Charles reporte sa visite

Charles et Camilla : revoir Paris ?
(Photo AFP)

Le roi Charles III et son épouse Camilla devaient arriver à Paris dimanche pour une visite d’État destinée à rapprocher leur pays de l’Union européenne. Un hasard  fait que la mobilisation contre la réforme des retraites en France a enlaidi nos doux paysages. Face aux suggestions de report de la visite par ceux qui souhaitent dramatiser davantage le conflit, elle a été annulée.

LA GRÈVE des éboueurs fait que Paris malodorant offre un spectacle peu ragoûtant, de même que Bordeaux où le souverain doit se rendre. Certes, les visites de monarques sont censées bénéficier d’un apparat spectaculaire, mais ce sont d’abord des actes politiques, même si les rois ne gouvernent pas. Les forces hostiles à la réforme ont vite pensé à faire en sorte que le roi Charles passe un moment désagréable en France, mais les services d’ordre avaient établi des parcours où il n’aurait été en contact ni avec les manifestants ni avec les casseurs.

Le cap de la violence.

Certes, depuis hier, un cap a été franchi, celui de la violence, introduite dans les manifestations par les black blocs, qui rend périlleuse la traversée de Paris. Les forces de l’ordre ont réagi avec une certaine brutalité, ce qui relance le débat sur les violences policières, mais l’appel à une nouvelle mobilisation mardi prochain ne fait rien pour apaiser les manifestants et on peut s’attendre à des batailles de rues avec beaucoup de blessés. Comme ce fut le cas hier, les victimes sont plus souvent des policiers ou des gendarmes que des manifestants.

Dialogue.

Pour Charles, c’eût été en quelque sorte une visite Potemkine à l’envers. Je ne crois pas qu’il tienne à observer les incendies de poubelles et les coups de matraque ; et les autorités françaises entendaient le maintenir à l’écart de ce spectacle. Il devait dîner à Versailles et visiter le Mobilier national, fin prêt pour le recevoir. Et se rendre à Bordeaux. Tous ceux qui veulent associer la monarchie anglaise à la « monarchie » française devront prendre patience et l’accueil réservé à Charles par Macron aurait souligné le dialogue entre deux souverainetés.

Offensive de charme.

La venue en France de Charles devait suivre de près celle de son Premier ministre, Rishi Sunak, et structurer l’offensive de charme du Royaume-Uni en direction de l’Union européenne. Charles devait ensuite aller en Allemagne. L’idée du report de son voyage n’a jamais été qu’un piège. C’était une façon de démontrer l’incapacité politique dans laquelle la crise plonge le chef de l’État en France. Emmanuel Macron, comme en d’autres circonstances, était en mesure de transformer le conflit social en moteur diplomatique. Le roi aura d’autres raisons de constater qu’il peut se livrer à un dialogue avec la France quel que soit le contexte.

 

RICHARD LISCIA

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N’a-t-il donc « rien compris ? »

La manif’, exutoire universel
(Photo AFP)

Les syndicats et l’opposition ont riposté à l’inflexibilité d’Emmanuel Macron par un jugement méprisant : il n’a rien compris. Vraiment ? En réalité, il s’agit d’une grossière erreur d’analyse.

LE PRÉSIDENT a compris qu’il était en minorité ; il a compris que le vote de la loi par l’Assemblée nationale n’était pas sûr et il a préféré utiliser le 49/3. Bref, il a compris qu’il fallait un peu forcer le destin. Qu’aurait-il donc dû faire ? Se rendre en rase campagne aux forces de la contestation alors que la Constitution lui offre les moyens de résister ? Il a compris qu’il est impopulaire et il a déclaré sans nuances qu’il préférait cette impopularité à l’abstention.

L’odeur du sang. 

Il a compris qu’il est personnellement rejeté par le peuple au même titre que sa réforme honnie. Il a compris le raz-de-marée démagogique mis en place par des partis qui on vu midi à leur porte. Il a compris que s’il montrait le moindre signe de faiblesse, ses adversaires auraient senti le sang et cherché à l’achever, en bons requins qu’ils sont, lovés dans les institutions. Il ne risquait donc pas de s’attarder sur ses propres erreurs, de communication et autres. Il ne risquait pas de se livrer à un mea culpa dont il aurait dû ensuite tirer la conséquence logique. Oui, il est en danger, oui, il est vulnérable comme aucun président de la Vème ne l’a été avant lui, oui, du moment où il ne peut pas se présenter pour un troisième mandat, toutes les forces de la contradiction se sont liguées pour l’abattre.

La vitesse du sabre.

