Réforme à la française

Macron le 31 décembre
(Photo AFP)

Quoi qu’il advienne, la réforme des retraites n’élucidera pas les mystères qui l’entourent. Elle est combattue avec sincérité par les syndicats, sinon par les oppositions, il n’y a pas de majorité qui la soutienne au Parlement, elle sert bien plus à des manœuvres politiques spectaculaires qu’un à projet pour équilibrer les comptes.

SON SORT dépend de la détermination d’Emmanuel Macron qui refuse de ne rien faire jusqu’à la fin de son mandat et de celle des syndicats et des partis extrêmes qui veulent administrer la preuve que le second et dernier mandat du président ne servira à rien. Objectivement, les esprits cartésiens continueront d’estimer que le gouvernement agit en fonction d’une logique imparable : il n’y aura pas de réforme valable qui ne s’appuie sur plus de travail dans la semaine, le mois, l’année et un plus grand nombre d’années. C’est une réforme gratuite : un salarié ne reçoit pas sa pension pendant un an ou plusieurs annés de plus, et pendant le même temps, il verse des cotisations au régime. Certes, il faut entourer ce système de garde-fous, en tenant compte des carrières longues et pénibles et en protégeant les seniors qui ne doivent pas être licenciés avant l’heure du départ.

Toute l’Europe a déjà réformé.

Cela fait bien cinquante ans que ces éléments de réflexion donnent lieu à une hystérisation croissante des débats. Le président Macron a renoncé à la retraite à points ; la crise des gilets jaunes l’a empêché d’imposer son ambitieux projet ; on s’est replié sur un système plus raisonnable, pour autant qu’il y ait quoi que ce soit de raisonnable dans cette immense querelle nationale. Il a parfaitement mis en évidence les dangers d’une réforme dont personne ne veut, comme si nous n’avions pas le devoir d’avancer vers un retour aux équilibres fondamentaux. Nous ne sommes nullement obligés de voler au secours du président parce qu’il veut laisser une trace dans l’histoire. Mais, quels que soient les intentions de la majorité et de l’opposition, des syndicats et des électeurs, nous sommes bel et bien contraints d’accomplir une réforme dont les principaux contours sont identiques à ceux qui sont déjà appliqués partout en Europe.

La droite mieux placée.

Pourquoi la France ne peut-elle pas faire ce que font les autres pays européens ? Pourquoi serait-elle le lieu géométrique de toutes les complaisances à l’égard de soi-même ? Pourquoi ne pas prouver que nous sommes capables de courage et d’unité ? Mystère sociologique qui s’explique à la fois par l’enracinement des convictions, la lenteur des démarches qui a permis aux pires passions de se déchaîner et à la nature du président qui soulève des haines totalement irrationnelles. En d’autres termes, la droite classique aurait eu moins de difficultés à faire adopter le même projet.

Dépolitiser le projet.

Bien entendu, l’idée d’une alliance, fût-elle éphémère, entre la macronie et LR, est dans toutes les têtes. Il était donc urgent que la gauche en fît un épouvantail. Mais on ne fait pas boire un âne qui n’a pas soif. Ce n’est pas dans la nature d’Éric Ciotti de se rendre sans se battre. Au fond, pour réussir cette réforme, il faudrait la dépolitiser. Il faudrait ignorer l’ambition ultime d’Emmanuel Macron et le caractère pète-sec d’Éric Ciotti. Il faudrait enfin considérer la gauche actuelle pour ce qu’elle est : un machin  qui brinquebale au fil du temps et qui a perdu tous ses repères. La France est un pays masochiste qui ne sait progresser qu’au prix d’une douleur intense. Le masochisme consiste à souffrir avec plaisir.

RICHARD LISCIA

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2 réponses à Réforme à la française

  1. Laurent Liscia dit :

    Il est vrai aussi que certaines cultures : le Japon, la Chine, et la Corée du Sud par exemple, sont malades du sur-travail. Les Etats-Unis ne sont pas loin de cet état de fait. Avec l’avenement de l’intelligence artificielle et la robotisation, il semble logique de réduire les heures plutôt que de les augmenter; et périlleux de les ré-augmenter après les avoir réduites. Les Francais de toute eau politique ont horreur de la remise en cause des acquis sociaux. L’erreur, si erreur il y eut, fut d’introduire la première réforme des retraites – celle dont on essaie maintenant de corriger les effets. C’était sans doute trop tôt dans l’histoire du pays.

  2. mathieu dit :

    Précision: ce n’est pas la crise des gilets jaunes qui a eu raison de la réforme des retraites première mouture, pas directement en tout cas. Ladite crise mourait de sa belle mort au printemps 2019. La réforme des retraites lancée à la toute fin 2019, discutée dans les Chambres début 2020, a provoqué le blocage du pays, 6 semaines durant, un an après les gilets jaunes, mouvement populaire, alors que le mouvement anti-réforme était plus manifestement syndical, aboutissant in fine à une reprise du travail en février 2020, alors que, face aux 25 000 amendements de LFI, Edouard Philippe s’est résolu à faire passer « sa » réforme par le 49/3, grâce à sa majorité absolue (c’était le bon temps!), après, déjà, un certain nombre de concessions.
    Ce ne sont pas les GJ… mais le Covid, et le premier confinement, qui ont figé les choses en l’état, alors que l’historique mouvement social et syndical venait d’être neutralisé. En sortie de crise sanitaire, 18 mois plus tard, c’est Macron qui privilégiait… sa réélection à sa promesse électorale antérieure de ne plus « glisser la m. sous le tapis » et repousser les réformes comme l’ont fait (sic) ses prédécesseurs depuis 30 ans!

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