L’Europe des 33

Macron à Bratislava avec le président tchèque
(Photo AFP)

À Bratislava, Emmanuel Macron, jusqu’à présent hostile à un élargissement de l’Europe, a envisagé une Union en cercles concentriques qui s’ouvrirait à quelques pays demandeurs d’adhésion. L’élargissement de l’UE ne sera pas une tâche facile. 

L’AGRESSION de l’Ukraine par la Russie a augmenté l’appétit d’Europe, seul système capable d’éloigner l’envahisseur. La prudence qui, naguère, recommandait aux États-membres d’achever l’intégration des plus récents adhérents avant de permettre à d’autres candidats de négocier, n’est plus de mise : le cas de l’Ukraine doit être examiné d’urgence : la Moldavie fournit des efforts importants pour acquérir les critères permettant  l’adhésion; la Turquie, toujours agitée, tempête tout en réclamant un statut qui l’autoriserait à avoir un pied dans l’Europe et un autre en dehors. Il y a tout un travail à accomplir pour mettre un peu d’ordre et de justice dans un climat tendu.

Trois cercles concentriques.

On voit bien ce qui est en jeu : une zone euro, noyau dur de l’intégration, une zone Union et une troisième zone avec des pays qui auraient un contrat de transition et parmi lesquels il y aurait l’Ukraine. Si la gouvernance est l’art de saisir les occasions historiques quand elles apparaissent, Macron est l’homme de la situation : il craignait un  élargissement trop rapide,  la guerre en Ukraine l’oblige, comme tous ses partenaires, à examiner le cas de quelques pays européens dans l’urgence.

Tour de Babel.

Nous ne pouvons pas signer des contrats avec des nations qui n’observent, à l’heure qu’il est, aucun des critères de Maastricht. Il en va de la signification même du mouvement d’intégration. Nous avons déjà montré que l’Europe, tour de Babel, se construit malgré la multiplicité des langues, des religions, des ethnies. Et nous-mêmes Français, devons retrouver la discipline d’avant Covid si nous voulons jouer un rôle utile dans l’élargissement.

OTAN, une arrière-pensée.

La plupart des pays européens jouent l’intégration dans l’Union, mais ne sont pas mécontents de bénéficier du parapluie américain. Il ne faut pas que l’espoir européen épouvante les Russes qui, déjà, se croient menacés par l’Occident dans son ensemble. Poutine ne se rend pas compte que, s’il renonçait à son illibéralisme, les Russes bénéficiant d’un accord avec l’UE, son pays serait heureux. L’avantage de l’Europe unie,  c’est qu’elle conquiert less cœurs, pas les territoires, qu’elle séduit, sans brutaliser personne, qu’elle attache sans user de la force.

Méfions-nous des « bonnes idées ».

Macron a raison de changer d’avis quand le monde est secoué par des crises sans précédent. C’est la marque de la flexibilité de son esprit et, de ce point de vue, Poutine devrait l’imiter au lieu de s’enfermer dans une doctrine largement périmée. Il suffit de comprendre que l’intégration européennee est une bonne chose, quoi qu’en pensent les Britanniques qui souffrent pourtant de l’avoir quittée. Comme la Russie, mais d’une autre manière, l’Angleterre aura été, et reste, l’exception qui confirme la règle. À côté de ce pouvoir vertigineux de l’espoir communautaire, les « bonnes idées », par exemple, quitter l’Union pour durcir la politique d’immigration nationale, c’est bel et bien jeter le bébé avec l’eau du bain.

RICHARD LISCIA

 

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Assemblée : démarche illégale

Charles de Courson (Liot) s’exprime à l’Assemblée
(Photo AFP)

Les députés du groupe centriste LIOT (Libertés, indépendants, Outremer et territoires) ont déposé, contre l’avis du gouvernement, une proposition de loi pour abroger la loi adoptée et promulguée sur la réforme des retraites.

C’EST UNE DÉMARCHE purement politique, sans rapport évident avec le fond du sujet. L’exécutif plaide l’illégalité de la proposition qu’interdit l’article 40 de la Constitution. Bien qu’elle soit soutenue par le Rassemblement national, la France insoumise et une partie des Républicains, la proposition n’a que de faibles chances d’être votée par une majorité de députés et pratiquement aucune chance de recevoir l’aval des sénateurs, majoritairement favorables à la réforme.

Un service à la carte.

Le gouvernement fait valoir en outre qu’il n’est pas sain de voter une loi privant l’État de 18 milliards de recettes. Mais la position de Liot est assise sur l’idée que, si le gouvernement utilise le 49/3 à sa guise, les députés ont le droit d’ignorer l’article 40. Tout à coup, les élus auraient la possibilité d’adopter des lois en choisissant les articles de la Constitution qui leur conviennent et d’ignorer les autres. Un service à la carte, en quelque sorte, mais les institutions ne sont pas un restaurant. On devine que les 21 membres de Liot souhaitent récrire l’histoire à leur façon, mais ils le font en coupant la Loi fondamentale comme un saucisson.