Mais y sont-elles parvenues ? Comme un judoka, il a utilisé la violence de la contradiction pour faire chuter l’agresseur. Après, on a cru comprendre qu’il n’avait rien compris, alors que, en vérité, il a tout compris. Qu’attaqué comme le serait l’ennemi public numéro 1, les risettes et les vains efforts de séduction ne feraient pas le poids. Pourquoi un président réélu n’aurait-il pas le droit de faire sentir à une opposition si déterminée la vitesse de son sabre et les plaies qu’il peut provoquer ? Il ne peut pas se présenter à nouveau, c’est une force. Il n’a rien à cacher, il s’est présenté brut de décoffrage, blessé, déçu par le peuple versatile qui l’a réélu il y a un an et qui, aujourd’hui, contrairement à toutes les lois, exige qu’il « dégage ».

Conservateurs militants.

On peut penser ce qu’on veut de lui, on doit reconnaître son courage et même son sacrifice. Il a simplement rappelé de quels instruments on ne peut pas priver un président en exercice. Le mandat est sacré et il est de cinq ans et oui, il a raison de faire référence au sac du Capitole : c’est l’objectif des émeutiers et ils ne l’ont pas caché. Ce qui est formidable dans toute cette affaire, c’est l’inquiétude des vingtenaires pour leur retraite, comme si, dans les années qui viennent et avant qu’ils y arrivent, il n’y aurait pas d’autres réformes,. C’est le cas d’un des plus purs conservatismes. C’est la France d’aujourd’hui : une jeunesse qui compte les jours jusqu’à la retraite, exactement comme s’il n’y avait aucun épanouissement dans le travail. Dans cette querelle sur le temps des gens, j’aimerais savoir combien de temps ils vont consacrer à la culture.

Macron est encore le chef d’orchestre et il force les musiciens, disciplinés ou non, à jouer son concerto. Le résultat est chaotique. C’est du classique contemporain.

RICHARD LISCIA

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Macron inflexible

Macron veut changer le travail
(Photo AFP)

Comme il l’avait dit, le président de la République ne remaniera pas, ne dissoudra pas et ne démissionnera pas. Il garde Élisabeth Borne à la tête du gouvernement. Il replace la réforme des retraites dans le contexte du travail en France.

LA SURPRISE serait venue d’un autre discours. Non sans une certaine exactitude, le président a énuméré les raisons qui ont rendu si difficile l’adoption du projet. La bataille contre le Covid, la guerre en Ukraine, l’inflation, mais surtout la dépense entraînée par la pandémie et qui a pu donner le sentiment aux Français qu’il y aura toujours assez d’argent en France et qu’ils n’ont plus besoin de travailler. Il a donc tenu des propos raisonnables qui ne convaincront personne parmi ses opposants, mais qui persuaderont ses électeurs et soutiens que le pays n’a pas d’autre choix que de travailler plus pour produire plus et gagner plus.

Il faut à tout prix un vainqueur.

Il n’a pas renoncé à apaiser les foules en colère, les syndicats intransigeants, les gens exaspérés. Il a eu des mots de compréhension et même de réconfort. Mais la réforme ira à son terme, sera appliquée. Il pense à l’inclure dans une réforme du travail qui accompagnera la création de nouveaux emplois. Il voit l’avenir avec optimisme alors que ses adversaires imaginent un futur de désolation. Pour l’entendre, il faudrait que ce peuple ait des oreilles et qu’il croie davantage à ses institutions, qu’il reconnaisse la légitimité de ses élus de tous bords, à commencer par le chef de l’État lui-même. Il y a tout lieu de craindre que les Français seront dépités, encore plus énervés et fâchés. Le rapport avec l’Élysée est devenu combatif : il faut à tout prix un vainqueur, le peuple et que, s’il perd, il devienne un martyr.

Sombre avenir.

Mais il n’y a de salut pour nous que dans l’activité et dans la productivité. Ce n’est pas une erreur d’avoir réélu Macron ; certes sa solitude doit l’étreindre, mais c’est aussi le signe d’une pensée qui ne recule pas sous l’effet de la contradiction et même, parfois, de la peur. L’avenir immédiat est sombre, conflictuel. Ils veulent faire grève et manifester, ils veulent bloquer, il faudra réquisitionner. Il faudra passer par une aggravation de la querelle, sanctionner et punir. On se dit que le jeu n’en valait peut-être pas la chandelle, Macron nous a dit en quoi la réforme est essentielle, indispensable au pays.

Un paradoxe.

On ne perçoit aucun signe de réconciliation. Comme s’il fallait en découdre jusqu’à la défaite du président de la République. Cela pose la question de la personnalité appelée à lui succéder au cas où il s’en irait. Paradoxe des paradoxes : il est irremplaçable. Son mandat a d’abord le défaut dêtre tronqué. Il faudrait quelqu’un qui refasse la société  en faisant table rase des six années de Macron.  Mais tout de même quelqu’un, au fond, qui terminerait le travail de Macron. Il n’y a strictement rien à dire de l’impopularité du président, mais il occupe le terrain et au fond, il est le seul à pouvoir façonner l’avenir.

