La réforme cahin-caha

Macron hier au Comité d’éthique
(Photo AFP)

Tous les syndicats ont demandé une rencontre avec Emmanuel Macron, mais le président de la République reste sourd à leurs appels, feignant de laisser sa Première ministre s’en occuper. De plus, il ne souhaite pas repéter aux syndicats qu’il n’est pas question pour lui de retirer le projet.

SON ATTITUDE contient les ferments d’une colère croissante qui se retrouvera sur le terrain et prolongera la crise. Bien entendu, personne n’ignore qu’il se tient informé heure par heure des travaux du Sénat et, lors de ses multiples entretiens téléphoniques avec Élizabeth Borne, il compte les voix des élus potentiellement favorables à la réforme sans avoir atteint, à ce jour, la majorité absolue, ce qui signifie qu’il va devoir décider de recourir à l’article 49/3 de la Constitution, qui lui permettrait d’adopter la loi sans vote.

Un précédent : le Smic jeune.

Cette perspective n’est pas la meilleure. On a déjà vu, avec Chirac, une loi sur un salaire minimum pour les jeunes soulever de larges manifestations au terme desquelles la loi a été adoptée pour épargner son auteur, Dominique de Villepin, alors Premier ministre, mais pas appliquée. Le Sénat a adopté l’article 7 du projet qui prolonge les carrières de deux ans, donc à 64 ans, mais l’opinion et les syndicats restent de marbre devant cette avancée.

Fièvre de cheval, remède de cheval.

Tout se passe comme si le pays, atteint d’une fièvre de cheval capable de le tuer, réclamait un remède non pas technique, mais institutionnel, par exemple la dissolution de l’Assemblée et des élections anticipées. Ce n’est pas forcément la panacée. Si un tel geste aurait pour effet immédiat d’éteindre l’incendie, personne ne peut dire quelles forces surgiraient de telles élections. La gauche affirme qu’elle se renforcerait assez pour écarter la réforme des retraites, les Républicains ne sont pas sûrs de retrouver le même nombre de députés et la majorité, déjà relative, pourrait perdre des élus. Ce qui poserait alors la question de la légitimité même du président.

Condamné à dire non et jamais oui. 

La solution institutionnelle est d’autant plus hasardeuse que la Cour des Comptes, constatant que la dette publique atteint 111% du PIB et 3 000 milliards d’euros, demande au pouvoir de commencer à éponger ses dépenses. Autrement dit, la crise des retraites et la crise financière retentissent l’une sur l’autre. La gauche propose une hausse des impôts, ce qui n’est pas la meilleure idée quand on se rappelle que nous sommes le pays d’Europe où la pression fiscale est le plus élevée. De sorte que le chef de l’État sait rejeter avec force toutes les idées dangereuses, mais il est condamné à ne pas bénéficier d’une solutiuon susceptible de réduire le marasme.

Le « en même temps » désavoué.

La France est donc tombée dans une ornière d’où elle ne sait pas sortir. La réélection d’Emmanuel Macron l’an dernier avec une majorité relative contenait un poison violent. Il a réagi avec étonnement mais il a tout de suite pensé qu’il pouvait, pour les retraites, obtenir un accord avec les Républicains ou, d’une façon générale, sur chaque dossier, négocier un soutien de tel ou tel parti. Moins d’un an après sa réélection, par ailleurs brillante et qui a écarté les extrêmes pour cinq ans, sa martingale ne fonctionne pas du tout. Il se bat contre une adversité trop forte parce que le peuple a voulu contrôler son action politique par le biais des partis, transposant ainsi des éléments de la Quatrième République dans la Cinquième.

Cette République à deux visages, dieu Janus de la politique, est un modèle d’immobilisme. Si la réforme ne passe pas, le reste du mandat sera sans intérêt. Des réformes sociales seront possibles  (il y a un consensus autour de la liberté d’avorter) et dans le domaine de l’environnement. Mais l’action du pouvoir sera ralentie par la recherche d’un successeur à Macron.

RICHARD LISCIA

 

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Une réponse à La réforme cahin-caha

  1. Jean Vilanova dit :

    Dans notre pays, la Constitution confère des pouvoirs immenses au président ; plus grand que ceux du président des Etats-Unis et, sans doute, de tous les dirigeants des démocraties dans le monde. C’est pourquoi on a raison de parler de « monarchie républicaine ». Cette Constitution a été taillée sur mesure pour un homme exceptionnel, le général de Gaulle. Le costume s’est avéré bien trop grand pour tous ceux qui lui ont succédé, y compris Georges Pompidou qui n’était pas gaulliste et François Mitterrand, un homme de droite assoiffé de pouvoir, converti par opportunisme (machiavélisme ?) au socialisme. Par charité, je n’évoquerai pas les autres. Partant de ce constat, je pense qu’il faut maintenant aller vers une République plus humble, mais dont il ne faudrait pas qu’elle ressemble à la IVème. Quel triste paradoxe pour moi qui demeure imprégné de la geste gaullienne !

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