Le quart d’heure médiatique.

Le fermeté des pouvoirs publics semble donc, dans ce cas de figure, quelque peu excessive : il suffit de laisser  l’initiative de Liot  mourir de sa belle mort, d’autant que, même si par extraordinaire le Sénat l’adoptait, le Conseil constitutionnel la rejetterait. Les Liot ne manquent pas d’audace, mais ils n’ignorent rien des haies qu’ils ont à franchir. Il ne s’agit pas, pour eux, de défendre l’intérêt général, il s’agit de faire entendre leur voix, pendant le quart d’heure médiatique auquel aurait droit tout citoyen.

Chacun son  vice.

SI la Première ministre, Élisabeth Borne, s’est dressée avec tant de détermination contre la proposition de loi de Liot, c’est parce qu’elle se rend compte que la formation se livre à un abus de pouvoir, sous le prétexte que le gouverment ne cesse de commettre des attentats contre les institutions, ce qui n’est pas vrai. Toutes les actions de l’exécutif étaient inscrites dans le strict respect de la Constitution et la dérive combattue par Mme Borne consiste à exiger de l’Assemblée qu’elle se conforme à la loi, ce qui, en l’occurrence, n’est pas le cas.

Un précédent : le CPE. 

On imagine que Liot, qui a une mémoire d’éléphant, se souvient d’un précédent, la loi sur  le contrat première embauche (CPE), naguère voulu par le Premier ministre Dominique de Villepin, qui a été promulgué par Jacques Chirac et n’a jamais été adopté. Mais l’histoire ne bégaie pas nécessairement et ce qui a été accompli une fois ne sert pas d’exemple pour toutes les lois à venir. Centristes, les Liot, dévorés par la haine que leur inspire Emmanuel Macron, veulent lui infliger une défaite historique. C’est mettre les textes républicains au service de leur passion et non de la vision qu’ils ont de la société. Ils y sont encouragés par l’atmopshère de fin de règne que Jean-Luc Mélenchon et Marine Le Pen entretiennent, mais il s’agit en l’occurrence du mariage de la carpe et du lapin.

Toute l’affaire rabaisse l’Assemblée et le suffrage universel. Nous sommes maintenant au royaume des combinazioni, avec des cas de figure insensés, comme la vassalisation par Mélenchon d’un groupe de députés qui ne partagent pas la moindre de ses idées.

RICHARD LISCIA

 

 

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Les as de la longévité


Erdogan, ici avec son épouse, savoure sa victoire
(Photo AFP)

Des élections ici et là, organisées sous des formes diverses, ont permis à quelques potentats de rester au pouvoir. Certaines de ces consultations étaient pourtant libres. La nationalisme, exacerbé par la démagogie, explique quelques choix populaires.

EN ESPAGNE, Pedro Sanchez, Premier ministre de gauche, a été battu par la droite et annoncé des élections anticipées. Il n’a pas eu la chance de Recep Tayyip Erdogan, président de la Turquie, en ballottage favorable puis réélu au second tour, prolongeant ainsi une carrière politique qui dure depuis vingt ans. Cependant, le cas le plus scandaleux est celui de Bachar Al Assad, resté à la tête de la Syrie après une guerre civile qui n’est pas terminée. Il ne s’est pas consacré depuis le printemps arabe à une autre noble tâche que l’extermination de son propre peuple, avec l’aide active de la Russie, de la Turquie et de l’Iran.

Les Turcs préfèrent Erdogan.

Qu’est-ce qui nous vaut cette longévité de la tyrannie dans des pays aussi différents que la Syrie, l’Arabie Saoudite, la Chine ou la Russie ? Les règles générales ne s’appliquent pas. D’indéniables facteurs liés à l’histoire des peuples expliquent la résistance de leurs présidents. Pourtant, la logique devrait être battue en brèche par une colère si répandue dans les démocraties. Il est remarquable que la Turquie, épuisée par l’inflation  et par un séisme qui a fait plus de 50 000 morts, préfère Erdogan, considéré comme une « valeur sûre » à une alternative modérée. L’opposition kurde a manqué l’occasion de si loin que M. Erdogan n’a aucun souci à se faire au-delà du mandat qu’il vient d’obtenir.

Triangle d’acier.

