Les atouts de Hollande

Ayrault multiplie les interventions
(Photo AFP)

Si on additionne les critiques de la droite et celles de la gauche (la presse qui a milité en faveur de l’élection de François Hollande ne se prive pas de dénoncer certaines de ses mesures), on en vient à croire qu’à l’enthousiasme soulevé par le triomphe de la gauche succède une frustration populaire des plus inquiétantes. Voici pourquoi il ne faut rien dramatiser.

LE PRÉSIDENT de la République n’aura bénéficié d’aucun état de grâce. Cela peut surprendre si l’on tient compte de son remarquable parcours électoral, la ferveur et l’unité retrouvée des socialistes,  la violence de l’antisarkozysme, l’appropriation par le PS de toutes les clés du pouvoir. Il n’y a pas de citoyen raisonnable qui puisse croire que M. Hollande devait régler tous les problèmes d’un coup de baguette magique. Il n’y a pas non plus d’erreur de gestion, prudence, hésitations, oscillation permanente entre la volonté de changement et nécessité de ne pas jeter le bébé avec l’eau du bain que le même citoyen ne puisse comprendre. Le chef de l’État (dont on dit qu’il songerait déjà à se séparer de son Premier ministre, analyse téméraire) était assuré que la droite défaite ne lui ferait pas de cadeaux. La presse de gauche et l’audiovisuel ne pouvant conserver leur crédibilité que dans une objectivité recouvrée, ne risquaient pas, de leur côté, de céder à une adoration béate.

Le gouvernement s’est néanmoins remué sous l’aiguillon de quelques commentaires acerbes. Prié de faire preuve d’autorité, Jean-Marc Ayrault a multiplié les interventions publiques. Ce qui donne un mélange d’eau glacée et d’eau bouillante : on fait baisser artificiellement, provisoirement et en perdant de l’argent, les prix de l’essence ; on adresse aux Roms deux messages, carotte et bâton ; on aborde en urgence l’assaut contre le chômage en accélérant les contrats jeunes ; on reparle du non cumul des mandats, comme si la vertu politique suffisait à donner du baume au coeur du peuple ; et, après que M. Hollande eut déclaré, dans son discours fondateur du Bourget, qu’il avait un ennemi, la finance, M. Ayrault et ses ministres courent à la réunion du patronat, découvrant tout à coup que, sans les entreprises, il n’y aura pas de redressement économique possible. Et pas davantage sans les banques que l’on hait.

Déjà les « cocus » de Hollande.

Qu’est-ce qu’ils veulent, ceux que « l’Express » appelle « les cocus de Hollande », comme on parlait en 1983 des cocus du mitterrandisme ? Que la classe supérieure paie la totalité des augmentations d’impôts ; que, à défaut d’emplois privés, le gouvernement crée de nouveaux postes de fonctionnaires ; qu’on en finisse avec le nucléaire et qu’on développe les énergies de substitution ; et, peut-être, qu’on ne leur parle plus de la dette et des déficits. C’est la recette pour un désastre historique et définitif dont le pays ne se relèverait pas. À tout prendre, les mesure mi-chêvre mi-chou de M. Hollande sont préférables à un grand soir socio-économique qui, dans un environnement où l’autarcie, toujours catastrophique (et que notre appartenance à l’Union européenne rend impossible), achèverait notre dynamisme moribond.

Dans tous les malheurs qui nous frappent comme les sept plaies d’Égypte, la responsabilité de la classe politique, des institutions, des banques et même de beaucoup d’entreprises est grande. Cela fait un nombre élevé de coupables qui restent un mal nécessaire. On peut faire table rase du passé, comme le souhaite Jean-Luc Mélenchon, on ne construira rien sur un terrain désertique. Et cela, François Hollande le sait. Il peut perdre les municipales en 2014 (ce qui d’ailleurs n’est pas du tout certain), mais, en attendant, il est protégé par les institutions. Son quinquennat commence à peine, il a tout le temps pour se rendre de nouveau populaire ; il a le loisir de compenser ses échecs probables par des succès diplomatiques ; et enfin, cet homme affable et simple n’est pas le moins retors des politiciens : rien ne l’oblige à tenir la totalité de ses promesses électorales, même s’il y a des gens compétents pour lui rappeler qu’il les trahit. Lui aussi s’y entend pour affirmer qu’il fait une chose alors qu’il fait l’inverse. Un exemple :  il n’a cessé de cultiver, sur le front européen, l’alternative à l’Allemagne en multipliant les contacts bilatéraux avec la Grèce, l’Italie et l’Espagne. Rupture de l’axe franco-allemand ? Pas si vite. Quand le gouvernement grec a demandé un délai de deux ans pour rétablir ses comptes, Angela a dit nein et François a dit non. Autre exemple : il ne craint pas  d’indisposer les syndicats, qui s’apprêtent déjà à un bras de fer avec le pouvoir.

Dans son combat avec l’opposition ou avec la presse, c’est un artiste, un champion de l’esquive et des uppercuts inattendus. Le PS veut qu’il reste dix ans. On verra bien.

RICHARD LISCIA

 

 

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