La confiance en chute libre

Michel Sapin communique moins
(Photo AFP)

La hausse du taux de chômage en janvier n’aura surpris personne: rien ne permettait d’imaginer que la France créerait des emplois, même après la dérisoire augmentation de la croissance (0,3 %)  l’année dernière. Les Français s’y attendaient : leur moral a baissé de un point en février. Pour le gouvernement, le problème se pose d’une manière angoissante. Il ne peut exciper d’aucun résultat sur le front de l’emploi et, chaque mois, les statistiques érodent un peu plus sa crédibilité.

LE SENTIMENT général est que, face à un chômage qu’il n’a pas combattu avec les bons moyens, le gouvernement tarde à riposter en utilisant d’autres leviers économiques. La vive hausse de la fiscalité en 2012 et 2013 a été contre-productive : elle a légèrement diminué les recettes de l’État au lieu de les augmenter massivement. La seule issue possible réside dans la baisse du coût du travail, proposée dans le cadre du « pacte de responsabilité » en cours de négociation, qui sera adopté et mis en place dans les mois qui viennent, alors que, dans la « boîte à outils » du président, il ne reste plus aucun instrument capable de faire reculer le chômage. Dans ces conditions, il n’y a aucune raison d’espérer des créations d’emplois avant la fin de l’année et le président Hollande, échaudé par son pari perdu sur « l’inversion de la courbe », ne se risquera plus à faire des promesses.

Tous les paramètres sont négatifs.

Gouvernés et gouvernants sont donc plongés dans la même perplexité. Les premiers attendaient des seconds qu’ils appliquent des mesures efficaces. Ils ne peuvent plus compter sur eux pour une sortie de crise prochaine, d’autant que le bilan au niveau du budget, des déficits et de la dette est au moins aussi consternant que celui du chômage : selon la commission de Bruxelles, le déficit budgétaire français ne sera pas ramené à 3 % à la fin de 2015, comme le gouvernement l’avait juré après avoir obtenu de l’Union européenne un sursis de deux ans pour réaliser cet objectif. L’erreur majeure aura été d’augmenter les impôts, ce qui n’a permis ni de faire baisser le taux de chômage ni d’accroître les recettes fiscales. Nous savons déjà que notre dette publique dépassera les 1950 milliards d’euros avant la fin de l’année, soit 95,1  % de notre PIB.

Dernier espoir : le pacte de responsabilité.

Bien entendu, les conséquences politiques du marasme économique et social sont considérables : le pacte de responsabilité, qui a soulevé un certain enthousiasme à droite et au patronat, donne lieu à des querelles entre le Medef et le gouvernement au sujet de son application. Son articulation avec le CICE (crédit impôt compétitivité emploi) n’est pas claire du tout. Le financement des cotisations familiales dont les entreprises seraient déchargées ne peut être trouvé que dans un effort de réduction de la dépense publique qui n’a pas encore commencé. Mais surtout la crédibilité personnelle du président est en jeu. Même si l’on pense que les techniques de lutte contre la crise n’ont aucun rapport avec la politique, le chef de l’État doit donner un coup d’arrêt à une neurasthénie nationale qui résulte de plus de cinq ans de crise.  On parle de plus en plus d’un remaniement gouvernemental, mais personne ne peut dire s’il sera salutaire, si Jean-Marc Ayrault restera à la barre, s’il aura lieu au lendemain des municipales (23 et 30 mars) ou des européennes et à quelles personnalités « nouvelles » M. Hollande peut s’adresser.

Est-il possible, pour François Hollande, d’en appeler encore à la patience des Français ? La prolongation insupportable de la crise et de ses conséquences et l’impression très partagée qu’un temps précieux a été perdu en vaines mesures inspirées par l’idéologie plutôt que par le pragmatisme semblent exiger un geste fort et immédiat. Mais, attention:  depuis 21 mois, nous avons eu droit à une multitude de slogans et de formules qui ont laissé l’économie dans la même prostration. Pour les mots, la France a eu sa dose. Le moment est venu d’une révision déchirante perceptible dans les actes.

RICHARD LISCIA 

 

 

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Une réponse à La confiance en chute libre

  1. Dr Jérôme Lefrançois dit :

    Le président Hollande est une anguille spécialiste de l’esquive et d’une façon d’avancer en louvoyant une fois à gauche puis une fois à droite.
    De cette façon, il s’est décrédibilisé aux yeux de tous, et ne convainc plus qui que ce soit, ni à gauche, ni à droite.
    Il pourra toujours remanier et remplacer Jean-Marc Ayrault, personne ne croira à ses futures nouvelles promesses ; car ses actes n’ont pas apporté la moindre preuve de la fiabilité de ses promesses.
    Et va-t-il remanier et diminuer l’armée mexicaine de son gouvernement, dont la plupart des Français ne connaissent pas la plupart des ministres, qui donnent l’impression d’être plus inutiles (au mieux) ou nuisibles (sauf quelques rares exceptions, qui retiennent l’attention et agissent) les uns que les autres.
    En fait, il est grand temps que François Hollande démissionne, ou provoque une cohabitation, pour un vrai changement de politique, avant qu’il n’y soit obligé par la rue.

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