Cependant, à lui seul, Erdogan représente un casse-ête pour les chancelleries occidentales. Renforcé par sa victoire et d’ailleurs salué par tous les chefs d’État ou de gouvernement, il se mêlera de tous les dossiers, comme il l’a fait jusqu’à présent, en Syrie, en Libye, en Ukraine (où il aide l’agresseur) et dans le reste du Moyen-Orient. Il fallait beaucoup d’optimisme ou de naïveté, dans le camp occidental, pour avoir espéré un instant son remplacement par le chef de l’opposition turque. Un triangle d’acier, composé de la Russie, de la Turquie et de l’Iran, va tenter maintenant de dominer le Proche-Orient et le reste de l’Europe. Seuls les Ukrainiens se battent pour échapper à cette domination.

Élections truquées.

Certes, d’autres pays, par exemple l’Iran ou l’Arabie saoudite, n’ont pas eu besoin des élections pour changer de diplomatie à l’avantage de leurs intérêts nationaux. L’ordre du monde est régi désormais par une multiplication des pôles forts. Les superpuissances ne se partagent plus l’influence sur le sort de la planète. Ce sont les puissances de deuxième catégorie qui se répartissent les pays qu’ils souhaitent contrôler. On y verrait un progrès démocratique s’il n’était entâché de tant d’irrégularités, en Turquie aussi où pleuvent les accusations de trucage des urnes.

L’immonde triomphe de Bachar.

Ce qui n’empêche pas nombre de partis politiques français de se réjouir du désordre et de défendre Vladimir Poutine sous le prétexte de l’anti-américanisme. Position d’ailleurs totalement illogique car, si l’influence des États-Unis diminue, nul besoin de les affaiblir davantage. Mais peu importe : pour certains gouvernements, l’essentiel est de sembler n’avoir aucun rapport étroit avec les États-Unis. Ce ne serait judicieux que si l’alternative était séduisante, s’il n’y avait derrière l’immonde triomphe de Bachar et la remontada d’Erdogan la victoire du despotisme sur la démocratie. Sujet, direz-vous, qui m’est cher mais dont on ne dira jamais assez combien il est essentiel.

RICHARD LISCIA

 

 

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Le festival de la grogne

La gloire hargneuse
(Photo AFP)

On croyait que le festival de Cannes était la fête du cinéma. Il n’en est rien. Quelques-uns des participants en ont fait une scène politique en attaquant la réforme des retraites et la politique culturelle du gouvernement.


LA GUERRE civile progresse si vite qu’aucun domaine n’est épargné : on comprend que les films en compétition traitent de sujets socialement et politiquement douloureux, on ne comprend pas que, au lieu d’apporter une pause dans le débat, ils en rajoutent à la crise. Mme Justine Tiriet, dont il ne faut peut-être pas exagérer la notoriété, a reçu la Palme d’Or pour son film « Anatomie d’une chute ». On s’en réjouit. Les téléspectateurs attendaient d’elle qu’elle prononçât quelques remerciements. Mais l’ingratitude est une tare insondable. Elle a fait un discours militant, de type mélenchoniste, pour dénoncer à la fois la réforme des retraites et la politique culturelle du gouvernement.

Contre -offensive de Rima.

Et en quels termes… « Le gouvernement a nié de façon choquante » la mobilisation et il « veut casser l’exception culturelle » Bonne cinéaste, peut-être, mais peu fiable sur l’exactitude des faits. Applaudie par toute la gauche et surtout l’extrême, elle a quand même obtenu une riposte de la part de la ministre de la Culture, l’excellente Rima Abdul Malak, qui semble avoir décidé de ne pas s’en laisser conter chaque fois qu’un artiste profite d’un prix qui lui est décerné pour stigmatiser le gouvernement.

« Ingrate et injuste ».

La ministre a rappelé l’effort de l’exécutif pour protéger la création intellectuelle. Comme l’a souligné le maire de Cannes, le LR David Lisnard, qui juge « ingrate et injuste » Mme Tiriet, la metteuse en scène a vite oublié le plan de Mme Abdul Malak de 350 millions d’euros en sept ans pour favoriser le cinéma français.  D’autres voix se sont levées, comme celle de Pierre Lescure, pour rejeter les propos à la fois fallacieux et pervers de Mme Tiriet.  Celle-ci reconnaît (un éclair de lucidité ?) qu’il lui est plus facile qu’à d’autres metteurs en scène de trouver le financement de ses films. Donc, elle parlerait en bonne altruiste ? Cette générosité, toutefois, passe par une remise en cause de l’exécutif. Comme quoi faire du cinéma ne vaut pas faire de la politique. Et reconnaître qu’on est un privilégié signifie qu’on dispose d’avantages à partager avec ceux qui n’en ont pas.

La politique du mensonge.