Le Conseil constitutionnel garantira ou non la validité de la loi. Macron n’y voit aucune objection. Le Conseil est le dernier espoir des opposants. Il est peu probable, pourtant, qu’il  la vide de son contenu. Le projet est replâtré, coupé, remodelé, refaçonné, différent de ce qu’il était, mais ressemblant à ce que voulait le pouvoir : toute cette haine pour ces exercics de styles, pour ces discours pompeux. On en pleurerait.

RICHARD LISCIA

 

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Amère victoire

Borne dans la fosse aux lions
(Photo AFP)

La motion de censure contre le gouvernement déposée par LIOT (Liberté, Indépendant, Outremer et Territoires) a été rejetée parce qu’elle ne réunissait que 256 voix, soit neuf de moins que la majorité absolue. Celle du Rassemblement national n’a remporté que 94 suffrages. La loi instituant la réforme des régimes de retraites a donc été adoptée. Le feuilleton n’est pas fini pour autant.

SUR LE PAPIER, la réforme est en marche et le gouvernement a gagné. Il est peut-être temps de rappeler que le 49/3, décrié par les syndicats et l’opposition comme l’expression de l’arbitraire le plus extrême, est inscrit dans la Constitution, justement applicable dans le cas où une majorité parlementaire est introuvable. La majeure partie des manifestations, émeutes, grèves, désordres et blocages est due à la diffamation savamment entretenue par les forces populistes pour discréditer ce qui n’est, en définitive, qu’une technique constitutionnelle pour remettre de l’ordre dans un débat à l’Assemblée nationale.

Des actes subversifs.

Or l’hémicycle, soumis à des comportements individuels regrettables, n’existait plus. On reproche à Emmanuel Macron de manquer d’autorité et dans le même temps, on affirme qu’il recourt aux instruments utilisés par la force. Qu’il soit permis de comparer la conduite des affaires par le gouvernement et le guignol auquel se sont livrés les députés de la Nupes, qui ont empêché Élisabeth Borne de parler et brandissaient des pancartes avec des slogans hostiles à la réforme : il faudrait qu’ils aient le pouvoir et qu’on les traite de la même manière pour qu’ils comprennent enfin que leurs actes sont tout simplement subversifs et donc inacceptables.

L’exemple de Mme Borne.

Jamais la Première ministre ne s’est départie de son calme. Jamais elle n’a montré le moindre signe de faiblesse et il est temps de dire que, victorieuse ou pas, elle s’est battue avec un sang-froid extraordinaire. L’autre argument de l’opposition, pour autant qu’elle ait  un peu de cohérence, est que 70 % de la population est hostile à la réforme. C’est indéniable, comme le fut l’adoption de l’abolition de la peine de mort, voulue par Mitterrand et son ministre de la Justice, l’excellent Robert Badinter, contre la volonté du peuple. Ce n’est pas forcément en respectant le point de vue de la majorité qu’on fait progresser une société. Aux États-Unis, tous les garde-fous mis en place dans la Constitution ont pour objectif de lutter contre les débordements d’électeurs trop passionnés ou saisis par le populisme.

Remaniement en vue.

Emmanuel Macron sait qu’il a seulement remporté une manche. Ce n’est pas de cette manière qu’il parviendra à rétablir l’ordre et mettre fin à la grève des éboueurs ou à celle des carburants. Il pense déjà un remaniement ministériel (par opposition à un remaniement gouvernemental) avec un changement de choix stratégique qui éliminerait la plupart des ministres issus du civil. Ce ne serait qu’un gage donné aux opposants et il en faudra d’autres. On peut donc s’attendre à des changements au sommet qui feront d’autant plus d’effets que, cette fois, il peut au moins exciper de l’adoption de la loi.

Pas de majorité alternative.

Ce qui veut dire, que loin de songer à une démission ou à une dissolution de l’Assemblée avec des élections anticipées qui ne changeraient pas beaucoup le paysage électoral, il va s’atteler à de nouvelles réformes. Elles seront toutes accueillies avec le même scepticisme que celle des retraites, mais l’idée que le président de la République dirige une « minorité » est totalement fallacieuse. Il a administré la preuve qu’il a une majorité relative contre laquelle les partis d’opposition sont incapables de dresser une majorité alternative. Ce n’est pas dans le camp présidentiel que la consternation est la plus forte, mais chez LR où l’autoritaire Ciotti n’a pas réussi à mater la dissidence et où le chef présomptif, Laurent Wauquiez, est l’arlésienne, et à la Nupes où le prestige de Jean-Luc Mélenchon commence à s’effriter, alors qu’il exprime une idée par jour, mais une idée irréalisable, par exemple que Macron devrait le désigner à Matignon.

