Le moment Zelensky

Macron et Zelensky à l’Élysée
(Photo AFP)

La diplomatie de Volodymyr Zelensky, président de l’Ukraine, a fini par payer. Voilà  qu’il est l’objet de tous les soins et gestes d’affection de l’Europe. Visite triomphale à Londres, dîner à l’Élysée avec Macron et Scholz, et ce matin, avant son retour à Kiev, bref séjour à Bruxelles où les élus européens lui ont fait une ovation.

L’UNION a décidé, au delà des différences de tempérament et d’objectifs, de s’emparer du sort de l’Ukraine et de reconnaître comme valables, et non excessives, ses demandes toujours croissantes en armements. Il n’a pas plus tôt obtenu des chars Léopard qu’il réclamait des avions que le Premier ministre britannique lui a aussitôt accordés.

Boris réapparaît.

Avant tous les autres pays européens, le Royaume-Uni a mis au point une diplomatie extrêmement favorable à l’Ukraine. Aussi bien Vladimir Poutine a-t-il réservé très tôt ses menaces les plus alarmantes à la Grande-Bretagne. La visite de Zelenski à Londres a d’ailleurs permis à l’ex-Premier ministre, Boris Johnson, de montrer sa blonde chevelure en désordre, un peu comme s’il continuait à vouloir revenir au gouvernement.

Zelensky connaît ses dossiers.

On lui pardonnera d’avoir saisi cette occasion, cela fait partie de son métier. On n’empêchera pas 27 pays aux aspirations différentes de faire du sort de l’Ukraine l’instrument permettant l’application de leur agenda. Chaque fois que Volodymyr Zelensky s’adresse à un public national, on s’aperçoit qu’il a pioché le dossier : il a un langage différent pour chaque peuple. Et il sait que si la gravité des faits, c’est-à-dire les difficultés militaires rencontrées par l’Ukraine ne suffisent pas à rallier l’Europe autour des intérêts ukrainiens, l’émotion participera efficacement aux efforts de persuasion.

Président de l’Europe par intérim.

Le président ukrainien ne saurait, à lui seul, unifier la politique des 27. Il comprend seulement que, si la résistance et les succès militaires de l’Ukraine ont sidéré les Européens éblouis, en même temps qu’ils confondaient les Russes, le danger de mort qu’elle affrontera dès le début du printemps et du dégel a accru la solidarité des 27 et le désir de partager la résistance de l’Ukraine. Le leadership volodymyrien sert maintenant de panache à l’Union et a d’ailleurs fait sauter quelques verrous de frilosité ; le chancelier allemand ne compte plus les chars sur ses doigts, l’Europe, dans son ensemble, s’est enfermée dans l’amitié pour Zelensky et l’hostilité à Poutine pendant que, dans un entretien paru dans « le Figaro », le président ukrainien déclarait qu’Emmanuel Macron avait changé.

Une course de vitesse.

Certes. Notre président voulait garder ses chances à la diplomatie et s’est heurté à la folie meurtrière qui tient lieu de politique à Vladimir Poutine. Il n’a pas tardé à rejoindre l’Ukraine corps et âme, car Poutine ne comprend que la force. Et quand le maître du Kremlin redouble de menaces, cela signifie que, de nouveau, il craint de perdre. Nous assistons à une course de vitesse. La Russie nous a promis une offensive fondée sur la masse humaine des conscrits recrutés par Moscou et voués à périr sous les balles ukrainiennes. Des armes nouvelles empêcheront peut-être l’armée ukrainienne de se briser sous le choc. Mais Zelensky ne peut attendre indéfiniment.

Hommage à un ami blessé.

Il n’y a pas d’homme plus réaliste et plus sincère. Il est plus embarrassé que satisfait des témoignages d’amitié et de respect qu’il a trouvés dans la vieille Europe, plus glamour que jamais, un peu comme si le chemin de croix de l’Ukraine n’était que temporaire et que, à terme, les Ukrainiens ne feront qu’une bouchée de l’armée russe. Les Européens ne sont pas parvenus au terme de leurs sacrifices. Mais il est bon qu’il fassent preuve d’unité ; de même que le consensus pro-ukrainien est lui aussi une bonne chose : et il vaut mieux recevoir un ami blessé avec tout le protocole dont l’Europe est capable que de réserver notre pompe à un dictateur.

RICHARD LISCIA

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3 réponses à Le moment Zelensky

  1. Dominique S dit :

    Dans les films, on se pose parfois la question. Mais concernant la guerre en Ukraine, on n’a aucun mal à identifier le bon et le méchant. On a même affaire aux deux extrêmes en la matière!

  2. Laurent Liscia dit :

    Zelensky n’est pas un saint et gardons-nous de le sanctifier. On lui découvrira sans aucun doute des faiblesses, et on se croira permis d’être déçu – comme si les héros nationaux n’étaient pas faits de chair et de sang. Il est, comme le furent De Gaulle et Churchill, l’homme de la situation face à un ennemi monstrueux. Il a su incarner le courage pour aider son peuple à batailler et survivre. Maintenant, dorlotons-le un peu moins, et envoyons-lui les ressources dont il a besoin sans rechigner.

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