Ce n’est pas la première fois que le gouvernement est attaqué pour son insuffisance culturelle. Rima Abdul Malak a déjà été obligée de monter au créneau pour défendre un dossier dont l’exécutif n’a pas à rougir. Une cinéaste engagée a cru bon de s’en prendre à l’une des actions gouvernementales qui fonctionnent le mieux ; elle a même poussé l’audace et la perversité jusqu’à se plaindre d’être si bien traitée par l’État. Jusqu’à quand les intellectuels de gauche vont-ils faire la pire des politiques, celle du mensonge, au lieu de contribuer à la création ?

Il est vrai que les artistes n’ont rien à perdre, sinon leur liberté. Pour le moment, et Mme Tiriet a omis de le dire, personne ne suggère de les censurer. C’est le marché qui dit si un film est bon ou non, mais « L’anatomie d’une chute », aidé par sa Palme d’Or, fera, n’en doutons pas, une brillante carrière. C’est tout ce que nous souhaitons à Mme Tiriet en espérant néanmoins qu’elle cesse de se croire en enfer.

RICHARD LISCIA

 

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Écologie : l’heure de vérité

Patrick Pouyanné
(Photo AFP)

Total-Énergies réunit aujourd’hui son assemblée générale, ce qui lui vaut manifestations et heurts avec la police. Les défenseurs de l’environnement dénoncent les projet de Total qui a l’intention d’investir autant dans l’énergie fossile, responsable de l’effet de serre, que dans les technologies propres.

TOTAL étant une société privée, le gouvernement n’a aucune influence sur ses décisions. Il n’empêche qu’il devrait y avoir une adéquation entre la politique officielle de lutte contre le réchauffement climatique et les mesures prises par les industries, fussent-elles privées. Le choc entre manifestants et forces de l’ordre était inévitable et, pour le moment, les appels lancés par les pouvoirs publics à Total pour qu’il ajuste sa politique sont restés sans effet.

Un sophisme.

Il semble qu’il sera difficile de persuader le patronat qu’il y a urgence, que les mesures anti-réchauffement sont devenues indispensables si la France veut obtenir des résultats et l’entêtement des chefs d’entreprise reste enraciné dans l’idée qu’il faut aller vers les projets où il y a de l’argent. Pourtant, il n’est pas difficile de comprendre qu’en se lançant dans les nouvelles technologies, les entreprises contribueront à la ré-industrialisation  tout en luttant contre l’effet de serre. L’idée en vertu de laquelle la défense de l’environnement est coûteuse parce qu’elle serait l’ennemie du profit est un énorme sophisme qui ne rend guère service à l’intérêt général.

Pouyanné veut être augmenté.

On ne peut pas se trouver à la tête de Total et ne pas savoir les raisons d’un  engagement franc et irréversible en faveur des technologies nouvelles. Patrick Pouyanné, PDG de Total, est dans tous les collimateurs des écologistes, à la fois parce que son influence personnelle sur le climat est importante et parce qu’l touche un salaire et des primes dont le montant s’élevait à 7,33 millions d’euros en 2022 ; et que, comme n’importe quel employé, il demande une augmentation pour cette année.

Une affaire d’État.

L’État serait plus à l’aise pour mettre de l’ordre dans la maison s’il en possédait ne fût-ce qu’une faible partie. Mais Total Énergies est complètement indépendant et les pouvoirs publics ne peuvent agir comme s’ils avaient une fauteuil au conseil d’administration. Il n’empêche que l’environnement est une cause nationale, l’une des toutes premières, et mérite que nos concitoyens, représentés par leurs élus, donnent leur avis sur ce qui est leur avenir immédiat.

Gagner de l’argent avec l’écologie.

Pour une fois, l’emballement des manifestants d’aujourd’hui n’est ni excessif ni illégal. Ils ne font que demander que l’on donne un espoir aux générations qui arrivent, qu’on ne sous-estime pas la crise du climat, et que, enfin, la nation se retrouve dans un consensus simple : il faut abandonner l’analyse selon laquelle le nettoyage progressif de la planète coûterait de l’argent. C’est tout le contraire : la lutte contre le réchauffement peut parfaitement s’inscrire dans le modèle capitaliste. Il y a plus d’argent à gagner dans l’électricité que dans le gaz ou dans le pétrole.

Un risque de faillite.

Le pouvoir doit afficher sans réserves cette conviction et donner l’exemple en toute circonstance. Il est temps d’oublier l’écologie triste faite de sacrifices et d’y voir, au contraire, une procédure qui respecte les hommes, les animaux et le règne végétal. Nous n’avons pas encore de projet de dimension nationale. Nous ergotons en pensant à l’emploi, aux bénéfices, aux équilibres. Certes, on ne va pas protéger la planète en claquant des doigts et chacun d’entre nous admettra qu’il doit participer personnellement à la bataille. De la même manière, nous devons exiger des autres pays qu’ils s’engagent en faveur du climat. Mais cela ne signifie pas que devions attendre les autres pour commencer à faire notre part du travail. Le « suivisme » nous conduirait tous à la faillite.