Ils ne savent pas construire.

Une chose est sûre : ce peuple si mécontent ne pourra pas se débarrasser de son président réélu en un tournemain. Il est vrai qu’il est haï mais il est tout aussi vrai qu’il est le seul à se maintenir à un poste attaqué de toutes parts, mais en contrôlant le chaos, comme le RN ou la Nupes ne sauraient pas le faire. En observant les décombres du vote sur les motions de censure, on perçoit fort bien l’absence criante de président alternatif. Il n’y en a pas. Ils savent démolir, ils ne sauront pas construire.

RICHARD LISCIA

 

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Trump : peur panique

Trump a peur
(Photo AFP)

En attendant le résultat des votes sur deux motions de censure à l’Assemblée, il n’est pas inutile de s’attarder sur la dernière de Donald Trump, ex-président des États-Unis qui, persuadé qu’il serait arrêté demain mardi, a demandé à ses partisans d’empêcher la police et le procureur de New York d’aller le chercher.

TRUMP accumule les records : il n’y a pratiquement pas de semaine où ne rebondissent ses démêlés avec la justice. Cette fois-ci, il ne s’agit pas de la mise à sac du Capitole, qu’il a ordonnée le 6 janvier 2021, mais d’une sombre affaire pendant laquelle il a soudoyé une prostituée pour l’empêcher de révéler sa liaison avec elle, ce qui aurait gêné sa campagne électorale.

La « perp walk ».

On ne cesse de le répéter, le rythme de la justice n’est pas le rythme politique, mais les juges finissent toujours par boucler un dossier ; de sorte que Trump n’a pratiquement aucune chance de s’en sortir et de se présenter à nouveau comme candidat à la présidence. Sans doute songe-t-il à la « perp walk », la méthode à laquelle Dominique Strauss-Kahn, en son temps, a été soumis. Il s’agit de promener le « perpetrator », le suspect coupable avant l’heure, pour mieux l’humilier : l’application de la peine avant le jugement.

Forte popularité.

Ses amis, alliés et électeurs ont assez foi en lui pour ne pas s’embarrasser de considérations éthiques : ils préfèrent un candidat autoritaire à un candidat honnête. S’il est vrai que la popularité de l’ex-président est forte, sur le papier, il n’a pas une chance, contrairement à ce que disent nombre d’experts de la scène politique américaine. D’abord parce que Joe Biden, contrairement à sa réputation, a réusi à maintenir l’unité de la gauche, et ensuite parce que le gouverneur de Floride, Ron de Santis, compte bien représenter les Républicains à l’élection présidentielle de 2024.

De Santis, second choix.

Ron de Santis est un conservateur bon crin, mais par rapport à Trump, c’est un saint. Il n’est mêlé à aucune affaire de mœurs ou de fraude politique. S’il réussissait, il ramènerait les égarés, les malades mentaux, les cyniques et les sinistres dans le giron institutionnel, ce qui n’est pas une mince affaire. Cependant, sa stature ne lui suffirait pas pour vaincre Trump lors des primaires du parti républicain. Ce sont les déboires judiciaires de Trump qui lui offrent une occasion exceptionnelle d’entrer à la Maison Blanche.

Biden, bon président.

Les inconnues des élections de 2024 sont donc nombreuses et tout pronostic est hasardeux (je prends le risque d’en faire un). On aurait tort de sous-estimer Biden qui est peut-être le président le plus efficace des États-Unis depuis Roosevelt. Et il peut battre de Santis avec la même méthode que celle qui  lui a assuré la victoire en 2020. Sous Biden, l’Amérique, globalement n’est pas malheureuse. L’inflation commence à reculer ; la croissance n’est pas galopante, mais elle existe ; jamais le taux de chômage n’a été aussi bas ; les salaires augmentent et les Américains, après une période où ils semblaient séduits par l’idée de ne rien faire, retournent au monde du travail.

C’est Trump qu’ils veulent.

On peut faire au moins un pronostic : Joe Biden aurait de meilleurs chances d’être réélu si son adversaire était Trump plutôt que de Santis. L’électorat de Trump est fanatique au point de le vénérer, même si son profil est celui d’un monstre ; les trumpistes n’ont jamais changé de projet, c’est Trump qu’ils veulent, ses excès, sa grossièreté, ses mensonges, ses crimes. Quelque part au fond des âmes d’électeurs assez chanceux pour vivre en démocratie pointe la nostalgie de l’autoritaire et du despotisme. À quoi bon voter Biden quand on peut avoir un sosie de Poutine ? Tous les électeurs ne méritent pas forcément de vivre dans la vérité et dans l’intégrité.

