Antisémitisme : le geste de Hollande

 

François Hollande dimanche
(Photo AFP)

François Hollande, rompant pour la première fois avec le mitterrandisme, a reconnu le rôle de la France dans la Shoah à l’occasion d’une cérémonie commémorant la rafle du Vel’ d’Hiv’ de juillet 1942 à Paris. Il s’est référé à Jacques Chirac qui, en 1995, a été le premier président français à dénoncer l’attitude de l’État français pendant l’Occupation et à en assumer la responsabilité.

LE DISCOURS du président n’était pas improvisé. Une première commémoration de la rafle avait eu lieu le 15 juillet ; M. Hollande, pendant un bref séjour en Corrèze la semaine dernière, avait rencontré Jacques Chirac pendant 45 minutes ; il avait aussi reçu une délégation du CRIF (Conseil représentatif des institutions juives) alarmée par la recrudescence de l’antisémitisme en France. Il a donc pris une décision mûrement réfléchie dont les implications sont à la fois éthiques et politiques. Il a d’ailleurs pris un soin extrême à rendre à M. Chirac ce qui lui appartient, façon de mettre fin à la légende du « roi fainéant » chère à Nicolas Sarkozy, lequel, pour sa part, n’a jamais cru bon de reprendre à son compte la position de son prédécesseur sur les aberrations de la France occupée.

Bien que les historiens soient très hostiles à l’appropriation de faits historiques par les gouvernements, la Shoah est enseignée dans les écoles, avec un succès mitigé. Pour des raisons liées au conflit entre Israéliens et Palestiniens, beaucoup de collégiens et lycéens d’origine maghrébine assistent à ces cours avec indifférence, déplaisir ou franche hostilité. Or le récit d’un passé qui n’est pas si lointain devrait servir à prévenir la hausse sensible du nombre des propos ou des actes antisémites, parfois violents, que favorise l’interminable conflit du Proche-Orient. En même temps, l’hostilité d’un certain nombre de musulmans à l’égard des Français juifs semble avoir libéré la parole des non-musulmans. Le discours du chef de l’État a été explicite sur ce point central : « L’antisémitisme, a-t-il déclaré, n’est pas une opinion, c’est une abjection ». Le souvenir de la Shoah n’est donc pas une complaisance du genre masochiste. C’est un antidote au racisme ambiant qui, certes, prend de nouvelles formes, mais demeure ce qu’il a toujours été, une haine inexplicable à laquelle les racistes trouvent des explication sans cesse irrationnelles.

Mêmes causes, mêmes effets.

M. Hollande a estimé qu’il devait répondre à l’anxiété de la communauté juive et dénoncer l’antisémitisme avec sévérité. Était-il obligé pour autant de rappeler le rôle délétère de la France pétainiste ? Chaque nouveau président doit-il se prononcer sur le sujet ? Il l’a fait d’abord parce que les mêmes causes produisent les mêmes effets : quand l’intolérance progresse, elle peut conduire à des atrocités qui défigurent une société ; il l’a fait ensuite pour dire aux néo-antisémites qu’ils sont faits du même bois que les anciens et qu’ils doivent réagir pour leur propre salut, pas pour celui des juifs ; il l’a fait dans le cadre de sa vision d’une « République irréprochable ». Certes, la référence à Jacques Chirac constituait un moyen détourné de rappeler que Nicolas Sarkozy, qu’il s’attache par tous les moyens à effacer de la mémoire politique des Français, n’avait aucun goût pour ce qu’on a appelé un peu trop négativement « repentance », alors qu’il s’agit seulement de regarder avec courage le passé du pays. Une nation n’est pas grande parce qu’elle n’aurait commis aucun crime (citez m’en une qui se serait forgée dans la pureté morale) mais parce qu’elle sait les reconnaître, les admettre et les assumer pour éviter de les reproduire.

On ne saurait donc nier à François Hollande qu’il acquiert rapidement la stature d’homme d’État à laquelle il aspire. On discutera à l’infini de son programme de redressement du pays. Mais il n’y a pas que les comptes, le budget, le chômage, les déficits, la dette. Nous ne pouvons pas sacrifier nos convictions républicaines et laïques, notre culture de la tolérance, à la crise. De ce point de vue, le discours de M. Hollande aura été magistral.

RICHARD LISCIA

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