RICHARD LISCIA

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Le jeu pervers de LR

Wauquiez, ultime espoir de LR
(Photo AFP)

Le parti Les Républicains, toujours pressenti pour participer à une coalition avec majorité absolue à l’Assemblée nationale, a rejeté le plan immigration du gouvernement pour imposer le sien. LR entend bien durcir les dispositions de l’immigration en France et, conformément à l’air du temps, peut parfaitement y parvenir.

ET IL peut même récidiver. À  la politique de la majorité, qui cherche à conclure, pour chaque réforme ou projet, une majorité de circonstance,  il espère riposter en faisant voter des textes issus de ses propres instances. Jusque là, aucun souci : un parti doit avoir un programme spécifique. Encore faut-il qu’il soit applicable. LR oublie que, si le pouvoir n’a pas une majorité absolue, la droite classique en France est minoritaire, notamment à cause d’une fraction de son électorat qui lui a tourné le dos pour voter Le Pen.

Ciotti au Danemark.

Les Républicains sont convaincus qu’Emmanuel Macron n’a pu faire carrière qu’en arrachant des voix à LR.  Ils ont même été plus généreux que ça et ont envoyé une partie de la classer ouvrière accorder ses suffrages au Rassemblement national. Éric Ciotti vient de se rendre au Danemark où il a loué un programme d’immigration particulièrement sévère, mais favorisé par des exceptions au traité de Maastricht et par la faiblesse des flux migratoires au Danemark. Qu’est-ce que cela veut dire ? Que l’expérience danoise est unique et ne peut, en l’état, être reproduite en France ; que LR risque d’être lâché par ceux des électeurs qui préfèreront l’original à la copie ; et que la droite classique n’a aucune chance d’empêcher le transfert des électeurs de droite vers Marine Le Pen.

L’hypothèse d’un Frexit.

À quoi il faut ajouter que la France, elle, n’a jamais négocié et encore moins obtenu les exceptions dont se sert le Danemark. Littéralement, une politique sévère d’immigration passerait par la rupture des liens de la France avec l’Union européenne. Un « Frexit » pur et simple. Ce que le Rassemblement national ne propose même pas. On voit mal Laurent Wauquiez, élu président de la République en 2027, claquer la porte de l’Union. Cela s’appelle écraser une mouche avec une arme lourde.

LR : « Cétait le bon temps… »

Les idées agitées constamment par LR ne risquent donc pas de se concrétiser un jour, ou alors elles passeront au détriment de tout ce qui fait l’énergie et le dynamisme économique de la France. De fait, comme d’autres partis dont l’obsession est la présence de M. Macron à l’Élysée, LR est en train de tailler pour le président un costume sur mesures, en négligeant les conséquences inéluctables d’une stratégie qui imiterait celle du RN. Les Républicains font le pari, plutôt osé, d’un retour au statu quo ante, avec une droite forte et une extrême droite incapable de s’emparer du pouvoir par les urnes.

Il n’y a plus qu’à attendre 2027, pour autant que la crise migratoire qui se développe en Europe peut être soignée pendant quatre ans par des cautères sur une jambe de bois. Bien entendu, les ténors de LR savent tout ce qui est écrit ici et n’ont pas besoin de lire notre chronique pour adapter leur politique à la réalité de la conjoncture. Leur chance est ténue, mais ils veulent la tenter, croyant que, le moment venu, la candidature de Laurent Wauquiez sera acclamée par un peuple enthousiaste. C’est une vision un peu facile de l’avenir fondée non pas sur l’espoir mais sur un sursaut de survie.

RICHARD LISCIA

 

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Dette : la longue marche

Bruno Le Maire, ministre et romancier
(Photo AFP)

Le gouvernement a décidé hier de réduire de 1% les fonds destinés aux ministères pour l’année budgétaire. Ce n’est que le début d’une longue marche dont l’objectif est de ramener le déficit budgétaire à moins de 3% en 2027, dernière année du second mandat d’Emmanuel Macron.

LES POUVOIRS PUBLICS s’attaquent à une dette de 3 000 milliards d’euros et nous ne perdrons pas de temps à souligner la gravité de la situation financière de la France, contrainte d’emprunter chaque année pour ses dépenses courantes en dépit d’une hausse sensible des taux d’intérêt. Le pire serait de laisser courir les déficits ou de céder à l’impuissance, ce qui nous jetterait dans le panel des nations mal gérées.

Compétitivité.

