Les mots et la substance

Le président hier à l’Élysée
(Photo AFP)

François Hollande aurait pu se dispenser de l’entretien du 14 juillet s’il n’avait décidé de le réinstaurer pour faire le contraire de Nicolas Sarkozy. Il ne pouvait pas espérer, hier, convaincre ses concitoyens par des démonstrations sans rapport avec la réalité qu’ils vivent. L’ancienne et la nouvelle politique du gouvernement n’ont produit à ce jour aucun résultat. Pis, la France s’enfonce dans le chômage et les déficits. Dès lors, d’où l’apparent optimisme du président peut-il bien venir ?

IL LUI EST loisible de tenir aux Français un discours qui ne doit en aucun cas aggraver leur morosité. Il lui appartient de leur apporter courage et réconfort. Il s’y est employé,  en réaffirmant, hélas, ce qui n’est pas vrai, à savoir que « la reprise est là » (mais où ?), mais qu’elle est « fragile ». Il a aussi entonné le chant martial de la réforme, tout en sachant qu’il ne procède pas, ou trop lentement, aux réformes audacieuses que conteste une partie de sa majorité et qui, elles, commenceraient enfin à entamer un chômage himalayesque. Il nous apprend qu’il relancera le projet de droit de vote des étrangers, lequel divisera de nouveau le pays mais ne fera rien pour le pouvoir d’achat ou contre la précarité. Il prononce quelques vérités sur Manuel Valls qui « met de l’efficacité, de l’organisation et aussi de la rapidité », mais il ne dit rien du rôle joué par Arnaud Montebourg, qui va sur les podiums prendre des engagements différents de ceux du président et du Premier ministre.

Un discours contradictoire.

Les propos du président étaient jalonnés de contradictions. La reprise est là, mais la France va obtenir de ses partenaires européens un ralentissement de l’effort visant à faire des économies sur la dépense publique. Je suis à droite, voyez ma politique de l’offre. Je suis à gauche, voyez ma coupable procrastination en matière de réduction de la dépense. Nous faisons les réformes les moins urgentes, nous prenons notre temps pour celles qui doivent avancer le plus vite. Peu convaincant sur l’essentiel, il l’est davantage pour le reste : il « ne se pose pas » la question de son second mandat ; à propos de Nicolas Sarkozy, il a toute la distance requise et il réaffirme avec force les principes d’indépendance de la justice et de présomption d’innocence ; sur Israël et le Hamas, sur des manifestations pro-palestiniennes qui ont viré à l’antisémitisme, il a les mots qu’il faut.

La seule politique valable.

Le nombre des incertitudes l’emporte sur celui de ses prédictions optimistes. M. Hollande n’est pas sûr de sa majorité ; il ne sait pas quand la conjoncture économique deviendra enfin favorable mais il persiste à annoncer ce retournement ; sa réforme territoriale fait l’objet des protestations les plus vives, de sorte qu’il n’est pas au bout de ses peines ; le couple qu’il forme avec son Premier ministre et qui serait soudé « parce qu’il ne pourrait en être autrement » pose une question de fond, peut-être la seule qui compte : ne doit-il pas laisser Manuel Valls engager les réformes, bousculer les obstacles, et obtenir enfin les changements dont nous avons tellement besoin ? Son rôle, à lui, Hollande, ne devrait-il pas se résumer à la protection du chef du gouvernement contre une fronde qui entend réduire à néant la seule politique qui n’ait pas été engagée à ce jour, celle qui a été appliquée avec succès ailleurs en Europe et à au sujet de laquelle, maladivement, nous continuons à trouver tous les défauts, comme pour empêcher le salut du pays ?

RICHARD LISCIA

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