RICHARD LISCIA

 

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Le chaos vu de Sirius

C’est Macron qui s’en sort le mieux
(Photo AFP)

Il ne fait aucun doute que le recours au 49/3 a alimenté, au delà de toutes les craintes, la colère des élus, des syndicats et de l’opinion publique.  Les Français ont voulu y voir un affaissement des institutions, une perte d’autorité de l’exécutif et des perspectves alarmantes. Pourtant, certains des censeurs les plus virulents du gouvernement pensent qu’il a bien manœuvré.

D’ABORD, le 49/3 est perçu comme arbitraire et illégitime parce qu’on a bien voulu le diffamer. C’est un instrument parfaitement constitutionnel du réformisme, dans un pays ou le « niet » représente l’arme ultime des entêtés. Élisabeth Borne a expliqué avec pas mal de persuasion jeudi soir que la réforme a bel et bien été acquise grâce à un vote : celui qui, lundi prochain rejettera les trois motions de censure déposées par l’opposition. Ce vote signifiera qu’il n’y a pas de majorité pour renverser le gouvernement.

Macron reste vaillant.

Ensuite, pendant combien de temps les syndicats vont-ils rester dans leur posture actuelle, celle des grèves, manifestations et chômage ? La réforme des retraites peut être encore peaufinée et finalement, l’idée que travailler deux ans de plus dans une Europe où nous voisins travaillent jusqu’à 67 ans devient de moins en moins inacceptable. La première victime du 49/3 n’est pas Emmanuel Macron. Ce sont les syndicats placés devant le fait accompli et qui devront, tôt ou tard, s’habituer à la nouvelle donne ; c’est Élisabeth Borne, plus fragile que le président et prête à se sacrifier. Ce sont les Républicains, totalement incontrôlables, indisciplinés, amateurs du coup de force et bêtes au point qu’ils tuent le projet qu’ils soutenaient naguère.

Un message à nos amis européens.

Quant au chef de l’État, il vient d’envoyer à l’Europe un message transparent : la réforme en France se poursuivra dans tous les domaines, ce qui devrait améliorer la position de notre pays sur les marchés financiers. Voici donc que le président redevient en un jour l’un des leaders européens les plus respectés en dehors de son territoire.  Je me posais hier la question du vide abyssal des quatre ans de mandat qu’il lui reste. Mais en tenant compte de son caractère déterminé et de l’importance de la réforme, et surtout de l’esprit réformiste, il ne restera pas les bras ballants pendant quatre ans.

Vivre avec la crise.

Il ne s’agit pas de minimiser une crise exceptionnellement grave qui menace les institutions et les grands équilibres du pays. Il s’agit de dire que la crise est celle d’un moment et qu’elle ne va pas durer, que nous allons vivre avec elle comme nous avons vécu avec le Covid. Il s’agit de montrer que, si la maison brûle, nos partenaires voient moins les flammes que l’engagement réformiste, qui est une valeur européenne de première grandeur.  49/3 ou pas, motions de censure ou pas, changement ou non de Premier ministre, ce qui compte, c’est la fin du laisser-faire en France et la prise en main de son destin par ce gouvernement, celui de M. Macron.

Un dessein utile.

Voilà de quoi donner à réfléchir à ceux qui, soutenant Macron, ont été déçus par lui hier, peut-être parce qu’ils se sont laissé impressionner par les manifestations et les blocages. Vouloir le calme à tout prix, ce peut être aussi une forme de timidité ; affronter la tempête pour qu’enfn le pays se dépasse lui-même est nettement plus souhaitable. Le consensus de toutes les oppositions contre la réforme des retraites n’est pas autre chose que la démolition systématique de tous nos repères. Ce n’est pas que l’exécutif n’ait pas commis de lourdes fautes, c’est qu’il a un dessein utile qui dépasse une réformette, un tohu-bohu, un chahut estudiantin, une révolte.

RICHARD LISCIA

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49/3, voie funeste

Unis dans la disgrâce
(Photo AFP)

Peu convaincu que la réforme des retraites serait votée par une majorité absolue, le gouvernement a décidé, en dernier ressort, de recourir à l’article 49/3 de la Constitution, qui permet l’adoption d’une loi sans vote. C’est une catastrophe pour la stabilité politique du pays.