Le gouvernement a lancé un signal relativement fort, qui contient un message non moins important : il faut rembourser la dette et renvoyer à nos partenaires une image améliorée. Mais il faut d’abord passer sous les fourches Caudines des agences de notation et de nos partenaires européens, dont l’Allemagne, premier client de la France, qui doit accepter notre effort de ré-industrialisation. La dette peut être remboursée de plusieurs manières, notamment par l’inflation qui en réduit le volume. Elle est bien mieux assurée par la compétitivité commerciale, par un regain des exportations et par une baisse des prix à long terme.

Un romancier.

Le ministre de l’Économie, Bruno Le Maire (potentiel candidat à la présidence de la République en 2027) se montre rassurant et présente son projet de réduction de la dette comme une réalité. Il ne donne pas l’exemple quand cet énarque doublé d’un normalien publie des romans, parfois à résonance érotique, qui montrent son don d’ubiquité. Il peut prétendre qu’il est de ces intellectuels bardés de diplômes qui mènent des tâches multiples sans rapport aucun, mais qui, éventuellement confronté à la charge de la présidence de la République, parviendrait, pratiquement sans effort, à surmonter toutes les difficultés.

Une course encore discrète.

De fait, Bruno Le Maire n’a aucune chance s’il n’a pas démontré entretemps qu’il a dompté cette bête qui ronge notre économie, une dette excessive. Sa campagne électorale a donc commencé et il devra s’y consacrer sans doute à plein temps jusqu’à la fin du mandat de Macron. Les autres prétendants à l’Élysée, Édouard Philippe, Laurent Wauquiez, Gérald Darmanin et d’autres, ne subiront pas ce handicap. Édouard Philippe est capable d’une patience infinie, Laurent Wauquiez vient à peine de se lancer dans la course dans un grand entretien avec « le Point » et Gérald Darmanin fait ce qu’il fait le mieux, réprimer.

Un marathon, pas un sprint.

Rien de tout cela ne nous dit qui le peuple choisira en 2027, tant il est vrai que le président de la République n’est jamais une simple somme de qualités ou de vertus. L’élu sera celui qui aura dompté l’inflation, préconisé une diplomatie prudente et maintenu la veille militaire à laquelle nous sommes contraints depuis que Vladimir Poutine a des aspirations impérialistes. Le monde, c’est entendu, est de plus en plus dangereux mais nous n’avons pas de planète de rechange, en tout cas pas pour le moment, et nous sommes bel et bien forcés de la conserver, ce qui implique un effort sérieux de lutte contre le réchauffement climatique.

Nous avons compris que les progrès sont encore insuffisants, et que là aussi, l’effort est celui du marathon plutôt que celui du sprint. En France nous avons plus de normaliens que d’athlètes, de sorte que userons de leur talent jusqu’à la corde. Ils sont prêts au supplice surtout, dans le cas de M. Le Maire, s’il est lent et lui permet de continuer à écrire des romans légers.

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Le calvaire de l’hôpital

François Braun et Arnaud Robinet, maire de Reims
(Photo AFP)

Deux femmes, une infirmière de 38 ans et une secrétaire médicale, ont été agressées au couteau par un homme déséquilibré de 59 ans à l’hôpital de Reims. L’infirmière est décédée.

CE TRÈS GRAVE incident illustre la crise hospitalière : le manque d’effectifs et l’absence d’une sécurité élémentaire sont criants et mettent dans l’embarras le ministre de la Santé, François Braun, qui a prévu une réunion cette semaine avec les institutions concernées, dont on ne peut pas attendre des mesures efficaces dans l’immédiat. Un rapport indique que les hôpitaux ont besoin, dès cette année, d’un milliard et demi d’euros. Le gouvernement essaie de ramener à leur travail les soignants qui ont refusé d’être vaccinés contre le Covid et, pendant que les discussions vont bon train, des incidents fatals se produisent.

Connu des services de police.

D’autant que l’assassin s’est déjà fait remarquer à plusieurs reprses en se livrant des provocations au sein des hôpitaux et qu’il était relativement facile de le repérer. Personne ne remplacera l’infirmière décédée. Si la colère des infirmiers est compréhensible et naturelle, le manque de moyens financiers pour doter les hôpitaux des effectifs dont ils ont besoin n’a jamais été comblé.  Il nous semble évident que l’accès à l’hôpital doit être contrôlé, ce qui n’est pas toujours le cas et que les éléments indésirables ne doivent pas dépasser le stade de l’accueil. Des vigiles costauds doivent être mis en place pour refouler les perturbateurs, avant qu’ils ne passent à l’acte.

Chagrin et solidarité.

Nous nous associons à toutes les marques de chagrin et de solidarité avec la famille de l’infimière décédée, mais nous avons le sentiment qu’un tel incident va se reproduire, parce que nous restons dans la conception familiale de l’hôpital, censé être un lieu d’accueil ouvert à tous. Il est temps d’adapter nos structures à la nouvelle réalité : c’est celle d’une violence qui a atteint toutes les strates de la société française. L’hôpital ne doit pas rester ouvert à tous les pervers et à tous les détraqués. Il ne peut remplir ses fonctions que si la sécurité y est inviolable.

