Une guerre longue

Poutine, ou la politique du bord de l’abîme
(Photo AFP)

Les Ukrainiens semblent essuyer un revers non négligeable à Bakhmout, à l’Est, mais progressent encore vers la Crimée après avoir reconquis la ville-clé de Kherson.

INTOXIQUÉS par le mensonge, les Russes vont faire de la prise de Bakhmout un acte décisif alors que la ville n’a pas vraiment d’importance stratégique. Cependant, dans un tableau clairement favorable aux Ukrainiens, la chute de Bakhmout aurait, aux yeux des Russes, une valeur élevée sur le plan de la communication. On souhaiterait que cette fausse victoire calme quelque peu l’ardeur destructrice de Vladimir Poutine, conforté par l’évacution des vingt mille hommes de troupe qui risquaient d’être faits prisonniers dans la poche de Kherson et se sont regroupés sur la rive orientale du Dniepr.

Des belligérants épuisés.

La durée de la guerre a sans nul doute épuisé les deux belligérants, l’un et l’autre surpris par l’évolution des combats, favorable à Kiev. La bataille de Bakhmout est un petit Stalingrad et aura coûté un nombre élevé d’hommes mis hors de combat dans les deux camps. La différence est dans le moral des Ukrainiens, décidés à reprendre la Crimée et celui, très bas, des soldats russes, mobilisés il y a peu, souvent prêts à déserter et tentant de survivre à une bataille de positions particulièrement  meurtrière. On dit que les Russes font une guerre désuète du vingtième siècle, ils font en réalité celle de 1914-18.

Œil pour œil, dent pour dent.

La donne a quelque peu changé depuis que Poutine a décidé de bombarder les infrastructures ukrainiennes en leur envoyant chaque jour une salve de missiles destinée à tuer des civils et à les priver d’eau et d’électricité. Il s’y entend très bien pour semer la misère et la mort, mais il n’a pas réduit d’un iota le moral ukrainien. Pour sa part, Volodomyr Zelensky a décidé d’appliquer la loi du talion et il fait bombarder le territoire russe pour que les civils du camp ennemi goûtent un peu des souffrances incommensurables que Poutine inflige à ses ennemis. C’est une danse de la mort qui se déroule sous nos yeux depuis près de dix mois.

La monnaie de sa pièce.

La cruauté du Kremlin a atteint ce point maximal où aucune des règles qui régissent les guerres n’est respectée. De sorte que les forces ukrainiennes s’attaquent maintenant au territoire russe sans crainte des représailles. C’est délibérément que Poutine s’en prend aux civils et il ne fait aujourd’hui que recevoir la monnaie de sa pièce. Le risque d’une déflagration qui atteindrait l’ensemble de l’Europe centrale et occidentale n’est pas plus grand qu’avant le 24 février, date du début des hostilités. Il s’agit un match au finish qui ne peut se conclure que par les victoire des uns et la défaite des autres.

Moscou a déjà perdu.

À quoi s’ajoute une paralysie diplomatique qui interdit toute perspective de négociation. La défaite oblige un Poutine caractériel à généraliser l’incendie, la détermination de Zelensky l’empêche de songer à un accord de paix. Toutefois, quelle que soit l’issue des combats, Moscou a déjà  perdu la guerre sur le plan politique : son acharnement contre un peuple décharné est dénoncé par l’ensemble de la « communauté » internationale ; il doit défendre sa stratégie quand il s’adresse aux « mères » de soldats qui réclament la paix ; il craint que soit fomenté un complot dans son entourage et il n’a que des soutiens de circonstance qu’il perdra en même temps que la guerre.

Un plan mis en échec.

Sa paranoïa se nourrit de ses échecs. Sa cruauté nous renvoie à l’hitlérisme. Encore peu affectée par cette guerre impitoyable, la Russie donne des signes de désordre inquiétants pour Poutine. La mobilisation de la jeunesse a incité celle-ci à déserter et à partir pour l’étranger. La motivation pour se battre est nulle dans les rangs russes. La milice Wagner recrute des prisonniers à prix d’or pour les envoyer se faire massacrer au front. Tous les efforts de Poutine pour construire une architecture à laquelle le peuple russe aurait donné sa bénédiction sont en train de s’effondrer.

Le recul des dictatures.

En même temps, le recul de la Russie non seulement sur le front ukrainien mais dans le jugement des régimes étrangers, ne peut être rattrapé que par une victoire réelle, celle, justement, qui n’est pas à portée de la main. La bonne nouvelle de 2022, c’est que les régimes autoritaires, Russie, Chine, Brésil, Turquie, perdent du terrain depuis quelques mois alors que, par le jeu des élections, le nombre des démocraties a diminué dans le monde. Poutine va peut-être résister sur les positions qu’il occupe actuellement, mais il est désormais incapable de réaliser son projet de reconquête de l’Ukraine. Ses amis les plus proches lui interdiront de le faire.

RICHARD LISCIA

 

 

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Une réponse à Une guerre longue

  1. Doriel Pebin dit :

    Bonjour, contrairement au temps médiatique, il faut penser au temps long. Il y a un an, nombre d’articles soulignaient les « victoires » des autocraties / dictatures type Russie et Chine (avec le soutien implicite sinon explicite du RN et de LFI). Un an après, le Covid et la guerre en Ukraine ont fait éclater ces bulles de propagande. Les gens, du moins ceux qui réfléchissent un peu, voient bien la réalité de leurs « succès ». Comme Trump, ils font beaucoup du bien à la démocratie en illustrant leurs infox.

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