Fillon-Copé : débat à la guimauve

Interchangeables ?
(Photo AFP)

Tout au long de cette interminable émission qu’est décidément « Des paroles et des actes », hier soir sur France 2, François Fillon et Jean-François Copé se sont efforcés de démontrer que rien ne les séparait et qu’ils s’opposaient l’un à l’autre seulement par goût de la démocratie. Les efforts renouvelés des journalistes pour les différencier n’ont obtenu aucun résultat.

LE DÉBAT n’en a pas moins été intéressant. Le langage feutré qui effaçait leurs divergences résultait sans nul doute d’un accord préalable : au mépris de la précision des questions qui leur étaient posées, ils ramenaient tous deux la conversation à leur opposition, commune et frontale, contre le gouvernement, en multipliant les arguments contre une gestion qu’ils déplorent. On n’a pas pu faire dire à M. Fillon que l’histoire du pain au chocolat de M. Copé avait une tonalité démagogique ; on n’a pas pu faire dire à M. Copé qu’il se situait plus à droite que son rival. L’émission a servi de tribune à la mise en pièces du gouvernement de M. Ayrault qui traduirait, selon eux, les ratiocinations coupables du président de la République.

Un test essentiel.

Quoique mise au point à l’avance, cette stratégie fut payante. Elle indique déjà que des élections primaires départageront les éventuels candidats de droite à la présidence de la République en 2016. Elle montre aussi que l’UMP, qui a réussi à ne pas transformer sa défaite en débâcle, sera unie pour les municipales de 2014, test-clé pour le poids de la droite classique dans le paysage politique. Le point central sur lequel se joue le destin de l’UMP, à savoir le rôle et l’influence croissants du Front national, n’a pas été écarté, et c’est heureux. Les deux hommes se sont mis d’accord sur leur refus de pactiser avec le FN et d’accord sur leur refus de voter socialiste pour battre le Front, ce qui semble combler le fossé qui les séparait avant le débat, M. Fillon ayant rallié le « ni-ni » de M. Copé.

Bien entendu, l’émission n’a pas atténué le danger que Marine Le Pen fait peser sur la droite et le centre. Au moins MM. Copé et Fillon sont-ils conscients de ce danger qui s’accroît d’autant plus que le pouvoir socialiste, confronté à des problèmes, crise, chômage, endettement que, pour le moment il ne parvient guère à résoudre, sera tenté de recourir à la méthode cynique qu’il a adoptée depuis trente ans : gauchir son action pour renforcer le Front et affaiblir du même coup la droite non extrémiste. L’histoire du droit de vote des étrangers, que tant de socialistes défendent au nom de ce qu’ils considèrent comme une justice élémentaire, n’avait pas d’autre objectif que de faire hurler le FN, d’écoeurer les électeurs de l’UMP et de les rejeter vers l’extrême droite.

Que MM. Copé et Fillon aient subodoré tout ce qu’ils risquaient de mal faire, qu’ils aient échappé aux pièges multiples que l’émission leur tendait par la force des choses, qu’ils aient donné, même s’il s’agit d’une impression artificielle, l’image d’un parti relativement serein, uni et dont le fonctionnement est conforme aux règles démocratiques ne fait pas en soi un bilan négatif. On ne sera pas dupe, néanmoins, de ce qu’ils ont dit, pas plus que l’on n’ignore ce qu’ils nous ont caché habilement : l’ambition, qui les dévore, et les contraint, par besoin d’unité, à jouer un peu à Poutine et Medvedev ; lesquels, depuis fort longtemps, essaient de nous faire croire qu’ils sont parfaitement interchangeables. Certes, la Russie n’est pas la France et la comparaison vaut parce qu’elle est drôle plutôt qu’exacte, mais d’un jeu à deux, il y en a fatalement un qui tire son épingle.

RICHARD LISCIA

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Une réponse à Fillon-Copé : débat à la guimauve

  1. Vultaggio-Lucas dit :

    Le débat entre le démocrate social qui en profite pour balancer son ex-employeur ex-président de la République et un des héritiers sarkozystes qui distille sa  » haine » d’avocat perdant, n’a certainement pas permis d’éloigner le risque extrémiste de droite ou celui d’une dictature qui ne dirait pas son nom, dans la mesure où elle serait « libérale et provisoire » comme Freidrich Hayek le préconise en prenant modèle sur le Chili de 1973 à 1990.

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