Borne doit traiter le dossier.

Faute de pouvoir espérer une réaction immédiate et utile des autorités, nous sommes condamnés à craindre qu’une nouvelle agression mortelle se produise. De doctes observateurs préconisent une « refonte » des structures hospitalières françaises, comme si elle était rapide et efficace. La vérité se situe au niveau des moyens financiers accordés à l’hôpital dans un contexte de déficit budgétaire et de dette. Le ministre, à lui seul, n’a pas la solution. La Première ministre, Élisabeth Borne, doit s’emparer du dossier et rassurer les soignants en apportant la preuve qu’infirmiers et médecins seront dorénavant mieux protégés dans l’enceinte de l’hôpital.

RICHARD LISCIA

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La tentation totalitaire

La vengeance pour projet
(Photo AFP)

Le nombre de démocraties ne cesse de diminuer dans le monde. Il est difficile d’en dresser la liste dans la mesure où nombre de nations se sont dotées d’institutions à l’apparence démocratique mais n’en sont pas moins autoritaires. 

C’EST L’ÉVOLUTION régulière des régimes depuis le début du XXIè siècle. Sur tous les continents, le suffrage universel est mis en doute et s’il est officiellement appliqué, il sert les intérêts du potentat en place. Les États où les élections ont lieu s’en servent pour perpétuer le pouvoir d’un seul homme. Même en Europe, où les conditions d’adhésion sont strictes, le pouvoir a parfois inventé la démocratie dite illibérale, qui est une façon de contourner les contraintes liées au  suffrage universel.

Des systèmes imparfaits.

En Amérique Latine, la majorité des peuples sont soumis à un gouvernement autoritaire. Même aux États-Unis, une bonne moitié de la population remet en cause l’unité de la Fédération et veut se donner un leadership prêt à changer la constitution pour satisfaire ses ambitions : isolationnisme, nationalisme, et rejet des grands ensembles. En ôtant les limites de son pouvoir, grâce à une succession de référendums, ou à des systèmes électoraux qui distinguent la majorité populaire et celle des grands élus, comme aux États-Unis, un candidat à la présidence peut être élu même s’il est minoritaire en voix populaires. Ce fut le cas de Trump en 2016 qui entra à la Maison Blanche avec trois millions de voix de moins qu’Hillary Clinton.

La cas Poutine.

L’autre aspect du durcissement  politique des régimes autoritaires, c’est qu’ils exportent leur propre évolution et offrent un exemple ou une tentation pour les pays respectant le suffrage universel. Vladimir Poutine apparaît aujourd’hui comme un monstre capable de détruire la totalité de l’Ukraine, il a encore des amis au Brésil, peut-être en Inde, et dans divers pays qui souhaitent, par exemple, avoir tous les avantages de la construction européenne mais en refusent toutes les contraintes.

Des régimes anti-écologiques.

On aura remarqué sans doute que la tentation illibérale ou totalitaire se répand de plus en plus dans le monde depuis le début de ce siècle. Elle coïncide avec ce cauchemar qu’est le réchauffement climatique. Inutile de dire que les pays à régime autoritaire entendent ne jamais rendre compte de leur politique environnementale. Ils n’en ont pas, même s’ils feignent de partager la préoccupation écologique des pays démocratiques, seul siège d’un débat qui concerne notre existence même et les dangers auxquels à terme nous serons exposés.

La paix s’éloigne.

Le despotisme a, pour ceux qui le pratiquent, l’avantage de les libérer de toutes les contraintes. Non seulement ils n’écoutent pas les pays engagés dans la lutte contre l’effet de serre, mais ils ont bel et bien l’intention de les conquérir. La Russie, par exemple, a des visées sur l’Ukraine, sur la Géorgie et sur la Moldavie. Poutine n’a toujours pas compris que s’il appliquait une politique libérale, il ne se croirait pas cerné par l’OTAN. De la même manière, la Chine se croit obligée de se venger des années d’humiliation que lui ont fait subir des armées impérialistes. Inutile de rappeler à Pékin que le statut mondial de la Chine a  changé et que, si la Grande-Bretagne et les États-Unis doivent payer chaque exaction qu’ils ont exercée autrefois sur les Chinois, la paix sera impossible et pour longtemps.

Le G40 des assassins.

