Ce que révèle la hausse de l’ISF

Jérôme Cahuzac, ministre du Budget
(AFP)

L’Assemblée nationale a adopté l’Impôt de solidarité sur la fortune (ISF), assorti cette année, et en attendant sa réforme pour 2013, d’une contribution exceptionnelle destinée à compenser la baisse de l’ISF décidée par le gouvernement Fillon. Les besoins de financement de l’État suffisent à expliquer le coup de matraque infligé aux grosses fortunes (presque 100 000 euros pour un patrimoine de 4 millions). La mesure n’en est pas moins dénoncée avec virulence par la droite.

LA PRESSE D’OPPOSITION a déclenché un tir de barrage contre la hausse de l’ISF, mais elle ne peut être approuvée que par les personnes détentrices de patrimoines élevés, c’est-à-dire une partie infime de la population. Les « riches » ne vont pas descendre dans la rue. Tout au plus peuvent-ils s’exiler, ce qui n’est pas simple du tout. Ou cesser d’investir, ce qui représente un danger sérieux. Mais, comme la taxe de 75% qui frappe la tranche de revenus supérieure au premier million d’euros, le nouvel ISF, adopté dans la hâte et en l’absence d’une réforme qui prendra plusieurs mois et ne figurera que dans le budget de 2013, règle des comptes : un compte entre gauche et droite, entre François Hollande et Nicolas Sarkozy, entre deux camps politiques qui se provoquent réciproquement et tous les jours. La droite a compris que, comme la gauche en 2007, elle doit attaquer le pouvoir tous les jours et par tous les moyens pour donner à sa gestion et aux hommes qui l’appliquent la réputation que la gauche naguère a donnée à Sarkozy. De son côté, François Hollande espère donner à la société française une évolution irréversible, celle d’une justice sociale qui s’imposerait à la droite en cas d’alternance et celle d’une rénovation des moeurs politiques qui obligerait plus tard l’opposition actuelle à se conformer aux nouvelles règles.

Ombre et lumière.

Rien, en outre, de ce qui a été fait précédemment (le mandat de M. Sarkozy serait celui de l’ombre, le mandat de M. Hollande celui de la lumière) ne doit survivre aux élections de 2012. Couper dans les dépenses publiques ? Non, augmenter les impôts d’abord ; il y a des riches, il y a donc de la marge. Inscrire  dans la Constitution la « règle d’or » des équilibres publics ? Rejeté pour un seul motif : c’est une idée de M. Sarkozy. Admettre les divisions qui commencent à se faire jour au PS ? Jamais. Trouver une solution à la crise de PSA ? Oui, mais en passant d’abord par une attaque sans précédent contre la direction et ses « erreurs » stratégiques et en demandant des comptes à la famille Peugeot. Le Premier ministre, Jean-Marc Ayrault, a même rappelé que PSA avait été aidé à hauteur de 4 milliards d’euros par l’État, ignorant, en apparence, que la somme a été remboursée, intérêts compris. C’est pourquoi cet argument a disparu des « éléments de langage » du gouvernement.

Cette bataille à couteaux tirés entre le gouvernement et l’opposition menace de durer. Jamais, peut-être, depuis 1981, le clivage idéologique n’a semblé aussi profond entre la gauche et la droite française, la première étant plus que jamais arcboutée sur des idées et des concepts qui ne sont pas nécessairement à la hauteur des phénomènes économiques et financiers d’aujourd’hui ; et la seconde estime que sa  victoire électorale l’autorise à faire des expériences inspirées par son modèle social-démocrate. Les hausses d’impôt, fussent-elles lourdes, ne sont scandaleuses que pour ceux qui les subissent. Il ne faut pas autant qu’elles deviennent la seule source de financement des budgets publics, qui doivent être à tout prix élagués. Cette seule nécessité devrait suffire à tempérer le zèle idéologique du gouvernement.

RICHARD LISCIA 

 

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