LES PIRES conflits aménagent toujours des espaces qui permettent de trouver des compromis. Au-delà des invectives, des manifestations et des grèves, il y avait l’idée qu la Première ministre, Élisabeth Borne « n’avait pas le droit », en quelque sorte, d’utiliser le 49/3. Et il y avait aussi l’idée que, si la loi trouvait une majorité absolue, la crise, peu ou prou, serait terminée. Mme Borne n’a pas tort qui n’a pas voulu jeter aux orties 175 heures de travail et une réforme dont, quoi qu’on en dise, le pays a besoin. Mais pour elle, le 49/3 est un suicide.

Exaspération publique.

Certes l’article figure bel et bien dans la Constitution et même si Mme Borne l’a utilisé onze fois, légalement elle ne l’a fait qu’une fois car il s’agissait dans tous les cas de voter un morceau du même budget. C’est l’opposition, ce sont les syndicats qui ont rendu le 49/3 « illégal » en mettant le gouvernement en garde contre ce choix. Ils ont donc créé la mèche qui va faire exploser l’exaspération de l’opinion publique et les jours de Mme Borne à Matignon sont déjà comptés. C’est très injuste pour la Première ministre et même pour le président, car ils ne sont jamais sortis de la légalité. C’est pourtant leur réputation qu’ils viennent de salir : on leur fait un procès permanent de malhonnêteté politique.

Deux armées ennemies.

Je ne crois pas que ce nouveau coup du sort porté à la réforme ait la moindre vertu. Le rejet du texte va se durcir, la grève va s’accompagner de violences et le pouvoir aura laissé dans cette crise 80 % de son énergie. Et surtout, il n’aura pas l’autorité pour prendre de nouvelles décisions et encore moins pour lancer d’autres réformes. Il y a peu de circonstances où la vie intérieure du pays devient aussi tragique, peu de conflits qui renforcent ainsi la haine que se vouent des Français soudain jetés les uns contre les autres comme deux armées ennemies.

Quatre ans à ne rien faire ?

Qu’est-ce qui vient de se briser en France sinon la notion même de communauté nationale? Macron peut bien changer de Premier ministre, mais lui-même que va-t-il faire pendant les quatre années qu’il lui reste de son mandat ? S’il fallait qu’il partît avec une réputation de réformateur, n’était-il pas préférable, en définitive, d’oublier la réforme et de se concentrer sur les grands équilibres ? Aurait-il redressé les comptes et commencé à éponger la dette qu’on l’en aurait remercié. C’eût été un résultat infiniment meilleur que cette réforme honnie à laquelle il restera identifié à jamais.

La faute de LR.

Le chef de l’État a déclaré que la réforme était nécessaire à la signature de la France pour obtenir des prêts à un taux raisonnable. Il a insisté aussi sur le fait que les Républicains ont été incapables de s’engager et de faire régner la discipline de groupe. Il est vrai que la droite sortira essorée de la crise, mais cela ne peut que renforcer le Front national. On verra tout cela dans quatre ans : un président ne pouvant se présenter une troisième fois, laissera la place à un parti extrême. Certes, il sera considéré comme un réformateur rassurant et solvable aux yeux de ses partenaires de l’Union européenne, mais cette fois, il n’aura pas empêché le RN de s’emparer de la magistrature suprême. Les Républicains auront tout le temps d’y réfléchir.

RICHARD LISCIA

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Un incident russo-US

Un « Reaper » au-dessus du Nevada
(Phot AFP)

Deux avions Soukhoï russes ont abattu un drone Reaper au dessus des eaux internationales de la mer Noire, au sud de l’Ukraine. Malgré la gravité de l’incident, les autorités américaines l’ont attribué à une « acte irréfléchi » de l’aviation russe tandis que le Kremlin se dégageait de toute responsabilité, comme d’habitude.

LA CONCEPTION des rapports internationaux de la Russie est plutôt mal adaptée aux situations de crise. Les Russes ne peuvent pas cacher un acte délibéré d’agression qu’ils ont commis, mais ils le font quand même, grâce à leur capacité de transformer un accrochage sérieux en « fake news ». Ce qui est intéressant, c’est non seulement le déni russe, mais la  sémantique élaborée de la Russie, qui rêve, en quelque sorte, de conduire une guerre clandestine.

La grande faucheuse.

Reaper, en français, veut dire moissonneuse, mais loin de contribuer à la récolte du blé, le mot devrait être traduit par grande faucheuse, la mort munie de sa faux. Le drone américain se trouvait dans les eaux internationales, il était désarmé et n’avait à accomplir qu’une mission de reconnaissance. Les deux Soukhoï ont fait une sorte de danse du ventre autour de lui, d’abord en l’aspergeant de carburant, puis en touchant malencontreusement son hélice, ce qui a précipité sa chute dans les eaux de la mer Noire. Les Russes n’ont donc respecté aucune des règles du droit international et devraient, dans ces conditions subir une rétribution militaire.

