Retraites : la non-réforme

On verra plus tard
(Photo AFP)

Deux éléments caractérisent les dispositions adoptées par le gouvernement sur les régimes de retraite : la vitesse à laquelle l’affaire a été menée et l’absence de réforme profonde. Tout a été fait pour désarmer les syndicats qui, pourtant, en dehors de la CFDT, expriment leur mécontentement et confirment leurs manifestations du 10 septembre prochain ; rien n’a été fait pour l’équilibre des comptes à long terme.

LA DURÉE DE COTISATIONS augmentera d’un trimestre par an à partir de 2020 et elle atteindra 43 ans en 2035 ; les cotisations vieillesse (et non la CSG payée par les salariés et les retraités, dont la hausse prochaine sera sans doute affectée au « transfert » des cotisations patronales aux allocations familiales), augmentera de 0,15 % en 2014, puis de 0,05 % pendant les trois années, soit un total de 0,30 % en 2017 ; la hausse des cotisations vieillesse rapportera 4,4 milliards d’euros sur les 7,3 qui manqueront à l’appel dans quatre ans. Il n’y aura pas de report de l’âge de départ à la retraite, pas de hausse de CSG, pas d’augmentation de la durée des cotisations pendant encore sept ans ; on ne sait pas d’où viendront les trois milliards de recettes en moins qui décrédibilisent les comptes établis par le gouvernement.

Un rapiéçage.

Il ne s’agit pas d’une réforme, mais d’une sorte de rapiéçage comptable, uniquement destiné à calmer le jeu social, et qui entérine toutes les injustices contenues dans le système : les régimes spéciaux ne seront pas alignés sur le régime général, les fonctionnaires continueront de bénéficier de leurs privilèges (financés par le secteur privé), la retraite des cadres, elle aussi menacée par un déficit qui, si les choses restent en l’état, porterait à 21 milliards le total des sommes à trouver, n’est même pas évoquée. Preuve triomphante du souci social de l’État, un compte pénibilité va être mis en place en 2015, dont l’effet immédiat sera d’alourdir le besoin de financement.

Le gouvernement aura été néanmoins habile, en laissant se répandre des rumeurs qui n’avaient aucune consistance, comme la hausse de la CSG, dont l’absence aura provoqué, on l’imagine, un soupir de soulagement chez les salariés. La technique de communication est remarquable, sinon qu’elle fera peu de dupes, qui a faire courir le bruit qu’il fallait en finir avec la hausse des prélèvements obligatoires, mais a permis quand même à l’État de ne recourir, en guise de réforme, qu’à une hausse modérée des cotisations sociales (0,30 % sur les salaires bruts d’ici à 2017, cela semble léger).

Une occasion manquée.

Cependant, il est impossible de croire que les régimes de retraite seront sauvés grâce aux placebos prescrits par le gouvernement. Il s’agissait seulement de gagner du temps, d’inscrire la réforme ou ce qui en tient lieu dans le mandat de François Hollande, d’essayer de convaincre tous les partenaires sociaux, y compris le patronat, qui ne s’en laissent pas conter, sauf la CFDT, et de reporter les échéances financières à 2020. Même Jean-Claude Mailly, secrétaire général de Force ouvrière, hostile à toute augmentation des cotisations et de leur durée, devrait, s’il en avait le courage, admettre que le gouvernement a tenu compte de son jugement, à savoir que la réforme n’était pas urgente et pouvait attendre; en gros, le Premier ministre a retenu l’opinion de M. Mailly et a donc accouché d’une souris.

M. Mailly a raison de dire qu’on en est à la sixième réforme des retraites, omettant d’ajouter qu’aucune d’elles n’a porté le fer dans la plaie. L’ancien ministre UMP, Luc Chatel, affirmait récemment que, à ses yeux, la réforme des régimes de retraite devrait être permanente pour s’adapter à la conjoncture : si par miracle la croissance revenait en force dans les années qui viennent, certains sacrifices ne seraient pas nécessaires ; si le contraire se produit, il faudra alors envisager de travailler encore plus longtemps.

Non seulement le gouvernement présente un projet totalement dépourvu de vision et d’avenir, mais il perd une occasion sans doute unique d’attacher une réforme historique au mandat de M. Hollande. Seule la gauche pouvait conduire une telle réforme, elle seule pouvait l’imposer aux syndicats. Évidemment, si le but de l’action politique est que le gouvernement ne doit pas avoir d’ennuis, l’absence de courage de nos dirigeants ne surprendra personne.

RICHARD LISCIA

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