Le bourbier centrafricain

Nos soldats à l’oeuvre
(Photo AFP)

Le désarmement des milices en République centrafricaine (RCA) ne sera « pas une tâche facile », a admis Laurent Fabius ce matin sur France Inter. Le ton de sa déclaration est en contradiction avec ce que le président Hollande avait déclaré la semaine dernière, à savoir que l’intervention militaire française serait peu coûteuse et de courte durée. Les milices, en effet, se fondent dans la population et évitent le contact avec les 1 600 soldats français envoyés sur place.

D’UN CÔTÉ, la RCA est complètement désorganisée, de l’autre, François Hollande, avec l’accord des États africains et de l’ONU, a placé la barre très haut en refusant au président actuel, Michel Djotodia, au Premier ministre, aux députés, de se présenter aux élections qui auront lieu, peut-être en 2014, quand la sécurité sera assurée et que l’ordre règnera. L’armée française peut donc s’attendre à rencontrer de vives résistances chez des milices qui ne revendiquent que très vaguement leur objectif et sont surtout composées d’hommes dépourvus de tout scrupule. La mission française joue un rôle policier dans un pays complètement livré à l’anarchie : les massacres ont repris de plus belle quand fut annoncée l’arrivée de nos soldats. Le calme semble revenir progressivement,  il est précaire et le corps expéditionnaire a pour consigne d’engager le combat avec tous ceux qui refuseront de remettre leurs armes.

C’est toujours la France qui s’y colle.

Les difficultés que vont rencontrer les militaires français sont certes inquiétantes. On pense au cumul de leurs interventions depuis quelques années, de la Côte d’Ivoire à la RCA, en passant par le Mali. Mais il était impossible d’assister à la mise en coupe réglée d’un pays par des voyous sans réagir. Il demeure que, chaque fois qu’un pays africain francophone est en proie à une guerre civile ou à l’anarchie, c’est la France qui doit intervenir, même si elle est soutenue par les Nations unies, comme c’est le cas aujourd’hui en RCA. On doit rendre à M. Hollande ce qui lui appartient : il ne se lasse pas d’une tâche, pourtant répétitive, mais qui a toujours un aspect humanitaire ; il ne s’en laisse pas conter au sujet du « néo-colonialisme », une expression qui dénonce une dérive à laquelle on ne peut échapper qu’en livrant à la mort la plus cruelle des populations entières de malheureux que plus personne ne protège ; et il profite des circonstances, notamment de l’absence scandaleuse de l’Europe, en fixant lui-même les règles politiques qu’il entend appliquer.

Le cas du Mali.

La France joue en Afrique un rôle d’une importance sans rapport avec ses moyens ou ses préoccupations économiques et sociales. C’est d’ailleurs pourquoi elle suscite autant d’admiration en Europe et aux États-Unis, qui la voient prendre la tête de coalitions africaines modestes pour changer le sort funeste de divers pays. Non seulement la tâche n’est pas facile en RCA, mais elle n’est jamais facile en Afrique. Déjà, au Mali, le nouveau gouvernement issu des élections critique l’attitude de la France à l’égard des Touaregs du nord.  Tous les précédents ont pourtant démontré que, lorsqu’une population n’est pas associée aux solutions politiques capables de ramener la paix, elle continuera à s’insurger. La France ne souhaite pas que les Touaregs soient ignorés alors que le pouvoir à Bamako, qui leur reproche de s’être provisoirement alliés aux islamistes, espère passer en force. Aussi improbable que soit parfois l’instauration d’un ordre démocratique, il n’y a pas d’alternative.

RICHARD LISCIA

 

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2 réponses à Le bourbier centrafricain

  1. Chambouleyron dit :

    Pèse sur nous, notre aveuglement (et peut être notre encouragement ?) face au génocide rwandais qui se préparait et qui a fait un million de morts. Mais faut-il pour autant à grands renforts de superlatifs se donnant des prétextes humanitaires et d’autorisations onusiennes comme satisfécit pour intervenir à tout va ? Surtout de la part d’un président normal. Et si nous pouvons souscrire globalement aux dernières chroniques de M. Liscia force est de nous opposer au « courage personnel de François Hollande » qui ne serait « qu’un va-t-en guerre » de Copé ou Sarkozy.
    Ce qui est le plus admirable chez Mandela, c’est la réconciliation, mais il fut aussi un terroriste.
    N’est-ce pas risible l’invitation portée aux nues de notre président à Sarkozy …. Mais en avions séparés ! Ou à pleurer.

    Réponse
    1) La France est le seul pays qui a agi, mais insuffisamment, contre le génocide rwandais.
    2) C’est d’un commun accord que le président et son successeur ont décidé de prendre des avions séparés.Le président Hollande s’arrête à Bangui sur le chemin du retour, ceci expliquant cela.
    3) Ce qui fait la popularité de Mandela, c’est qu’il est passé de la violence à la non-violence et qu’il a libéré les Sud-Africains par la seule voie de la négociation.Dire qu’il « fut un terroriste » ne rend pas compte de ce qu’il représente.
    4) En RCA, on pouvait certes s’abstenir et… compter les morts.

  2. Herodote dit :

    Au Mali, nos soldats ont pu déployer leurs effectifs sur un vaste territoire et donner le sentiment d’une « libération » provisoire du Pays. En RCA, envoyer nos soldats « désarmer »des milices fondues dans la population, c’est donner aux terroristes l’avantage écrasant du terrain. La mort d’un de nos vaillants soldats serait totalement imputable à l’impéritie du commandement.
    Au delà on peut regretter l’amateurisme d’une diplomatie incapable de rallier une partie de l’Europe à une cause qui associe pourtant sauvetage de population et intérêts bien compris.
    On ne sait trop où on va : tantôt on veut « punir » un tyran, tantôt on menace l’Iran de blocage pour constater que, dans les deux cas, l’affaire s’est réglée sans nous!
    Il y a de quoi s’inquiéter vraiment.

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