Valls à la peine

Déjà freiné par Hollande
(Photo AFP)

Le Premier ministre, Manuel Valls, doit prononcer demain son discours de politique générale, puis demander la confiance de l’Assemblée nationale. Si l’on en juge par les commentaires des Verts et la pétition signée par plus de 80 députés socialistes, elle lui sera accordée chichement ou à contrecoeur.

M. VALLS ne peut pas s’isoler et gouverner avec une minorité ou une majorité faible, capable de disparaître à la faveur du moindre incident. Comme je l’ai expliqué au lendemain du second tour, il existe un malentendu sur l’interprétation du scrutin qui a entraîné la débâcle de la gauche : les électeurs de gauche ont voté contre le pouvoir ou se sont abstenus parce qu’ils exigent une amélioration immédiate de leur sort bien plus qu’une nouvelle politique économique qui redresserait nos comptes tout en relançant la croissance. Bien qu’il ne soit pas un spécialiste de l’économie, Manuel Valls incarne la gauche libérale, le blairisme en quelque sorte, et c’est contre la perspective d’un programme libéral, européen et d’économies que se sont dressés Europe Écologie les Verts et l’aile gauche du PS.

L’appel à l’Italie.

Le Premier ministre a pris soin de recevoir les uns et les autres, et tenté de les rassurer. Ce qui semble signifier que, dans son discours, il accordera au moins autant d’importance au « pacte de solidarité » annoncé par François Hollande qu’au pacte de responsabilité. En même temps, Michel Sapin et Arnaud Montebourg se sont rendus à Berlin pour expliquer aux Allemands la position de la France : moins d’efforts d’économie, plus de pouvoir d’achat pour les classes moyenne et pauvre. De même, M. Valls souhaiterait organiser un front franco-italien contre l’austérité, car son homologue, Matteo Renzi, veut distribuer aux Italiens une dizaine de milliards qu’il compte récupérer en ralentissant le rythme de la réduction du déficit budgétaire italien. L’ idée d’un bloc formé par les deux pays vaut ce qu’elle vaut, c’est-à-dire pas grand-chose, car le déficit italien pour 2013 s’établit à 2,8 % quand le nôtre est de 4,3%. M. Renzi veut l’augmenter à 3 % en 2014, ce qui lui laisserait une marge de manoeuvre, alors que nous étions censés réduire notre déficit à 3 % en 2017. Nous en sommes loin. Conscient que le cas de l’Italie est différent du nôtre, M. Renzi ne semble pas du tout avoir envie de former une coalition avec la France.

La chèvre et le chou.

Dans cette affaire, on fait une montagne des 50 milliards que nous devons économiser, alors qu’il s’agit moins d’économies que d’un ralentissement du rythme des dépenses et que cet argent doit financer le pacte de responsabilité et le CICE. Autrement dit, l’impact sur le déficit budgétaire, pour autant qu’on coupe réellement dans les dépenses, sera à peu près nul. Dans cet embrouillamini sémantique et dans le contexte d’une présentation des faits délibérément opaque, M. Valls fait face non seulement à la fronde de la gauche de la gauche, mais à la mortelle indécision de François Hollande, qui veut ménager la chèvre et le chou et va tempérer à chaque instant la fougue du nouveau chef du gouvernement. Il s’est doté d’un Premier ministre de combat, mais il ne compte pas lui donner l’ordre de tirer. Là où il nous faut un farouche pragmatisme, nous risquons de voir une autre synthèse entre la responsabilité et la solidarité.

Selon « Les Échos », l’État s’apprête à économiser 17 milliards sur ses dépenses en trois ans, 23 milliards sur la Sécurité sociale et 10 milliards sur les collectivités locales.  Pourquoi 50 milliards, pourquoi pas plus, pourquoi pas moins, dès lors qu’on ne nous dit jamais comment cette somme va nous permettre d’aller vers l’équilibre budgétaire ? S’il est vrai que les Verts et la gauche du PS voteront in fine la confiance, M. Hollande aurait tout intérêt à laisser M. Valls aller au bout de ses propres idées, démolir les dogmes qui nous ont fait tant de mal, et réformer sans relâche jusqu’à l’été.

RICHARD LISCIA

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Une réponse à Valls à la peine

  1. phban dit :

    Une fois de plus vous avez parfaitement décrit la situation. Notre seule chance est que Valls dévore sa laisse à belles dents et profite de sa liberté retrouvée pour imposer ses réformes au mollasson suprême, le cantonnant au rôle d’inaugureur de chrysanthèmes (ce qui, au fond, lui convient si bien et lui laisserait le loisir de conter fleurette à qui vous savez).

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