Indulgence du Pentagone.

Ce n’est pas l’avis du Pentagone, dont l’indulgence a atteint un sommet. Le gouvernement américain, avec un sang-froid remarquable, s’est contenté de dénoncer la maladresse des pilotes russes, prêts à appuyer sur la gâchette, mais pas très ingénieux quand il s’agit de se débarrasser d’un drone. La réaction des États-Unis était tellement inattendue que le Kremlin a préféré nier toute l’affaire, en attendant de trouver une explication sur le largage de carburant et un rodéo aérien avec prise de risque maximale.

Fatigue mentale.

D’aucuns diront que, si bien traités par la sémantique américaine, les Russes seront tentés de récidiver. En réalité, ils ont besoin d’une leçon et la prochaine fois, ils éviteront de prendre le risque de déclencher un conflit militaire avec les États-Unis. L’affaire témoigne de la fatigue mentale de l’aviation russe, sans doute peuplée de têtes brûlées qui veulent en découdre et ont assimilé sans réserves la propagande du Kremlin. Les pilotes russes n’ont sans doute pas appris qu’un seul de leurs gestes risquait de conduire à une guerre nucléaire. C’est parce qu’ils se nourrisent aux « talk-shows » qui, tous les jours, grâce à des commentateurs aussi compétents qu’eux, ils pulvérisent dans leurs rêves les puissances ennemies.

Une forme de folie.

On veut bien ne pas paniquer, garder son sang-froid et ignorer une affaire où l’avant-garde technologique heurte de plein fouet l’épaisse bêtise d’esprits plus demandeurs de violences que de logique. Cette bétise est, en quelque sorte, une forme de folie : la course aux médailles et aux honneurs sur la place Rouge a infiniment plus de valeur que la paix. Consentira-t-on enfin à reconnaître que Joe Biden, traîné dans la boue urbi et orbi a plus de maîtrise de soi et même d’humour que le sieur Poutine ? Voilà un maître d’école coriace, qui, d’un mot (irréfléchi), a ridiculisé l’aviation militaire russe, pas plus fûtée que la civile ? Si cette guerre, avec son cortège de crimes, n’était aussi horrible, il y aurait de quoi rire tous les jours à assister à cette pantomime kremlinesque peuplée de guignols qui, à défaut de nous épouvanter, nous offrent sans discontinuer leur patriotisme de circonstance.

RICHARD LISCIA

 

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La faillite de la SVB

Joe Biden pas inquiet pour un sou
(Photo AFP)

Une banque californienne, la Silicon Valley Bank, a fait faillite il y a quelques jours, ce qui a fait soufler un vent de panique sur les marchés mondiaux, malgré les appels à la raison lancés par les banques centrales et par les gouvernements.

PEU DE GENS, en dehors de sa propre clientèle, ont entendu parler de la SVB, banque à la fois efficace dans le financement des start up et très discrète. La chute de la SVB n’a pas été accompagnée par d’autres dépôts de bilan, mais elle a entraîné un mouvement d’inquiétude que les autorités financières américaines et le président Joe Biden en personne ont tenté de calmer pour éviter une crise comparable à celle de 2008. L’incertitude vient principalement de mesures contradictoires : pour combattre la surchauffe inflationniste, les banques centrales ont vivement augmenté les  taux d’intérêt. Aujourd’hui, la question se pose : faut-il continuer de les augmenter, alors que le président Biden s’est engagé à rembourser la totalité des épargnants de la SVB ?

Des risques raisonnables.

Il y a en effet une bonne raison, pour les investisseurs, de se rassurer grâce à la générosité de M. Biden. Le mouvement de panique, aux États-Unis et en Europe, a cessé, un peu comme si M. Biden avait été convaincant. Mais le sentiment général est que la SVB n’est qu’une petite banque et ne saurait être comparée à l’effondrement des gros mastodontes en 2008. En outre, les investisseurs ne doivent pas se plaindre : leur métier est de prendre des risques, et, à l’occasion, quelques bouillons.

Le poison du laissez-faire.

Cependant, la faillite de la SVB ne se serait pas produite si les États-Unis, comme l’Europe, avaient mis en œuvre les règlements adoptés en 2008. Le laissez-faire a été un poison pour la SVB en particulier et pour la sécurité financière en général. Le gouvernement américain et la banque centrale des réserves (Fed) n’ignoreront pas que des fautes ont été commises et en poursuivront les responsables. Il n’est pas question que le réseau bancaire américain soit menacé par la spéculation de quelques-uns. L’ordre et la confiance ne reviendront sur les marchés qu’à ce prix.

Trois règles.