Le plus consternant est qu’un nouvel ordre mondial est en cours de constitution avec la participation des pires roitelets de la planète. La Ligue arabe s’est réconciliée avec Bachar Al Assad, le bourreau syrien qui a exterminé son peuple ; l’Iran et l’Arabie saoudite, que la religion sépare, commencent à se rapprocher ; le prince Mohamed Ben Salman, celui qui a fait exécuter un dissident dont le corps a été disloqué et fondu dans la soude au siège de l’ambassade saoudienne en Turquie, est passé du statut de paria à celui d’un des tout premiers diplomates arabes. Ne parlons pas des Iraniens qui auront bientôt l’arme nucléaire mais retrouvent pignon sur rue, ni de l’Afghanistan livré à des djihadistes qui, aujourd’hui, réclament une aide financière américaine ou des Pakistanais qui se chamaillent au sommet tandis que le peuple attend une meilleure gestion.

Non sans horreur, on imagine une sorte de G30 ou 40 qui réunirait tous les assassins notoires que l’on trouve à la tête de la diplomatie internationale. Ce n’est pas seulement consternant, c’est affolant.

RICHARD LISCIA

 

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La destruction de l’Ukraine

Zelensky et Macron sur la même ligne
(Photo AFP)

Les annonces d’une contre-offensive de l’armée ukrainienne se multiplient, mais la réalité sur le front est beaucoup plus sombre : à chaque revers qu’il essuie, notamment à Bakhmout, Vladimir Poutine se venge en tuant des civils et des enfants.

LES PROPOS tenus sur les médias sont plutôt optimistes : non seulement l’Ukraine résiste, mais elle a conquis du terrain autour de Bakhmout, où Evguéni Prigojine, chef de la milice Wagner, ne peut plus se targuer d’être invincible.  Mais le tableau général est peu encourageant : on se perd en débats infructueux en Occident au sujet des armes à livrer à l’armée ukrainienne, la vérité est que les bombardements aveugles des Russes n’épargnent aucune grande ville et tuent tous les jours des civils.

Trois raisonnements.

Le premier raisonnement à tenir concerne Poutine : il ne respecte aucune règle, de sorte que ses ennemis ne sont pas obligés de se mettre en danger en évitant systématiquement de tirer sur le territoire russe. La méthode du Kremlin doit être combattue par une méthode similaire. L’idée est qu’il ne faut pas chatouiller l’une des grandes puissances nucléaires ne vaut rien quand on pense aux dommages qu’il cause à l’Ukraine. Poutine ne connaît que la force et quand les civils verront les fusées ukrainiennes tomber sur leur sol, ils commenceront à poser des questions sur l’évolution du conflit, leur sécurité et leur avenir.

Un barbare pas fou.

Le second porte sur le risque d’une riposte nucléaire russe. Poutine est une brute, mais il n’est pas fou. On ne peut donc pas dire à la fois qu’il est fou et dangereux. Il a créé une logique qui est devenue son credo. Il a à peu près tout fait pour déclencher une riposte ukrainienne massive. Il n’est donc par surpris pour sa part par les sabotages qui, désormais, ont lieu régulièrement en territoire russe.  Il se venge d’une manière barbare, mais sa conduite de la guerre est suicidaire ; il périra parce que c’est un maniaque tout juste bon à faire couler le sang ukrainien, et qu’il a déjà démontré son impuissance stratégique.

La timidité des Occidentaux.

Le troisième raisonnement concerne les hésitations, les craintes et les reculs des Occidentaux qui redoutent, à tort, de s’engager dans un conflit militaire avec Moscou ou pire, une guerre nucléaire. Cette perspective se serait déjà matérialisée à cause des provocations insensées de Poutine. Il ne peut pas faire pire que ce qu’il fait aujourd’hui. Il a reçu le message des Européens et des Américains : le recours à l’arme nucléaire par la Russie assurerait sa vitrification.

Hitler le petit.

Au risque de passer pour un va-t-en guerre qui ne risque rien, je continue à penser qu’une aide plus large à l’Ukraine n’entraînerait pas une nucléarisation du conflit. Que Poutine peut être comparé à Hitler ; qu’il a fait de son mépris des Ukrainiens le prétexte d’une démolition systématique de leur pays ; qu’il faut donner un coup d’arrêt à sa prédilection pour la sauvagerie et que les Russes n’ont pas le choix : ou bien ils démettent leur dictateur, ou bien les Ukrainiens le feront à leur place.

Aucune alternative.

Le comportement inhumain du maître du Kremlin n’offre aucune alternative : ni aux Occidentaux qui doivent passer outre leurs états d’âme et donner à Zelensky les armes dont il a besoin (étant entendu que les conséquences de cette politique seront moins graves qu’ils ne le pensent), ni à Poutine qui a tout fait pour être personnellement ciblé par un assassin, ni enfin aux Ukrainiens seulement désireux de reconquérir leur territoire mais forcés par la paranoïa du dictateur à gagner la guerre et à le sortir du Kremlin.

Ce dont les Russes les remercieront plus tard.

RICHARD LISCIA

 

 

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