La lutte en faveur du chômage

L’enseigne de Bricorama
(Photo AFP)

L’entreprise de vente d’instruments de bricolage, Bricorama, a porté plainte contre ses concurrents, Leroy-Merlin et Castorama, parce qu’ils sont autorisés à ouvrir leurs magasins le dimanche alors que Bricorama a été contraint de fermer les siens  le même jour, et à payer au syndicat Force Ouvrière (FO) la somme de 37 millions d’euros au titre d’astreintes pour chaque jour ouvré sans dérogation.

ON MARCHE sur la tête. Pourquoi une entreprise commerciale qui fait exactement le même travail qu’une autre n’a-t-elle pas les mêmes droits? Parce que la loi qui régit l’ouverture des magasins le dimanche est compliquée. En principe, on ne travaille pas le dimanche en France (Sunday is closed, comme disait Fernand Raynaud), mais on fait de multiples exceptions pour le commerce de détail, notamment dans les zones dites touristiques. Du coup, l’interprétation qu’en font les juges est variable et aboutit à de criantes injustices.

Observons la vérité crue : sept millions de Français travaillent le dimanche dans les hôpitaux, cliniques, gardes médicales, transports publics, fourniture d’énergie, police, presse, et j’en passe. Le mythe du dimanche pour tous nous conduit à des contorsions de l’esprit indignes de la logique et de l’arithmétique. Il ne s’agit nullement de forcer ceux qui ne le souhaitent pas à travailler le dimanche. Il s’agit simplement, contre des rémunérations plus élevées, de faire travailler ceux qui l’acceptent. Les syndicats veulent préserver le mythe parce qu’ils voient dans l’extension au dimanche de l’exploitation de l’homme par l’homme le plus sûr moyen de banaliser ce jour sacré, moins du point de vue religieux que de celui du sempiternel égalitarisme. C’est l’ère du soupçon : aujourd’hui, on paie mieux les heures travaillées le dimanche, demain, on les paiera comme pour les jours de la semaine.

95 magasins et 2 614 salariés.

Ce faisant, ils scient la branche sur laquelle ils sont assis. Il est peu probable que FO exige les 37 millions que Bricorama lui doit. Le syndicat sait qu’il mettrait l’entreprise en faillite, ce qui se traduirait par la fermeture de 95 magasins employant 2 614 salariés. Si l’action de la loi doit avoir un effet aussi pervers, c’est la loi qu’il faut changer, c’est au gouvernement de s’emparer du sujet, c’est à lui de faire voter une nouveau texte au Parlement. Et s’il ne le fait pas, c’est pour ne pas accroître les soupçons que la gauche nourrit sur son libéralisme croissant, de la même manière que le gouvernement précédent a pratiqué, sur ce dossier, une négligence bénigne destinée à lui éviter une autre confrontation avec les syndicats.

Mais qu’est-ce qu’on fait d’intelligent dans ce pays si, cherchant désespérément à créer de nouveaux emplois, on s’efforce simultanément, au nom de je ne sais quel principe périmé et inadapté à la conjoncture, à en détruire des milliers ? Pouvons-nous, dans une période aussi tragique, qui crée chaque mois 45 000 chômeurs de plus, faire courir des risques aux entreprises qui marchent ? Refuser à des travailleurs une source supplémentaire de revenus ? Ne devrions-nous pas nous féliciter de ce que l’on propose aux salariés d’améliorer leur traitement, donc leur pouvoir d’achat, en travaillant le dimanche, même s’il faut ignorer le jour du Seigneur ? Et ne voit-on pas qu’il est impossible de ne pas travailler le dimanche dans une société dont les besoins ne disparaissent pas le septième jour, qu’il s’agisse des urgences hospitalières, des SAMU, de la radio et de la télévision, du métro et du rail ?

Si un  quart de la population active travaille de toute façon le dimanche, pourquoi hurler au scandale dès lors qu’existe un marché pour lequel les entreprises, commerciales ou non, sont prêtes à payer deux fois des heures aux salariés qui, à leur tour, pourront payer leurs factures ? Il y a, dans l’inconscient national, une telle hostilité au travail que l’on en fait une sorte de fléau à combattre au lieu de s’emparer de tous les moyens qui restent à notre disposition pour compenser les effets de la crise.

RICHARD LISCIA 

 

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Une réponse à La lutte en faveur du chômage

  1. anger dit :

    D’autant qu’on a vu des syndicalistes virulents faire leur courses le dimanche.

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