L’Allemagne et nous

 

Hollande et Merkel
(Photo AFP)

François Hollande dîne aujourd’hui à Berlin avec Angela Merkel. Leur conversation devait porter principalement sur la Grèce, dont le nouveau gouvernement de droite réclame un assouplissement des règles draconiennes que lui ont imposées l’Union européenne (UE) et le Fonds monétaire international (FMI) ; lesquelles ont plongé ce pays dans une dépression économique qui dure depuis cinq ans.

LA GRÈCE a sûrement besoin d’un répit : l’exercice d’austérité sans précédent auquel l’ont conviée l’UE et le FMI n’est pas probant. Les meilleurs experts reconnaissent que la technique en vertu de laquelle l’équilibre budgétaire doit être obtenu par de fortes réductions des salaires et des pensions est contre-productif. Sans perdre de vue l’objectif du retour aux équilibres, l’Union doit admettre, même si le comportement des Grecs est blâmable à plus d’un titre, que l’assainissement des finances d’un pays doit être étalé dans le temps. On a vu en effet, dans les cas espagnol, italien et portugais, que la sévérité des mesures aboutit à la catatonie économique, sans que les marchés accordent, au propre comme au figuré, un plus grand crédit aux pays concernés.

Si l’on en juge par le programme du président de la République, qui contient des mesures susceptibles d’améliorer le pouvoir d’achat des Français, quitte à créer des emplois artificiels en sollicitant, une fois de plus, les moyens de l’État, la réflexion du gouvernement, vivement préoccupé par la croissance, s’oriente plus vers un regain d’activité que vers une réduction des dépenses publiques. Ce qui, comme nous le disions hier, peut se traduire, in fine, par un étalement dans le temps du long chemin à parcourir pour revenir aux équilibres budgétaires en France. Si la Grèce est un sujet urgent, la chancelière allemande ne manquera pas d’interroger le président français sur ses intentions : de quelle manière s’y prendra-t-il, dès l’automne prochain, pour présenter un budget de 2013 dont le déficit ne dépasserait pas 3 %, comme il s’est engagé à le faire pendant la campagne électorale ? Pour le moment, il est toujours loisible à M. Hollande de répondre qu’il parviendra à accomplir ce qu’il a dit. Mais comment trouvera-t-il les 33 milliards d’économies qui sont requis ?

Deux séries de décisions.

En réalité, la situation de la zone euro requiert deux séries de décisions. La première répondra à l’urgence. Si l’on en croit les milieux les plus avertis, le président de la Banque centrale européenne (BCE), Mario Draghi, donnera une suite concrète à sa déclaration tonitruante de juillet (« Nous ferons tout pour sauver l’euro »), qui a stimulé les marchés de façon extraordinaire et relativement durable, puisqu’ils sont en progression depuis les propos de M. Draghi. Il devrait donc y avoir, à l’automne, une intervention de la BCE si massive qu’elle permettrait enfin d’encourager les banques à ouvrir les vannes du crédit et à se prêter mutuellement de l’argent. Ce qui, en principe, devrait relancer les économies de la zone, beaucoup mieux que ne le fera l’application du pacte de croissance obtenu par François Hollande lors du dernier sommet européen de juillet.

Une intervention de la BCE empêcherait l’effondrement de la zone euro, la débandade, l’appauvrissement des Européens, bref le chaos. Mais le fond du problème restera entier. Les dirigeants de la zone – et c’est la deuxième série de mesures- doivent donc renforcer et appliquer les dispositions du traité européen conclu en juillet et qui, elles, ne seront efficaces que sur le long terme. D’abord, il s’agit de revenir aux équilibres, ce qui implique que, dans un laps de temps qui ne saurait excéder quelques années, tous les budgets publics reviennent à l’équilibre. Cela n’abolira pas le recours aux emprunts d’État, car il faudra continuer à trouver de l’argent pour assurer le service d’une dette dont le montant n’aura pas diminué. Ensuite, on s’orientera sérieusement et, quoi qu’en pensent les souverainistes, vers une convergence économique et fiscale. C’est, à n’en pas douter, un travail de longue haleine. Aussi serait-il temps de commencer à travailler dans ce sens. Peut-on dire que la rafale de mesures dépensières annoncées mercredi par le Premier ministre, depuis la réduction provisoire des taxes sur les carburants jusqu’aux « emplois d’avenir », va dans le sens de cette convergence avec l’Allemagne ou même l’Italie, devenue très chiche de ses deniers publics? Non.

Le gouvernement français peut toujours, dans les coulisses, dénoncer la rigidité de Mme Merkel et souhaiter l’arrivée des sociaux-démocrates allemands au pouvoir. Il ne peut pas balayer d’un revers de la main une tâche sacrée au sujet de laquelle il n’a pas donné, à ce jour, le moindre signe qu’il allait l’accomplir. Ce n’est pas l’Allemagne qui va dicter notre conduite ; ce n’est pas pour rassurer les Européens que nous devons adopter comme première valeur la vertu fiscale ; ce n’est pas parce qu’une austérité aveugle finit pas devenir insupportable que nous avons le droit de dépenser à tout-va. C’est parce qu’il s’agit de l’intérêt national.

RICHARD LISCIA

 

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