Macron dans la fosse aux lions

Une loi très combattue
(Photo AFP)

Le contenu de la loi Macron n’était pas plus tôt publié qu’il subissait une attaque dévastatrice lancée par la gauche de la gauche, avec, cette fois, la participation active de Martine Aubry, qui s’en prend plus spécialement au travail dominical. De leur côté, les experts estiment que la loi ne bouleversera pas les choses en France et qu’elle ne suffira jamais à donner 6 milliards d’euros supplémentaires de pouvoir d’achat aux Français, comme l’affirmait naguère Arnaud Montebourg.

LE JEUNE ministre de l’Économie, plongé dans une polémique pénible avec son propre parti, mesure la difficulté de mettre en oeuvre des mesures nouvelles. Encadré par le Premier ministre mais plus encore par le président, Emmanuel Macron n’a pas touché à la semaine de 35 heures, pas plus qu’au Smic. Il présente un projet contenant diverses mesures dont l’unique, mais importante cohérence consiste à déverrouiller une économie sclérosée par les rentes de situation. L’esprit de sa loi révèle le refus de respecter les traditions ou les habitudes, de sorte qu’il a contre lui à la fois la gauche et la droite.

Demandez aux salariés.

Pourtant, M. Macron ne joue pas le rôle du chien dans un jeu de quilles. Il désacralise le repos dominical, qui n’a jamais existé dans les professions contraintes à une permanence de sept jours par semaine pour des raisons de sécurité ou de nécessité économique. À gauche, on continue néanmoins à considérer ces quelques dimanches ouvrés ajoutés à ceux qui existaient déjà comme le retour à l’exploitation de l’homme par l’homme, sans remarquer que les salariés intéressés par un revenu supplémentaire appellent de leurs voeux l’instauration du travail dominical. On n’a jamais vu autant de personnes censées défendre les droits des travailleurs, du Front de gauche aux syndicats, se livrer à une attaque en règle contre le droit de gagner un peu plus. Mais, souvenez-vous, ils l’ont déjà fait à propos des heures supplémentaires que Nicolas Sarkozy avait détaxées. Tout ce qui relève de la liberté de travailler leur paraît suspect. Ils voient déjà des employés qui ne travailleraient que le dimanche et pas les autres jours, qui y seraient forcés, qui auraient une vie familiale épouvantable.

Double assaut de la droite et de la gauche.

Les professions dites réglementées (notaire, avocat, médecin, pharmacien) seraient livrées à la concurrence grâce à la suppression du numerus clausus. Bien entendu, les professionnels ainsi menacés ont décidé de manifester comme des salariés, de sorte que M. Macron s’attire aussi les foudres d’une frange conservatrice hostile au changement. La création de lignes nationales d’autocar qui concurrenceraient le train fait également partie du programme. M. Macron ne va pas jusqu’à réviser les fameux « seuils sociaux », ceux au-delà desquels la vie syndicale est mieux organisée dans l’entreprise et rend plus difficiles les licenciements ; il ne revient pas sur le temps du travail alors qu’il en brûlait d’envie ; il ne propose pas des salaires inférieurs au Smic. Il n’en fait pas moins l’objet d’un double assaut de la droite et de la gauche qui permet de douter que sa loi puisse être adoptée à l’Assemblée. Il a à peine ébauché une réforme qu’elle est vivement repoussée, à peine mis le pied dans la fourmilière qu’il est condamné, à peine envisagé des changements indispensables que l’imprécation nationale s’abat sur lui. Ce n’est pas de cette manière que nous arriverons à sortir le pays de l’ornière dans laquelle il est bloqué depuis six ans.

RICHARD LISCIA 

 

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2 réponses à Macron dans la fosse aux lions

  1. phban dit :

    Tous ces cris d’orfraie pour une réformette, les Grecs, les Espagnols et même les Italiens doivent nous prendre pour des fous, eux qui ont subi bien pire pour s’efforcer de sortir leur économie du marasme.

  2. Persoons dit :

    Un beau commentaire sur la loi Macron. Du point de vue médical une approche « révolutionnaire ». En effet depuis le PLFSS d’Alain Jupé en 1995 , l’État français n’a eu de cesse de se prétendre le propriétaire de l’ « offre de soins » , ce qui est un imposture puisque le secteur de la santé et des soins fonctionne sur la demande de soins. D’ailleurs cette imposture de l’État se solde par une explosion de la dette de la Sécu, passée de 22 milliards en 1996 à 230 milliards en 2013. Une dette multipliée par 11 en 20 ans, est-ce une bonne gestion de l’ « offre de soins »? Non, c’est une médecine soviétique tout simplement, pas une médecine moderne et proche de son coeur de métier. On comprend le déficit permanent : toute une caste de « grands serviteurs de l’État » se partage les honneurs des nombreuses officines sanitaires qui « organisent » la santé en France. Ils ont tous une « idée » à émettre sur la future santé publique. Ce qui en ressort, c’est que l’hôpital est devenu pire que la SNCF, que les syndicats des personnels y règnent en maîtres et que la compétence médicale s’effrite à grande vitesse, sauf dans les 35 CHU et CHR qui concentrent les restes d’une médecine normale. Un gâchis épouvantable qu’il faudra 20 ans à combler. Alors, par où commencer? Par la loi Macron ! Et si on « déverrouillait  » la médecine , en d’autres termes, si on passait d’une « offre des soins » à une économie de la santé ? Une économie avec une libre entreprise des médecins, une libre concurrence, une libre demande de soins … Déréguler et dynamiser ce secteur économique qui est remarquablement actif (et l’un des seuls qui ait une forte croissance). Voir la médecine comme une secteur économique qui emploie directement 1 million de personnes, et indirectement 3 millions, qui génère 55 milliards de C.A. de l’industrie pharmaceutique. Alors que les médecins ne coûtent plus que 13 % des dépenses de l’assurance-maladie, on se demande où sont passés les 87 % restants. Ce sont bien les « institutions de santé » depuis la Haute Autorité de santé, jusqu’aux nombreuses Agences de Santé, ou autres agences du médicament , etc.. qui rassemblent une marée de fonctionnaires parfaitement obsolète, et dont la contribution à l’intérêt général pose question puisqu’elles se trouvent en compétition (inutile) avec les agences européennes qui produisent le même travail sauf que les deux tiers des lois françaises sont d’origine européenne. Donc: déverrouiller la médecine, oui, maintenant. Et passer le mammouth de la santé publique au Karcher, oui. À lire : « La médecine au coeur de la nouvelle économie », chez l’ Harmattan.

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