Ce que les Américains n’ont pas fait par laxisme et par paresse libérale, ils doivent le faire en montrant les crocs au nom de l’intérêt général. L’affaire de la SVB a en effet des racines idéologiques : on continue à croire que le marché se corrige tout seul alors qu’il ne le fait que sous la pression de l’urgence. Il ressort de l’affaire trois éléments essentiels :

  1. L’intervention de l’Etat et de la Justice est absolument indispensable en cas de danger, même lointain, pour le système.
  2. Les épargnants  doivent être protégés et distingués des investisseurs professionnels.
  3. La population doit admettre les règles, parfois vertigineuses, du marché tant qu’il s’agit d’une économie non dirigée.  Il est temps que le gouvernement américain prenne conscience des risques auxquels un excès de libéralisme expose la société américaine. RICHARD LISCIA
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L’équation insoluble

Macron dépeint en monarque absolu
(Photo AFP)

Ou bien le gouvernement réussit, d’ici à jeudi, à réunir une majorité absolue avec l’aide des Républicains ; ou bien il n’y parvient pas et la seule issue pour lui est de dégainer le 49/3.

OR IL N’Y A aucune certitude quant à l’afflux des voix LR, alors qu’un vote majoritaire est  infiniment plus légitime que le recours à un article que le gouvernement a déjà beaucoup utilisé. La suite dépend de cet épisode. Dans le cas d’une majorité absolue, l’exécutif aura gagné en légitimité et mis en opposition la majorité de l’opinion et la majorité parlementaire. Dans le second, le résultat sera déclaré illégitime par la France entière, même si l’article 49/3 figure  bel et bien dans la loi fondamentale.  C’est un peu l’avenir de la macronie qui est en question. Avec les voix de LR, le gouvernement amorcerait une stratégie qu’il n’a jamais cachée depuis que sa majorité est seulement relative. Il a déclaré qu’il ferait des réformes avec des majorités de circonstance, selon que la gauche ou la droite veulent bien « prêter » leurs suffrages.

Le danger du 49/3.

Le recours au 49/3 semble même hors de portée de l’exécutif. Il serait suivi par un tel tollé dans l’opinion publique que l’opération se révèlerait désastreuse et encouragerait le mécontentement jusqu’à la violence. C’est d’ailleurs pourquoi hier les ténors du gouvernement n’ont cessé de déclarer qu’il n’était pas question du 49/3 et se disaient optimistes quant à la posibilité de trouver la cinquantaine de suffrages qui manquent à la majorité absolue. Ce qui signifie que, en réalité, ils ne disposent que d’une option, dont l’inconvénient majeur est l’importance qu’elle donne aux Républicains, qui sont toujours dans l’oppposition, malgré le bout de chemin qu’ils ont consenti à faire avec la macronie au sujet de la réforme des retraites.

Ma réforme !

Cependant,  LR s’est profondément impliqué dans le modelage de la réforme au point que Bruno Retailleau, chef des sénateurs LR, a pu déclarer fièrement qu’il s’agissait de SA réforme des retraites ! Voilà Renaissance habillée pour l’hiver et livrée à toutes les formes de démagogie, d’autant que LR, pour mieux se démarquer de la macronie aux yeux de l’opinion, continue, non sans un certain cynisme, à la bombarder de commentaires vénéneux.

Un facteur illogique.

La réélection d’Emmanuel Macron avec une majorité relative l’an dernier contenait donc une faiblesse structurelle dont la macronie ne s’est rendu compte qu’au moment du lancement de la réforme. Une faiblesse sérieuse puisqu’elle va jusqu’à la crise de régime. Aussi n’est-il pas exagéré d’imaginer une victoire à la Pyrhhus avec un vote majoritaire mais suivi d’une telle exaspération populaire que le président de la République se verra peut-être contraint de faire un geste important, par exemple la dissolution de l’Assemblée nationale et des élections anticipées qu’il risque de perdre. Il peut aussi les gagner car, contrairement aux supputations arithmétiques que nous avons exprimées plus haut, il y a un facteur illogique dans tout raisonnement politique.

Quand tout est perdu…

En effet, la perspective d’une bataille électorale accroît les tensions mais  elles montreront que, en dehors de Macron, il n’y a pas grand-monde pour briguer la présidence. Le tout-Paris pense que ce sera le tour de Marine Le Pen, mais rien n’est moins sûr. On a trouvé, ces dernières semaines, les ministres quelque peu fatigués,ou trop jeunes ou incompétents mais il y a encore des poids-lourds, Édouard Philippe, Bruno Le Maire, et d’autres qui sont capables de succéder à Macron et de poursuivre sa politique. Comme quoi, quand tout est perdu, le mot renaissance a une signification bien réelle.

RICHARD LISCIA

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