Assemblée : le discours se dégrade

Aurélien Saintoul a de la suite dans les idées
(Photo AFP)

Si les manifestations bon enfant ont été saluées par l’opinion, les débats de l’Assemblée nationale n’ont pas gagné en qualité. Élisabeth Borne a demandé à la représentation nationale de cesser ses invectives. Le jeu des interventions choquantes cache une appréhension : les débats vont à reculons vers l’examen de l’artice 7 du texte de la réforme qui comprend le report de l’âge de départ à 64 ans.

LES EXPERTS n’ont pas manqué de remarquer que, en cas de crise, le langage des députés devient de plus en plus agressif. En conséquence, ils ne voient pas dans la conduite des élus autre chose qu’un effet de la tradition. Mais personne n’ignore que, à chaque vague législative, des bataillons de jeunes, peu formés aux coutumes du Parlement, raflent des sièges, formant des partis assez fournis pour qu’ils puissent prendre la parole.

Une gloire éphémère.

Le discours est la forme aboutie d’un temps de parole qui représente autant de minutes d’une gloire éphémère : plus il est strident, plus ils se font connaître. Effectivement, personne n’avait entendu parler d’Aurélien Saintoul avant qu’il ne se fasse photographier en train d’écraser de son pied un ballon de rugby  à l’effigie d’Olivier Dussopt, ministre du Travail, chargé de la réforme des retraites. Thomas Portes aussi était un illustre inconnu jusqu’à ce qu’il traite M. Dussopt d’« imposteur » et d’« assassin ».

Le diamètre des ficelles.

M. Saintoul a fait l’objet d’une mesure d’exclusion temporaire dont il se relèvera sans difficulté. M. Portes s’est excusé aussitôt après sa malsaine intervention, M. Dussopt, qui n’en revient pas d’être pris comme souffre-douleur par la France insoumise, a rejeté ses excuses. La seule chose de remarquable dans ces exercices de haute vulgarité, c’est le diamètre des ficelles : plus elles sont grosses, plus ça passe. Mais durablement indigne ; et si la réforme a déclenché une révolte plutôt qu’une révolution, l’admirable démocratie parlementaire dont nous bénéficions est en train de se noyer dans la grossièreté et une voyouterie dont personne n’est dupe.

L’article 7.

L’Assemblée est censée adopter la réforme à la fin de la semaine. Pour y parvenir, il faut que soient annulés les quelques 20 000 amendements déposés par les partis d’opposition, essentiellement par LFI. Laquelle, par un large geste de générosité, en a retiré 1 000. Ces méthodes d’amateur témoignent de ce que le costume d’un élu est souvent trop grand pour lui. Il s’agit, tout simplement, de faire tellement de bruit que le sujet finit par fondre dans le vacarme et l’excès. On a le sentiment que personne ne veut discuter de l’article 7 : le pouvoir parce qu’il craint logiquement un rejet, l’opposition parce qu’elle craint que l’article en question soit adopté.

Que font-ils ?

De telles difficultés nous renvoient au 49/3 ou à la dissolution. Mais il y a des raisons spécifiques à la dégradation du discours parlementaire, par exemple la montée des extrêmes : si le Rassemblement national, par souci de respectabilité, a choisi la discrétion, il en va autrement chez LFI où on espère l’emporter en discréditant au passage les institutions. Le stratagème des Insoumis présente un inconvénient, celui de crever les yeux, et pose une question moins arrogante qu’il n’y paraît : que font-ils dans l’hémicycle ? À quoi servent-ils, en dehors d’une agit-prop qui ressemble à une fin en soi ? Que ne se retirent-ils des débats pour que la démocratie puisse fonctionner ?

Agnès Pannier-Runacher, présidente de l’Assemblée, pilote un bateau ivre. Vous verrez que l’ultime repoche adressé au gouvernement concernera son incapacité à ramener le calme dans l’hémicycle. Le scandale ne vient pas d’un projet scélérat. Il vient d’un plongeon collectif dans cette piscine surchauffée, plus comparable à une baignade dans le Styx que dans l’eau d’été de la Méditerranée.

RICHARD LISCIA 

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2 réponses à Assemblée : le discours se dégrade

  1. Jean Vilanova dit :

    L’Assemblée est à l’image du pays… un bateau ivre à la carcasse rongée. Ces députés dits « insoumis » – mais quelle imposture que ce qualificatif ! – marionnettes de leur vieux gourou au compte en banque bien rempli sans jamais ou presque avoir travaillé sont une honte et un danger pour la démocratie. Pour autant, ils ne débarquent pas de la planète Mars. Ils ont été élus. Parmi ces tristes turlupins, prenons l’exemple du petit braillard, pardon Boyard qui n’hésite pas à dire que pour payer ses études (mais quelle études, en fait ?), il a « dealé », comme on dit. Veut-il faire pleurer dans les chaumières ?Plutôt une éducation à reprendre à zéro et une gifle au visage de millions d’étudiants honnêtes et courageux. Mais il a été élu le petit braillard, et démocratiquement. Alors qu’attendre désormais, sinon le pire ?

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