosses justement. Il faudrait peut-être lui expliquer à ce nigaud. Mais à nigaud, nigaud et demi !
    Ne pourrait-on faire preuve de pédagogie, expliquer de façon claire, sans effets inutiles les mécanismes, les phénomènes, les enjeux auxquels nous sommes confrontés ? C’est trop demander désormais, et c’est tellement fatiguant de se poser des questions… Et puis on n’a pas le temps, il y a le prochain match de foot à regarder !
    Notre pays, celui de Victor Hugo dont la poésie me faisait frissonner, d’Albert Camus qui a illuminé ma jeunesse et qui m’accompagne encore aujourd’hui alors que, depuis longtemps, mes cheveux sont blancs, celui de Chateaubriand et du général De Gaulle et de tant d’autres se vautre dans la vulgarité, « le tumulte et le fracas » si chers à l’un de nos conducators aux petits pieds. C’est tellement triste mais d’aucuns diront peut-être que je suis trop vieux, « in late », pas du tout « geek ».
    Pour autant, je ne puis m’empêcher de me poser une simple question : comment diriger aujourd’hui une telle pétaudière ?

  2. nguyen dit :

    L’éducation civique dès l’école primaire, autrefois enseignée, aurait facilité le bon comportement social des générations.
    Lorsqu’un pays se trouve en difficulté socio-éconmique, il devrait pouvoir compter sur son peuple, et sur son adhesion aux efforts nécessaires.

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