Retraites : nouvelle crise

Didier Migaud, président de la Cour des comptes
(Photo AFP)

Le « Parisien » d’aujourd’hui révèle le contenu d’un rapport de la Cour des comptes, qui sera publié jeudi et indique que les régimes complémentaires de retraite, Agirc et Arrco, sont déficitaires depuis 2009, avec une perte cumulée, entre 2010 et 2013, de 8,2 milliards d’euros. Si rien n’est fait en urgence, les retraites des cadres seront un jour en situation de faillite. Ces révélations montrent que les diverses réformes adoptées par les gouvernements de droite et de gauche étaient tout à fait insuffisantes.

FORT HEUREUSEMENT, les deux régimes disposent de réserves qui leur permettent de tenir le coup, jusqu’en 2018 pour l’Agirc et jusqu’en 2023 pour l’Arrco. Mais il est logique de s’attaquer dès aujourd’hui à un déficit qui pourrait atteindre 100 milliards d’euros en 2030. Or il faut savoir que les retraites complémentaires, comme la retraite de base, sont gelées depuis près de deux ans. Et pourtant les régimes ont tous été réformés à plusieurs reprises, notamment par les gouvernements Raffarin, Fillon et Ayrault. On sait parfaitement pourquoi les régimes sont déficitaires : la principale raison, en dehors de la générosité des systèmes, c’est une espérance de vie qui ne cesse d’augmenter. La conséquence inévitable de ce constat, c’est que les salariés ne peuvent se contenter de travailler jusqu’à 61 ou 62 ans, mais doivent prolonger leurs carrières progressivement, par exemple de six mois chaque année.

Double recette.

Cette proposition est constamment combattue par les syndicats et par les actifs. Mais, sauf à diminuer le montant des pensions, il n’y a pas de solution vraiment efficace en dehors de l’ajournement de la date de départ. Un individu qui travaille un an de plus ne touche pas sa retraite pendant un an et cotise un an de plus : c’est une double recette. Toute l’Europe a compris le phénomène, seuls les Français s’accrochent, avec l’énergie du désespoir, à un système qui devient intenable avec l’espérance de vie. Pis : les syndicats négocient avec le patronat pour la prise en compte, dans le calcul des pensions, de la pénibilité au travail. Cette prise en compte ne fera que grever le paiements des pensions. Elle instaurera en outre un système abscons qui complique le calcul des montants, car la notion de pénibilité relève plus du subjectif que du quantitatif.

Une question philosophique.

Le rapport de la Cour des comptes met le doigt sur une évidence que tout le monde avait prévue, sauf nos responsables politiques, qui ont préféré fermer les yeux ou se contenter de faire la politique du possible, alors qu’il suffisait de programmer une prolongation progressive des carrières pour réduire de plusieurs milliards chaque année les versements. La question des retraites en France relève de la philosophie du travail, perçu comme une contrainte désagréable ; certes, elle existe dans certains métiers, mais, dans d’autres, on parle de vocation. On n’a pas encouragé le goût du travail lorsqu’on a adopté la semaine des 35 heures, lorsqu’on a créé un ministère du Temps libre (à l’époque de Mitterrand) ou lorsqu’on a taxé les heures supplémentaires. Une quantité infinie de métiers offre non seulement aux hommes et aux femmes leur dignité mais leur apporte aussi une culture. Si on avait cultivé la notion de travail en France, on ne se heurterait pas à un rejet populaire chaque fois qu’il est question d’équilibrer les comptes des régimes.

RICHARD LISCIA

 

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Une réponse à Retraites : nouvelle crise

  1. HEGER Gerard dit :

    Tout ce qui est dit là est archi-connu. L’article oublie de dire que les déficits viennent des privilèges des fonctionnaires et des régimes « spéciaux ». Le non dit s’explique parce qu’il y a une majorité de fonctionnaires à l’Assemblée nationale, parce que les journalistes ont un régime spécial et, il faut le dire, par la connerie des salariés du privés qui se font marcher dessus sans rien dire. (7 millions de fonctionnaires privilégiés contre 14 millions de salariés du privé). Rappeler que l’EDF a rejoint le régime général. Cela ne devait rien coûter. La bonne blague : 6 milliards de trou dû aux seuls privilèges de l’EDF (date de départ, calcul du montant etc…). Le mieux : adhérer à Sauvegarde Retraites.

    Réponse
    Les journalistes n’ont aucun régime spécial, ils relèvent tous des systèmes de retraite du privé. Il n’y a pas 7 millions de fonctionnaires, mais 5 et c’est déjà beaucoup. Même en réformant les régimes spéciaux, le problème de l’espérance de vie se poserait de la même manière. Ce n’est pas en cumulant les inexactitudes et les approximations qu’on résoudra le problème.

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